Ebola : les survivants présentent des pathologies inquiétantes

Ils ont survécu au pire, mais ne sont pas indemnes. Depuis plusieurs semaines, des complications sont observées chez des personnes ayant vaincu l’infection par le virus Ebola au cours de l’épidémie, qui affecte encore l’Afrique de l’Ouest.

 

Des douleurs dans les membres inférieurs, des troubles visuels parfois sévères sont apparus chez des patients après qu’ils avaient quitté les centres de traitement une fois débarrassés du virus. L’origine de ces manifestations n’est pas élucidée pour l’instant.

Le bilan le plus récent rendu public par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), jeudi 7 mai, recense 26 626 cas de contamination dans les trois pays les plus affectés – la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone –, depuis le début de l’épidémie, en mars 2014. Sur ce total, 11 007 personnes sont mortes. Au moins 15 000 malades ont survécu. Si la fin de l’épidémie approche – 18 cas seulement ont été signalés la semaine dernière –, les équipes soignantes sur place ont constaté un certain nombre de symptômes de formes et de gravités très diverses chez les survivants.

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Ils incluent « fatigue et sentiment de faiblesse généralisés, douleurs articulaires et musculaires, céphalées, douleurs abdominales, perte de cheveux, troubles oculaires (parmi lesquels perte de la vue, douleurs oculaires, larmoiements, sensibilité à la lumière, uvéite [inflammation de la partie centrale de l’œil se traduisant par une rougeur de l’œil]) ou encore perte d’audition », résume une porte-parole de l’OMS. Les problèmes oculaires, notamment les uvéites, semblent « particulièrement répandus, et certaines indications suggèrent qu’en l’absence de traitement ils pourraient conduire à une cécité totale », ajoute-t-elle.

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Cohorte de survivants

Il paraît plus que probable, selon cette porte-parole de l’OMS, que « l’impact psychosocial de la maladie à virus Ebola soit énorme, aussi bien directement sous forme de stress post-traumatique, d’anxiété ou de dépression, qu’indirectement, du fait d’une incapacité à travailler et à se nourrir ainsi que leur famille, en raison de séquelles ou de la stigmatisation ».

« Nous avons déjà vu ce genre de phénomène, avec des états inflammatoires et des douleurs entre autres dans les membres inférieurs, après infection par le virus du chikungunya ou dans ce que l’on a appelé le “syndrome de la guerre du Golfe”, explique le professeur Jean-François Delfraissy, coordonnateur français contre Ebola. Il s’agit probablement de réactions d’hyperimmunité ou de processus auto-immuns. » Le suivi organisé de survivants d’Ebola devrait permettre dans les semaines et mois à venir d’en savoir davantage.

Des chercheurs français et américains, présents respectivement en Guinée et au Liberia, constituent ce que les épidémiologistes appellent une « cohorte », c’est-à-dire une population qui aura en commun d’avoir été infectée par le virus et sera suivie au fil du temps. « Nous mettons en place une cohorte de 500 survivants en Guinée. D’abord, depuis déjà un mois, au CHU de Donka, à Conakry, puis très prochainement dans la préfecture de Macenta, région qui a été le berceau de l’épidémie. Les Instituts nationaux de la santé américains font de même au Liberia », détaille le professeur Delfraissy.

Réseau de soutien

L’étude de cette population va porter aussi bien sur des aspects anthropologiques et socioculturels que sur le plan de la réponse immunologique chez ces survivants. « Nous allons surveiller toutes les manifestations cliniques et les comportements sociétaux. Des survivants ont témoigné que certains de leurs amis avaient peur de leur adresser un courriel par crainte d’être infectés à leur tour… Ils auront bien sûr des entretiens avec un psychologue, mais aussi un suivi immunologique [présence d’anticorps contre le virus] et la recherche d’éventuels réservoirs dans l’organisme où le virus pourrait demeurer à l’état dormant, comme c’est le cas avec le VIH. De même, nous rechercherons un éventuel profil génétique particulier », précise le professeur Delfraissy. Des résultats sur les premiers patients qui ont été inclus devraient être connus dans les semaines à venir.

Pour sa part, l’OMS a monté le Réseau de soutien aux survivants d’Ebola, « afin de coordonner leur accès aux soins et, lorsque c’est possible, de mener des recherches destinées à mieux comprendre les problèmes qu’ils rencontrent et les mécanismes pathologiques sous-jacents. Soigner les survivants d’Ebola, c’est aussi une manière de développer et de renforcer les systèmes de santé pour tous, quelle que soit la cause de leur maladie », résume la porte-parole de l’OMS.

 

Paul Benkimoun

 

Source : Le Monde Afrique

 

 

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