De l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique installé à Nouakchott aux journalistes en mal de sujets racoleurs, en passant par les hommes politiques les plus assoiffés de pouvoir, tous veulent nous convaincre d’une chose : l’inévitable décomposition de la Mauritanie. Et son imminence.
Un épouvantail qu’on remue parfois pour arracher au Pouvoir quelques concessions qui doivent nécessairement se traduire par une implication personnelle dans l’exercice. Parce que ceux qui émettent de tels jugements alarmistes se présentent souvent comme les sauveurs potentiels. «Il suffit de faire appel à nous et de reconnaitre le rôle que nous pouvons jouer pour éviter au pays de sombrer dans le chaos qui se dessine inévitablement». Il y a mille manières de le dire, mais le sens est le même, tout comme la démarche.
Peu importe si l’analyse d’un diplomate ou celle d’un journaliste sont faussées par la méconnaissance évidente de leur sujet, peu importe s’il y a un jeu qui se défile derrière, ce n’est pas grave parce qu’il faut laisser le cours des événements apporter le démenti qu’il faut.
Par contre, il est difficile d’accepter des acteurs politiques la seule promesse d’un futur synonyme de l’émiettement, de la dislocation, de la guerre civile et donc de l’effondrement. Au lieu d’une proposition alternative qui nous pousse à rêver à un futur possible.
L’une des raisons des tergiversations face à la proposition de dialogue, c’est bien la peur de la perspective de 2019. Pour les uns, elle est dangereuse à envisager parce qu’elle peut signifier la fin de leurs privilèges. Pour les autres, elle oblige à penser l’avenir et à travailler pour sa conquête, un exercice qui n’a jamais été essayé. D’où la peur de tous d’y aller rapidement et sans préjugés.
La classe politique mauritanienne ne peut visiblement pas se résoudre à accepter que le mandat actuel est le dernier pour un Président qui a jusque-là largement profité des incohérences dont elle a été coupable. Quand elle a refusé en 2005 d’influer sur le cours des événements en se contentant de soutenir l’agenda proposé par la junte sans y apporter de touche personnelle. Quand elle a refusé de croire au changement probable en 2007 et qu’elle a voulu par la suite perpétuer des systèmes usés. Quand, en 2008, elle a joué sans tenir compte des rapports de force réels. Quand, en 2009, elle a manœuvré sans intelligence tout en obéissant aux velléités individuelles multiples qui l’ont condamnée à aller en rangs dispersés dans une élection qui constituait un tournant pour la Mauritanie. Quand elle a refusé de reconnaitre des élections qu’elle a co-organisées. Quand elle a provoqué une logique de confrontation sans en avoir les capacités. Quand elle a promu le boycott… quand… tous les rendez-vous ont été ratés. Comme disent certains de nos frères d’Afrique centrale, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on n’a plus de fièvre. Les fuites en avant expriment l’incapacité d’anticiper et d’agir sur l’avenir. Rien de plus.
Deux manifestations de l’échec de cette classe politique à relever. La première est bien sûr cette incapacité à nous proposer un avenir possible, un rêve sous forme de mouvement d’ensemble, à même d’harmoniser nos désirs et nos revendications. Alors la fuite en avant consiste à nous faire peur de notre présent, à le noircir pour ne plus pouvoir envisager autre chose que le chaos.
La deuxième manifestation de l’échec est l’emprise d’un air nostalgique sur les consciences. On pleure le passé, plus qu’on appréhende le présent, quant à l’avenir, il n’est même pas mis en perspective. On arrive même à verser des larmes pour les époques les plus noires de notre histoire récente. C’est que l’action politique a permis de réhabiliter les hommes du régime PRDS et des Structures d’éducation de masses… en attendant de restaurer leurs pouvoirs…
C’est un peu si on nous obligeait à choisir entre ce passé-là et l’explosion du pays. Comme s’il n’y avait pas, s’il ne pouvait y avoir d’autres perspectives possibles, d’autres avenirs probables.