Le voyage présidentiel a été dominé par l'antiterrorisme au Cameroun et l'économie en Angola.
Les affaires et la lutte antiterroriste valent bien quelques escapades diplomatiques, aussi embarrassantes soient-elles. En visite d'Etat en Angola et au Cameroun, vendredi 3 juillet, François Hollande a dû, une fois encore, confronter sa politique africaine aux réalités et aux nécessités du terrain. Celles des affaires, d'abord, en Angola, présidé par José Eduardo Dos Santos, 72 ans dont trente-cinq de règne. Celles de la lutte contre le terrorisme, ensuite, au Cameroun dirigé par Paul Biya, 82 ans, au pouvoir depuis trente-deux ans.
A Luanda, il fut donc essentiellement question de diplomatie économique. La délégation française en revient avec, en poche, un milliard d'euros de contrats, selon l'Elysée : entre autres, des accords entre Sonangol, la compagnie nationale angolaise d'hydrocarbures, et Total ; ou avec le groupe Accor pour l'ouverture de 50 hôtels. Pas encore le jackpot, mais une manière de reprendre pied dans le pays, après des années de brouille pour cause d'Angolagate et de retard pris sur les entreprises chinoises. " Les Chinois sont partout, la France et l'Europe nulle part, expliquait, jeudi, François Hollande à ses conseillers. On vient pour montrer qu'on est disponible pour la suite. "
C'est le principal argument de vente développé sur place par le chef de l'Etat. " Une responsabilité sociale et environnementale, des investissements au bénéfice de tous, de l'Angola et de l'économie française ", a expliqué M. Hollande à l'occasion d'un forum économique franco-angolais. Dans un pays à la croissance exponentielle, mais où la manne pétrolière pâtit de la chute du prix du baril depuis un an, la venue de M. Hollande vise à déverrouiller un marché difficile à pénétrer pour cause de lourdeurs bureaucratiques et de corruption généralisée.
" Ça ne va pas être simple "
Accueillant M. Hollande au palais présidentiel, M. Dos Santos a -salué l'" excellence des relations entre entreprises de nos deux pays ". Au chapitre des droits de l'homme, le chef de l'Etat français a simplement souligné " l'engagement de réconciliation, de pluralisme, d'élections qui sont prévues. La France y est attentive ". Non sans souligner, dans le même mouvement, " notre gratitude pour l'accueil ". La conférence de presse initialement prévue s'est finalement transformée en simple déclaration, sans question donc, à la demande de la présidence angolaise.
Arrivé quelques heures plus tard à Yaoundé, le président français se savait en terrain infiniment plus délicat politiquement, avec en filigrane la question épineuse de la succession de Paul Biya. " Ça ne va pas être simple ", estimait-il en petit comité. Il a donc pris le parti d'aborder plus frontalement, en tête-à-tête, la question des droits de l'homme, et particulièrement le cas de l'avocate franco-camerounaise Lydienne Yen-Eyoum, condamnée à vingt-cinq ans de prison pour détournements de fonds mais victime, selon ses proches, d'un règlement de comptes politique. M. Hollande s'est vu -opposer une fin de non-recevoir par son homologue camerounais. " La justice au Cameroun est totalement indépendante, a juré M. Biya. Même s'il arrivait à l'exécutif de vouloir l'influencer, l'exécutif n'y arriverait pas. "
" Il ne peut y avoir de développement sans sécurité, il ne peut y avoir de développement sans démocratie ", a insisté M. Hollande lors d'une conférence de presse avec son homologue camerounais. " Nous sommes attentifs à tous les efforts qui peuvent être faits pour que le pluralisme puisse avoir toute sa place " et " également à la liberté d expression et aux droits de l'homme ", a-t-il ajouté, estimant que " la justice doit être indépendante ".
Un peu plus tard, après avoir donné toutes assurances concernant " l'organisation régulière des élections, la promotion des droits de l'homme et des libertés ", Paul Biya évacuait la question d'une nouvelle candidature en 2018 : " Nous avons le temps de réfléchir… "
" Des exemples à donner "
MM. Hollande et Biya ont trouvé un meilleur terrain d'entente dans la lutte contre Boko Haram, le groupe djihadiste nigérian qui a tué quelque 200 personnes depuis le 1er juillet. Paris se félicite du fait que les autorités camerounaises, depuis un an, participent à la lutte armée contre Boko Haram aux côtés du Tchad, du Niger et du Nigeria. Paris, qui fournit à Yaoundé du renseignement aérien, satellitaire, aimerait que les Camerounais se montrent " plus audacieux et belliqueux ", selon une source française.
Mais la coopération antiterroriste a son revers. Les opposants camerounais mettent en garde contre une loi récente, qui assimile potentiellement une grève ou une manifestation à un acte de terrorisme, et appellent à sa révision. Avant de s'envoler, François Hollande a tenu à rencontrer des militants des droits de l'homme.
Jeudi, à l'occasion de sa première étape béninoise, M. Hollande avait rendu un hommage appuyé au régime du président Thomas Boni Yayi, " une référence sur le plan démocratique ", avait-il salué au palais présidentiel de Cotonou, seul discours politique de ce périple africain. " Si je suis ici, c'est pour montrer qu'il y a des exemples à donner ", avait-il ajouté, distinguant ainsi politiquement le Bénin de ses deux étapes suivantes, infiniment plus piégeuses.
David Revault d'Allonnes
Source : Le Monde
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