Culture : Identités…Par Mariem Mint derwich

Je ne sais pas à quoi ressemble une identité… Qu’est ce qui fait que je suis ce que je suis…. Femme métisse, à cheval entre des mondes et des cultures différentes, chacune héritage de ses propres métissages, je suis la somme de toutes ces mémoires… Mon empreinte la plus prégnante est l’héritage maternel. Ma mère m’a offert la langue française. Mon père m’a offert un ancrage autre…

 

J’ai toujours eu le sentiment d’une dualité encombrante. encombrante mais, aussi, colorée et gaie. Ni française, ni mauritanienne… Je suis coincée entre une idée de la culture française et une idée de la mauritanité…. J’ai toujours réclamé le monde afin de pouvoir échapper aux carcans idéologiques culturels qui auraient voulu que je reste prisonnière soit de ma mère, soit de mon père…mais peut on renier son père ou sa mère? Peut on renier tous ces chants lointains que j’entends en moi depuis que je suis née, toutes ces voix de mes passés, les voix de mes ancêtres catalans, paysans enracinés dans leurs combats républicains, les voix de mes ancêtres maures, arpenteurs des sables, inscrits dans une linéarité du temps où ils tentaient de graver leurs présences, les voix de mes ancêtres du sud de la France, en reconstruction de leurs identités occitanes, en recherche de racines laminées par la culture du Nord de la France, les voix de mes ancêtres par alliance, ces bambaras, voix maliennes, voix sanglantes de ceux qui furent tués et chassés par Samory…j’ai toutes ces voix en moi, toutes ces mémoires, comme un immense patchwork…Elles parlent et parlent, sans arrêt…

Comment reconnaître une mauritanité présupposée, celle imaginée, celle fantasmée…. L’écriture se doit elle d’appartenir à une communauté, une pensée?  J’ai l’écriture métisse; j’ai l’écriture plurielle… Elle ne parle pas à mes communautés; elle me parle d’abord à moi… Tous ces mots qui sont images, musiques, racines, sont un dialogue ininterrompu entre tous ces mondes qui se côtoient dans ma tête. Avoir des racines, au sens large du terme, doit il tuer le monde, l’universel?  Si un mauritanien lit par dessus mon épaule, lorsque j’écris, se reconnait il en ces mots? Idem pour un italien, un espagnol, un américain….. Je n’ai pas les mots identitaires. Je déteste ce mot là : identitaire. Il réduit le monde à une caserne protégée par des frontières mentales, des barrières où des garde chiourmes, soldats de la pensée unique, seraient chargés de faire le tri…. Je ne suis pas prison, je ne suis pas frontières. Celles ci sont un concept mouvant, un concept que l’on peut détruire. une frontière n’est juste qu’une peur d’un territoire nouveau… Elle n’existe que parce qu’elle se nourrit de la pensée réductrice. Je ne suis pas identitaire. Je ne chante pas ma mauritanité. Je dis ma présence de femme dans cette mauritanité. Et, par delà, dans cette africanité, dans cette universalité. Je ne sais pas qui je suis.

La seule chose que je sais, dont je suis convaincue, c’est que je suis ancrée dans tous les temps. J’ai la mémoire des premiers hommes inscrite en moi, des départs, des rencontres, des fuites, des découvertes…. Il n’y a pas si longtemps, un de mes ancêtres posait sa main sur le mur d’une caverne et offrait au monde sa présence…. Alors, oui, je ne sais pas à quoi ressemble une identité, celle qui conforte la paresse intellectuelle….celle qui cloisonne les mondes. J’écris sans identités.  Je suis moi, douloureusement moi. Je n’ai pas « tué » ma mère, je n’ai pas » tué » mon père; je n’ai pas » tué » mes ancêtres…Je les laisse danser dans ma mémoire….et m’offrir leurs mots…

Mariem Mint derwich

 

Source : Adrar-Info.net (Le 28 janvier 2015)

 

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