Sur les traces des médicaments

OXFORD, 10 avril 2015 (IRIN) – Un camion transportant des médicaments essentiels vers un camp de réfugiés isolé situé près de la frontière entre la Mauritanie et le Mali se renverse pendant son trajet de 2 000 kilomètres à travers le Sahara. C’est la saison des pluies et la moitié de la cargaison est endommagée par la boue et inutilisable.

Des incidents comme celui-ci sont rares, mais ils ont des conséquences désastreuses. En effet, il s’écoule parfois jusqu’à six mois avant que les cargaisons de médicaments essentiels soient livrées aux réfugiés et aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) qui vivent dans les endroits reculés de la planète.

IRIN s’est intéressé aux chaînes d’approvisionnement de Médecins Sans Frontières (MSF) et du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Suivez avec nous le long et périlleux trajet que de nombreux médicaments doivent parcourir avant d’atteindre ceux qui en ont le plus besoin et de pouvoir sauver des vies.

Formalités administratives

Les organisations d’aide humanitaire doivent composer avec des formalités administratives de plus en plus complexes. Un nombre croissant de pays imposent en effet des règlements plus stricts en ce qui concerne l’importation de médicaments.

« Il y a des pays où il est relativement facile d’importer [des médicaments], d’autres où c’est presque impossible et d’autres encore qui ont des exigences assez strictes. Ils demandent de nombreux certificats et de nombreuses preuves de qualité et d’origine », a dit Pennie Verseau, qui dirige le département des approvisionnements de MSF à Paris.

Des pays comme l’Éthiopie et l’Ouganda exigent des certificats de conformité aux bonnes pratiques de fabrication (BPF) pour chaque médicament importé. « Une commande annuelle peut contenir jusqu’à 200 articles différents, ce qui signifie que les fournisseurs doivent obtenir [des certificats de conformité aux BPF] pour chacun d’eux », a dit Heiko Hering, responsable de la santé publique auprès du HCR à Genève.

Ces exigences sont généralement assouplies lorsqu’il y a des urgences. Elles sont par ailleurs généralement accueillies comme un signe de la volonté des gouvernements d’empêcher l’entrée de médicaments contrefaits dans leur pays, mais le processus est souvent incroyablement laborieux.

 « Si vous êtes bien organisé et que vous savez ce dont ils ont besoin, ça va », a dit Mme Verseau. « Le problème, c’est lorsque les règlements changent, qu’ils ajoutent une nouvelle contrainte et qu’on doit revenir vers le fournisseur. »

Une importante cargaison de médicaments de MSF est restée bloquée pendant plus d’un an à la frontière d’un pays africain – que Mme Verseau n’a pas voulu nommer – en raison d’un problème du genre.

« Résultat : vous avez des ruptures de stock et vous devez trouver des solutions de remplacement, ce qui n’est pas toujours possible », a-t-elle dit à IRIN.

Contrôle qualité

L’achat de médicaments fabriqués localement permettrait de gagner beaucoup de temps et de s’épargner certaines formalités administratives, mais cela est rarement possible. La plupart des pays n’ont pas la capacité de production nécessaire et il est difficile de s’assurer de la qualité des produits dans les pays qui disposent d’un marché pharmaceutique local.

Les organisations d’aide humanitaire dépendent généralement de fournisseurs internationaux qui se procurent les médicaments auprès de fabricants capables de garantir la qualité de leurs produits. Il existe cependant un petit nombre de pays qui font exception, principalement au Moyen-Orient. En Jordanie, par exemple, les médicaments doivent être achetés localement, car leur importation est interdite.
 

Aujourd’hui, la plupart des organisations d’aide humanitaire achètent seulement à des fabricants capables de fournir des certificats de conformité aux BPF et d’ainsi prouver que la qualité de leurs produits a été vérifiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’autorité de réglementation pharmaceutique du pays.

« Avant, nous avions pour politique de traiter principalement avec des fournisseurs internationaux à cause des coûts. La politique que nous avons élaborée il y a cinq ans stipule toutefois que les médicaments doivent être achetés à l’international, principalement pour la question du contrôle qualité. C’est devenu une pratique acceptée par la plupart des acteurs internationaux », a dit M. Hering, du HCR.

