La crise diplomatique entre Alger et Nouakchott est loin de connaître son épilogue. Elle prend même des proportions plus graves.
Réagissant selon les règles de la réciprocité en renvoyant le premier secrétaire de l’ambassade de Mauritanie à Alger, l’Algérie s’est faite aussi représenter au plus bas niveau lors de la réunion des ministres maghrébins de l’Intérieur, en déléguant le secrétaire général du ministère de l’Intérieur.
Qu’est-ce qui pousse la Mauritanie, dont le président a été reçu à Alger en grande pompe et avec beaucoup d’égards il y trois ans, à oser une telle incartade malgré la générosité de l’Algérie qui a procédé à l’effacement de ses dettes ?
Ce qui est certain c’est que c’est le président Ould Abdelaziz qui a pris la décision d’expulser, le 22 avril, un diplomate algérien.
Ce n’est pas le fait d’un coup de tête mais une mesure planifiée et savamment pensée car, hier encore, le chef de l’Etat mauritanien est revenu à la charge, selon des informations relayées par des médias, lors d’une rencontre organisée avec les éditeurs de la presse locale, les mettant en garde contre «toute compromission avec les agendas étrangers au détriment des intérêts du pays». Selon Ould Abdelaziz, la publication par un journal mauritanien d’informations «susceptibles de nuire aux relations de la Mauritanie avec le Maroc en est un exemple».
Le fait qu’un journal mauritanien publie un article sur le Maroc peut-il amener les autorités mauritaniennes à faire le choix de provoquer une crise diplomatique avec l’Algérie ? Qu’est-ce qui a motivé la démarche de M. Ould Abdelaziz ? Pour avoir bien calculé les retombées de la décision d’expulser un diplomate algérien qui aurait inspiré l’article contre le royaume chérifien, Nouakchott semble faire clairement le choix de privilégier ses relations avec Rabat, quitte à irriter et à froisser son voisin algérien.
Car expulser un diplomate est une décision éminemment significative de la vision des rapports que l’on veut établir avec un pays.
Au royaume de Mohammed VI, on doit se frotter les mains après la crise déclenchée avec Alger par l’«allié» mauritanien. On ne sait pas précisément quelle contrepartie ce dernier peut en tirer, mais tout porte à croire que le geste de Nouakchott est essentiellement inspiré par Rabat, qui ne verrait pas d’un bon œil le retour de l’Algérie vers sa profondeur africaine.
La Mauritanie, où le royaume veut asseoir son influence sur toute l’Afrique de l’Ouest en investissant dans les services et la finance, a certainement cédé en allant provoquer un voisin qui, pourtant, n’a ménagé aucun effort depuis des lustres pour aider ce pays plusieurs fois en difficulté.
Les stations-service mises en place par Naftal depuis des années ont fait faillite en raison de créances non payées, l’effacement des dettes et bien d’autres aides n’ont pu finalement assurer ni le respect ni au moins la gratitude.
Par sa décision aussi grave qu’incongrue, la Mauritanie vient de démontrer qu’elle obéit désormais à d’autres agendas qui lui sont visiblement dictés par le royaume chérifien.
Pour que Nouakchott ose une embrouille avec Alger, il y a certainement anguille sous roche.
On ne sait pas encore quelle tournure prendra la crise diplomatique entre les deux pays, mais la première conséquence est déjà tombée : la réunion des ministres de l’Intérieur des pays maghrébins a tourné au bide. Seul le Maroc a envoyé le sien, l’Algérie et les autres n’ont pas envoyé de ministre.
Said Rabia
Source : El Watan (Algérie)
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