Chaque fois que les Jihadistes ou autres groupes armés frappent au Mali, une partie de la presse de ce pays s’en prend violemment à la Mauritanie l’accusant d’être la base de départ (et de retrait) des assaillants.
Très souvent, les termes de cette presse malienne sont traduits et repris tel qu’ils sont par nos confrères d’ici. Alors que tous savent qu’aucune attaque ne peut partir du territoire mauritanien. Heureusement d’ailleurs que les autorités maliennes sont édifiées sur la question, sinon ces ragots auraient assombri les relations entre les deux pays. Mais que dire du citoyen lambda, du policier, du douanier, du gendarme maliens en faction sur l’un des points de la frontière entre les deux pays ? L’occasion de rappeler quelques faits.
Le 4 juin 2005, un commando du Groupe salafiste de prédication et de combat (GSPC, devenu depuis Al Qaeda au Maghreb Islamique, AQMI) attaque la garnison mauritanienne de Lemghayti. Les assaillants se retirent dans la région de Tombouctou après avoir assassiné une quinzaine de soldats mauritaniens et en emportant un sérieux butin. Le Mali se contente alors de fermer les yeux sur l’expédition punitive envisagée et même lancée par les autorités mauritaniennes de l’époque. Les Maliens n’interviennent à aucun moment pour aider à retrouver les assaillants. Même quand les unités envoyées loin de leurs bases arrières en Mauritanie, sont confrontées à de sérieuses difficultés d’approvisionnement (eau, nourriture, carburant…).
Le 24 décembre 2007, un groupe procède à l’assassinat de trois touristes français avant de fuir vers le Sénégal. Si deux des agresseurs sont arrêtés grâce justement à la coopération entre le Sénégal, la Guinée Bissau et la Mauritanie, le troisième trouve refuge au Mali où il est pourtant repéré en compagnie d’une autre figure du Jihadisme en Mauritanie, Hammada Ould Mohamed Khairou. Sans pouvoir être arrêté.
Le 27 décembre 2007, trois soldats mauritaniens sont tués par un commando venu du Mali. Les agresseurs repartent au Mali. Même s’ils sont repérés à plusieurs fois, aucune autorité au Mali n’a envisagé de limiter les déplacements ou les actions de ces groupes.
Le 15 septembre 2008, une unité de l’Armée mauritanienne tombe dans une embuscade tendue par des terroristes venus du Mali. Bilan : 12 morts et de façon terrifiante. Les assassins se replient tranquillement dans les environs de Tombouctou.
Le 29 novembre 2009, deux humanitaires espagnols sont enlevés sur la route de Nouadhibou par des individus ressortissants du Nord malien. Les assaillants se sont repliés au Mali où ils ont remis leur «butin» à AQMI à laquelle ils servent d’intermédiaires et de traiteurs. Deux semaines après, ce sont des Italiens qui sont enlevés par des groupes venus et repartis au Mali.
En février 2010, le Mali relâche de dangereux terroristes dont un Mauritanien, Boybe Ould Nave, dans le cadre d’un marché visant la libération du français Pierre Camatte. Sans en référer à la Mauritanie et sans se poser de questions.
A partir de juillet 2010 et jusqu’en juin 2012, l’Armée mauritanienne engage une guerre préventive contre les groupes terroristes tranquillement installés dans le Nord malien. La Mauritanie est alors accusée par les autorités maliennes et par les mêmes journalistes qui crient aujourd’hui, de «mener une guerre contre le peuple malien». Et quand les deux pays ont convenu de mener des actions coordonnées, des proches du Président Amadou Toumani Touré et certains officiers de l’Armée malienne ont renseigné AQMI sur les positions et le détail des opérations. C’est ce qui s’est passé dans la forêt de Wagadu quand l’Armée mauritanienne a essayé d’empêcher l’établissement d’une base d’opération AQMI en ce lieu. Bien des choses se sont passées depuis : Wagadu est effectivement devenue la base de lancement des opérations contre les villes et les postes maliens.
Tout ce que le Mali a vécu de drames, d’occupation et de crimes de guerre depuis est la conséquence du refus des autorités maliennes de l’époque de comprendre que la guerre menée par la Mauritanie servait d’abord le Mali qui voyait sa souveraineté remise en cause gravement. Ce sont les Maliens au pouvoir pendant les deux décennies qui ont vu les terroristes faire main basse sur le Nord de leur pays.
Les Salafistes qui frappent aujourd’hui le Mali sont pour la plupart ressortissants du pays. Peulhs, Touaregs, Songhaïs ou Arabes, ils sont pour les survivants d’évènements dramatiques, dommages collatéraux d’une guerre qui a été menée dans la plus grande opacité. Quand ils sont de Ançar Eddine, leurs revendications se recoupent avec celles des rebelles du Nord. Quand ils appartiennent à AQMI, ils croient se battre contre l’Occident et ses serviteurs.
Ces groupes ne peuvent être vaincus que par la mise en commun des moyens des Etats de la région. Ce n’est pas en essayant de semer la zizanie entre nos Etats déjà affaiblis par la conjugaison de facteurs multiples, que nous allons contribuer à leur émancipation. Encore moins à la préservation de leur intégrité.