Ibrahima Thiaw au sommet de l’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte : « La Nature est la meilleure assurance du peuple contre la faim et la maladie »

Kassataya – (Paris) – Le Directeur Exécutif Adjoint du PNUE M. Ibrahima Thiaw a prononcé lors du troisième sommet ordinaire de l’Agence de la Grande Muraille Verte tenu à Nouakchott le 27 juillet 2015 un appel à une gestion durable qui tienne « travaille avec la nature plutôt que contre elle ».

Il a suggéré aux leaders des pays membres de l’initiative de repenser les politiques agricoles en les orientant vers plus de pastoralisme. Il en a en outre appelé à une plus grande part faite à la petite et à la moyenne agricultures. M. Thiaw a exhorté les pays africains à valoriser les énergies renouvelables qui ont l’avantage d’être modulables et de s’adapter à leurs besoins tout en étant compétitives du point de vue de leur coût de production.

KASSATAYA vous livre l’intégralité de son discours.

 

Discours de M. Ibrahim Thiaw, Directeur Exécutif Adjoint du Programme des Nations Unies pour l’Environnement à la 3eme Session Ordinaire des Chefs d’Etats et de Gouvernement de l’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte

 

27 Juillet 2015

 

Nouakchott, Mauritanie

 

Excellence, monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de la République Islamique de Mauritanie, Président en exercice de l’Agence de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Agence de la Grande Muraille Verte,

 

Excellence Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays de la GMV Excellences, mesdames et messieurs les membres du Corps Diplomatique,

Mesdames et messieurs les représentants des organisations internationales,

Honorables Invités,

Mesdames et Messieurs

 

L’honneur m’échoit de prendre la parole, au nom des Nations Unies, à l ‘occasion de la 3ème

Session Ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’Agence Panafricaine de la “Grande Muraille Verte”.  Je voudrais dire, d’emblée, combien je suis particulièrement fier, en tant que fils de ce pays, de constater la qualité avec laquelle cette

Conférence est organisée par le Gouvernement mauritanien.

Cette rencontre marque une étape importante, peut‐être un tournant décisif, pour l’initiative la plus innovante et la plus ambitieuse menée par des Etats Africains, en vue de la restauration des écosystèmes dans le Continent.

Innovante, car tout en étant régionale, et répondant à une vraie dynamique transfrontalière, elle respecte la souveraineté de chaque Etat Membre selon le principe d’une responsabilité commune mais différenciée.

Ambitieuse, elle l’est aussi, car la mise en place d’une ceinture verte de plusieurs milliers de kilomètres, à la lisière du Sahara, traversant le continent d’Est en Ouest, est considérée par certains comme une gageure. Oui, il s’agit d’un projet ambitieux, un rêve, pour les plus critiques.

Mais ne fallait il pas de l’ambition et plus qu’un rêve pour construire les pyramides d’Egypte?

Qui avait fournit l’assistance financière aux pharaons pour réaliser, à partir de la troisième

dynastie, ces ouvrages extraordinaires que l’Homme moderne a encore du mal à reproduire?

Comment l’Ethiopie d’aujourd’hui pourtant considérée parmi les pays les moins nantis a t-elle pu se mobiliser et réaliser la construction, sur fonds propres, de leur plus grand projet d’infrastructure? Comment l’Afrique va-t‐elle réaliser sa vision 2063, si ce n’est par une volonté affirmée, voire l’ambition et la détermination ?

Ambitieux oui, mais le projet de la Grande Muraille Verte est néanmoins réalisable. La question qui mérite d’être posée n’est pas de savoir si le projet est réaliste ; il s’agit plutôt de se demander si nous avons une meilleure alternative face à l’érosion de nos ressources naturelles, fondation même du développement durable et de la prospérité des peuples?

Pourquoi est-il non seulement éthiquement impératif, mais économiquement indispensable, de conserver la nature? Parce que la Nature est la meilleure assurance du peuple contre la faim et la maladie. C’est en effet la nature qui produit les poissons que nous consommons, pas le Ministère des pêches. C’est la Nature qui fournit la viande et le lait, pas le ministère de l’élevage. C’est la Nature qui attire les touristes vers nos paysages magnifiques, pas le ministère éponyme. C’est la Nature qui fournit l’eau, pas le département de l’hydraulique.

La liste des services fournit par nos écosystèmes est longue. Le Programme de la Grande Muraille Verte a pour ambition de perpétuer ces services pour les générations actuelles et futures. La restauration des écosystèmes, activité à haute intensité de main d’œuvre, crée des millions d’emplois en milieu rural, notamment pour les femmes et les jeunes, fixant ainsi les populations dans leurs terroirs d’origine et leur offrant des perspectives économiques à court et long termes.

