Chez nous, scooter, vélo c’est ridicule passé 20 ans et encore certains à 20 ans sont déjà à 2 mètres du sol en V8. Chez nous, on ne marche pas dans les rues car les rues salissent les pieds, on y rencontre n’importe qui, le petit peuple et surtout on n’est pas à l’abri de tomber nez à nez avec des gens qu’on n'a pas envie de voir vu que tout bon mauritanien du monde est un mauritanien qui feinte.
Chez nous, on ne mange pas de sandwich en voiture, encore moins de glace même en balade avec des amis, car manger oblige forcément à avoir la bouche pleine ce qui n’est pas élégant mais aussi parce que manger signifie avoir faim ce qui est une marque de faiblesse dans un pays du tiers-monde où les ancêtres n’ont jamais connu que la faim.
Chez nous on ne devient pas chanteur, c’est trop griot, ni quoi que soit en rapport avec l’art car c’est trop ouvrier. Chez nous, on ne devient pas footballeur ni sportif car tout ça signifie courir après un ballon ou autre, c’est enfantin sauf si cela rapporte beaucoup d’argent alors là ce n’est plus ni twochwich ni blavaîda ni veyavi, cela devient sérieux car chez nous, il n’y a que ce qui rapporte de l’argent qui compte, le reste est un luxe inaccessible ; de là qu’on feint de le mépriser…
Chez nous, on doit être majestueux mais toujours en toute simplicité et avoir l’air de porter sereinement le sort du monde sur nos épaules. C’est cela le sens du totem « être responsable ».
De là cette gueule d’enterrement que tirent certains officiels qui trouvent une occasion de tegueurde de cacher un esprit qui devrait consulter si ce délire privé n’était pas la norme, l’essentiel étant de respecter les convenances en public.
Etre majestueux dans l'art de se déplacer et d’être tout simplement, comme les enfants d’une terre où l’espace ne manque pas et où le vent est un partenaire de l’esthétique. De là d’ailleurs que les âniers, à qui la mairie ou la CUN a offert des tricycles, ne ressemblent plus à rien avec ce machin qui fait fureur chez les intouchables en Inde ! Mais chez nous, c’est vraiment triste. Hier encore sur les ânes, ils avaient l’air de quelque chose, pauvres mais avec l’élégance rurale. L’âne bien malheureux, le ventre gonflé de carton, avait le mérite du martyr sans lequel rien ne bouge. L’ânier, lui, laissait ses jambes se balancer au rythme de sa monture pendant qu’il avait tout loisir de regarder ailleurs ou de bavarder avec un ami entre deux coups de bâton pour rappeler à l’âne qu’il a beau faire, le coup viendra tant que le maître sera…
Tout ça était pauvre mais culturellement propre et charmant par rapport à ce que l’on voit désormais à savoir trois ou quatre hratines entassés à l’arrière, le boubou jadis flottant au vent en entourant le corps avec élégance, n’est plus qu’un tissu serré contre soi pour ne pas être avalé par ce petit moteur qui va trop vite pour qu’on puisse s’entendre. Du coup, plus personne ne parle, on se déplace c’est tout…
Vlane A.O.S.A.
Source : Chez Vlane (Le 2 avril 2015)
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