Emancipation des femmes Harratines : 5 femmes-courage

ZEYNABOU – "Le père de mes filles nous a quittés il y a quelques temps. J’ai dû continuer le combat de m’occuper d’elles seules" affirme Zeynabou, les mains pleines de mauvaises herbes, dans son jardin, près de l'usine de la SOBOMA.

 

"Elles sont complètement analphabètes, savent peu de chose de la religion. Elles ne savent pas faire leurs ablutions seules" ajoute-t-elle. "En réalité elles sont sous le choc, elles n'ont pas encore l'habitude de vivre libre" murmure-t-elle en baissant sa tête voilée vers l'une de ses filles.

Aujourd'hui Zeynabou ne se conduit plus comme une victime; elle prend sa vie en main, et souhaite que son cas soit éventuellement une référence pour d'autres femmes. "Quand je rencontre une femme harratine, je lui parle de mon expérience et mes sacrifices. Si elle a besoin d’une aide pour s’émanciper, je la lui offre volontiers. Je l’invite à prendre en main son destin. J’essaie d’encourager les femmes harratines à dépasser certains handicaps." raconte la quarantenaire.

Un dynamisme, et une volonté d'aller de l'avant qui lui font dire avec une assurance sans faille que l'avenir de la femme Harratine est dans ses mains, malgré le legs lourd, et les discriminations.

"La liberté c’est se tenir debout, assumer la responsabilité de son vécu en ne comptant que sur soi-même" dit-elle, toujours en regardant sa fille.

Zeynabou a hérité le jardin de son mari décédé il y a quelques années. Avec l'expérience, elle essaie des mélanges de graines, des semences, pour améliorer le rendement de son jardin, qui pourvoit en bananiers, en fleurs exotiques, en herbes diverses, en camomille, en manguiers…

Avec le temps, les enfants se plaisent à voir leurs mains vertes se développer : "Quand l'un d’eux n’est pas en classe, il vient automatiquement donner un coup de main ici" assure Zeynabou en riant, qui se dit "fière" de leur contribution.

Le regard des gens? "C’est vrai que certains sont gênés de voir une femme cheffe de famille, de surcroît assurant son devoir parfaitement, mais depuis quelques temps, je reçois des encouragements de toutes parts. les lignes bougent" dit-elle simplement, en tendant un pot de camomille à une cliente.

 

Aïchana. Crédit : MLK

Aïchana. Crédit : MLK

AÏCHANA – "Une-flamme-dans-les-yeux". Cela aurait pu être le prénom amérindien d'Aïchana, si elle avait vu le jour sur les terres de Cochise. Son regard, la rage (saine) qui l'anime, est palpable au premier contact. A Dar Naïm où elle habite, les fenêtres de son âme ne laissent rien voir de victimaire dans sa posture ou les pupilles altières. Quand elle commence à raconter son histoire, le constat se mue en la conviction qu'on a devant soi une de ces femmes qui soulèveraient des montagnes pour une cause juste, et pour les siens.

"Un jour, j’ai eu un problème avec l’épouse de mon maître : elle refusait la visite de mon mari, sous prétexte qu’il était sale et sauvage. il n'a donc pu me voir, ni ses enfants. Par la suite, elle a monté un plan diabolique contre moi, m'étant opposée fermement à sa décision" narre-t-elle.

Alors, durant un séjour du mari de la femme du maître en Arabie Saoudite pour son commerce, et seule à la maison avec ses deux jumeaux, elle est interpellée par deux policiers, dans la cuisine. "Moi l'analphabète, j'étais convoqué au commissariat, lieu que je n'avais jamais vu, et dont je ne connaissais pas les procédures" dit-elle, chapelet aux doigts.

"J’ai d’abord refusé de les suivre. Je connaissais déjà leurs visages : c’était des amis de mes maîtres. Le lendemain, ils sont revenus avec un agent de la garde, que je ne connaissais pas. J’ai accepté de partir avec eux, suite aux conseils d’amis qui me déconseillaient de défier l’autorité publique" continue celle qui a été le premier cas d'esclave libéré par SOS-Esclaves de Boubacar Messaoud.

"Je m'en veux encore de mon ignorance: J’ai alors laissé mes enfants chez la famille de mon maître, et suis monté dans la voiture des policiers. Ils m’ont amené jusqu’à Ouad Naga. Ils se sont arrêtés là-bas, et ont attendu l’arrivée de l’épouse de mon maitre, qui devait nous rejoindre à cet endroit. Elle est venue avec mes deux enfants jumeaux, qu’elle cachait sous les sièges de sa voiture. C’est comme ça qu’elle a réussi à les faire sortir de Nouakchott. Le tout, sans un biberon ni même une bouteille d’eau minérale. J’ai vu de mes propres yeux, la scène où les policiers essayaient de sortir mes enfants coincés sous les sièges" raconte Aïchana longuement.

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Mamoudou Lamine Kane

 

Source :  Mozaïkrim (Le 8 mai 2015)

 

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