Ibou n’y comprend rien. Ce bout d’homme d’une quarantaine d’années, rencontré au détour d’une ruelle du quartier Liberté 4 de Dakar, n’apprécie pas les débuts confus de la période du jeûne du ramadan au sein de la communauté musulmane du Sénégal.
« C’est ainsi depuis plusieurs années, les Sénégalais débutent toujours le ramadan en rangs dispersés. C’est écœurant pour un pays constitué à plus de 90 % de musulmans », peste-t-il entouré d’un groupe d’amis. Conséquence, l’aid el fitr (fête marquant la fin du ramadan) est toujours célébrée, elle aussi, dans la discorde, soupire Khalilou, un des camarades d’Ibou, musulman pratiquant.
« Il arrive bien que l’on assiste à trois célébrations de l’aid el fitr dans ce pays. C’est une honte que les populations d’un si petit pays (14 millions d’habitants, recensement 2014) ne puissent s’accorder sur le début et la fin du mois béni de ramadan », ajoute Abdoul levant les yeux vers le ciel. « On devrait en faire une affaire d’Etat », selon Ibou.
Un ciel, plusieurs lunes
Après son élection à la présidentielle de 2012, Macky Sall, interpellé sur la question avait répondu que le Sénégal était une République laïque et que la gestion de cette situation incombait aux religieux.
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Le jeûne a débuté jeudi 18 juin chez une bonne partie des musulmans du Sénégal. Il s’agit des membres de la Coordination des musulmans de Dakar et de la famille omarienne. Ces descendants d’El Hadji Oumar Tall, érudit musulman soufi sénégalais du XVIIIe siècle et fondateur de l’empire Toucouleur, ont dit recevoir des informations fiables sur l’apparition du croissant lunaire. Une information corroborée par l’Association sénégalaise pour la promotion de l’astronomie qui affirme avoir aperçu le croissant lunaire mercredi soir à Dakar à partir de la corniche.
Les racines d’un mal profond
La Commission nationale chargée de scruter le croissant lunaire, en revanche, a indiqué dans une note diffusée mercredi soir que le ramadan débuterait ce vendredi 19 juin, l’instance n’ayant reçu aucune information sur l’apparition du croissant.
Pour l’imam Moustapha Niang de la mosquée du quartier Liberté 6, l’islam sénégalais est très confrérique avec des « khalifes » à la tête de chaque groupe. Il regrette que les confréries n’arrivent pas à s’accorder. « Chaque groupe se suffit à son marabout et tire la couverture de son coté », souligne l’imam, qui suggère de renforcer la cohésion entre les khalifes généraux à chaque approche du ramadan, et l’importance d’impliquer les scientifiques dans la recherche du croissant lunaire.
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