Notre génération a la responsabilité d’effectuer les premiers pas. Puissions-nous être aussi inspirés que motivés que la dynastie Ming et les empires chinois qui lui succédèrent et qui, il y a plus de 2000 ans, avaient érigé la Grande Muraille de Chine ? Les Chinois, pas plus que les

Egyptiens pour les pyramides, n’avaient guère attendu qu’une quelconque assistance technique vienne aider à construire les 20’000 Km de mur qui demeurent à ce jour la seule œuvre humaine visible depuis la lune.

Joseph Ki Zerbo du Burkina Faso déconseillait à ses amis de dormir sur la natte des autres, car disait il, dormir sur la natte des autres, c’est comme on ne dormait pas. Les Egyptiens et les Chinois avaient peut‐être dormi sur leurs propres nattes.

 

Excellences, Mesdames et Messieurs,

La natte de l’Afrique c’est notamment ses richesses naturelles. Loin des clichés véhiculés depuis des décennies, l’Afrique est en fait un continent riche, même s’il est vrai que ses populations sont paradoxalement pauvres. La zone circum-saharienne quoiqu’aride, regorge des ressources encore peu valorisées, y compris des ressources en eau !

Les pays pourraient envisager trois axes programmatiques pour l’Agence de la Grande Muraille Verte, tous visant à transformer les contraintes écologiques en opportunités.

 

1. Transformer la chaleur et les vents, caractéristiques du Sahara et du Sahel, en énergies renouvelables dont la technologie et les coûts sont désormais très compétitifs par rapport aux énergies fossiles. Les énergies renouvelables sont par ailleurs modulables aux besoins spécifiques d’une grande agglomération comme d’une petite exploitation agricole ou encore d’une petite exhaure oasienne.

 

2. Transformer l’agriculture en milieu aride : près de six décennies après les indépendances, le temps serait–‐il enfin venu de mieux valoriser le pastoralisme? La quasi marginalisation des éleveurs nomades dans la plupart des pays de l’arc circum saharien a entrainé des conséquences sociales, économiques et sécuritaires imprévisibles. Les zones arides ayant une vocation plutôt pastorale, il serait bon de travailler avec la nature, et non contre-nature. Encore une fois, l’accès aux énergies renouvelables lèverait la contrainte majeure de conservation de viande et de lait, facilitant ainsi un meilleur écoulement des produits aux marchés nationaux et régionaux, voire internationaux.

 

3. Transformer et adapter la petite et la moyenne agricultures, qui resteraient bien entendu une priorité absolue. Avec peut–‐être une orientation plus poussée vers les techniques dites « d’aridiculture » tendant à valoriser, dans les zones sèches, les productions maraichères, fruitières et fourragères, vecteurs par excellence d’activités agro–‐pastorales plus adaptées au milieu naturel.

La mise en œuvre d’un tel programme nécessitera des investissements, devant aller au delà de l’aide publique au développement. Quoique des subventions importantes soient absolument nécessaires pour catalyser les actions, des investissements publics et privés seront indispensables pour aboutir aux échelles de transformations nécessaires.

En effet, en complément à l’aide au développement, il nous faut une vision concertée pour une politique d’investissement dans le monde rural, à même de limiter les migrations incontrôlées et les propagandes extrémistes qui font de la pauvreté et des frustrations sociales les lits de leurs actions néfastes.

Le Programme de la Grande Muraille Verte est un programme de développement durable en milieu aride et semi‐aride. Il entre parfaitement dans les objectifs du développement durable dont l’adoption est attendue en Septembre prochain à l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Ainsi, mettre en œuvre ce Programme correspondrait à appliquer en même temps les dispositifs des Conventions internationales pertinentes, dont la Convention sur la Lutte contre la Désertification, la Convention sur la Diversité Biologique, la Convention sur les Zones Humides et bien entendu la Convention sur les Changements Climatiques.

C’est pourquoi, les pays membres de l’Agence de la Grande Muraille Verte pourraient, de concert avec le reste du Continent, coordonner leurs efforts en vue de la 21ème session de la

Conférence des Parties sur le Climat, prévue en Décembre prochain à Paris.

 

Excellence, mesdames et messieurs,

Pour conclure, j’aimerais réitérer l’engagement du système des Nations Unies à continuer à appuyer cette initiative vitale pour le développement durable des 11 pays membres de l’Agence panafricaine de la Grande Muraille Verte.

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, en particulier serait de poursuivre avec vous le chemin, certes long, qui mènera aux objectifs ambitieux que vous vous êtes fixés. Nous gardons en tête la fameuse sagesse africaine qui dit : « Si vous voulez aller vite, allez seul. Si vous voulez aller loin, allez ensemble ». Allons ensemble. Loin.

Je vous remercie.

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page