Ce ne sont pas tous les fabricants qui respectent les BPF. L’auteure d’un article publié récemment dans le Pharmaceutical Journal plaide en faveur de la création d’un système mondial afin d’assurer une qualité semblable à celle des médicaments inscrits sur la liste de préqualification de l’OMS.

Coûts et rapidité

La plupart des organisations d’aide humanitaire commandent des médicaments à des fournisseurs qui mettent jusqu’à deux mois pour se les procurer auprès des fabricants. MSF gagne du temps grâce au centre d’approvisionnement que l’organisation a établi à Bordeaux, en France.

L’entrepôt de 13 000 mètres carrés du centre d’approvisionnement contient tous les médicaments dont MSF a besoin pour ses programmes ainsi que des articles de première nécessité pouvant être rapidement distribués dans l’éventualité d’une catastrophe ou d’une épidémie.

Les organisations d’aide humanitaire peuvent décider d’expédier leurs commandes par bateau depuis le port le plus proche ou de les acheminer par voie aérienne. La seconde option est beaucoup plus rapide, mais aussi plus onéreuse. MSF envoie la majeure partie de ses médicaments par avion.

D’après Mme Verseau, l’organisation cherche ainsi à réduire les risques de dommages.

« Il faut maintenir une certaine température et un certain niveau d’humidité dans les conteneurs. Ce n’est pas un problème à bord des bateaux, mais il arrive qu’on ne sache pas dans quelles conditions les médicaments sont gardés dans les ports. Il se peut même que vous deviez les jeter s’ils sont restés trop longtemps dans un conteneur placé au soleil. »

Il s’écoule parfois jusqu’à six mois entre le moment où un bureau pays du HCR place une commande annuelle et celui où les médicaments arrivent finalement à destination.

Le HCR prépare des commandes suffisamment importantes pour couvrir une année complète d’opération dans un pays particulier. Il expédie par bateau la majeure partie de ses médicaments et les achemine ensuite par camion jusqu’aux entrepôts situés dans le pays de destination.

Pour les cargaisons à destination de pays enclavés comme le Soudan du Sud et la République centrafricaine (RCA), cela implique généralement de couvrir des milliers de kilomètres par la route. De tels trajets sont très risqués.

Zones de conflit et infrastructures déficientes

Le dernier segment de la chaîne d’approvisionnement – le transport des médicaments des entrepôts centralisés vers les cliniques et les camps situés dans des régions déchirées par les conflits et dont les routes sont en piètre état, voire inexistantes – présente souvent les obstacles les plus difficiles à surmonter.

Au Soudan du Sud, par exemple, les routes pavées sont rares et les routes non pavées sont impraticables pendant la saison des pluies, qui dure de mai à décembre. Il n’est en outre pas recommandé d’emprunter certaines routes, même pendant la brève saison sèche, en raison de l’insécurité liée au conflit actuel.

« Le principal moyen de transport est l’avion », a dit Karin Ekholm, qui travaille pour MSF au Soudan du Sud. « Tout doit être aéroporté pendant 10 mois sur 12. »

Le transport de médicaments par voie aérienne est cependant trop onéreux pour de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG).

À titre d’exemple, les fonds dont dispose la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) pour son intervention en RCA ne sont pas suffisants pour assurer la livraison des fournitures médicales par voie aérienne.

La FICR bénéficie actuellement d’une subvention du Fonds mondial pour fournir des moustiquaires, des traitements antipaludiques et des kits de dépistage rapide à près de 850 000 personnes déplacées par le conflit actuel. Le mauvais entretien des routes et l’imprévisibilité du conflit rendent cependant sa tâche extrêmement ardue.

Les camions qui transportent les fournitures médicales et les autres articles se déplacent en convois hautement sécurisés, mais, selon Nelly Muluka, qui travaille pour le bureau de la FICR à Bangui, la capitale de la RCA, ils sont parfois ciblés et attaqués malgré tout.

« Certaines routes sont dans un piètre état et d’autres sont tout simplement impraticables. Nous devons parfois utiliser des bateaux, des motos ou même marcher », a-t-elle dit.

 

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Source : IRIN

 

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