L’attentant terroriste dont a été victime Charlie Hebdo et la prise d’otages dans un supermarché Casher, ont sonné le rassemblement du peuple français. Toutes les sensibilités politiques et religieuses de l’Hexagone ont, à cette douloureuse occasion, d’une seule voix, crié non seulement leur indignation, mais aussi leur refus de courber l’échine face à la barbarie.
C’est du moins le sens que l’on peut donner à la marche républicaine du 11 janvier 2015 dernier que la ville lumière a organisée sur son sol. A cette manifestation se sont associés des chefs d’Etat venus de plusieurs horizons, dont six présidents africains, à savoir Ibrahim Boubacar Kéita, Macky Sall, Mahamadou Issoufou, Faure Gnassingbé, Ali Bongo et Thomas Yayi Boni. Cette participation est une bonne chose. Car elle traduit la solidarité du continent noir avec non seulement un pays que les aléas de l’histoire ont rendu si proche de l’Afrique, mais aussi un pays qui s’affiche aujourd’hui comme un grand allié de l’Afrique dans le cadre de la lutte contre le phénomène djihadiste.
Le terrorisme djihadiste fait aussi de nombreux morts en Afrique
Il est donc heureux que des chefs d’Etat africains se soient associés au reste du monde pour compatir à la douleur de la France. Le Mali notamment, n’aurait eu aucune excuse s’il n’y avait pas participé. Ce pays, en effet, plus que tout autre pays africain, ne pouvait se laisser conter l’événement, au regard des sacrifices immenses que la France a consentis pour l’extirper des griffes de l’international djihadiste. Toutefois, l’on ne peut s’empêcher de suggérer aux présidents africains qui ont battu le macadam aux côtés de François Hollande pour pleurer les morts français, de pleurer aussi leurs propres morts. Et cette suggestion est loin de relever du cynisme. En effet, s’il est vrai que le terrorisme djihadiste fauche des vies en Occident, il est aussi vrai qu’il fait de nombreux morts en Afrique. Et les auteurs de ces hécatombes sont connus de tous. Il s’agit des redoutables Shebabs somaliens qui sévissent dans la Corne de l’Afrique et au Kenya, de Boko Haram dont les ravages n’épargnent personne au Nigeria et au Cameroun, de l’Etat islamiste (EI) qui est en train de prendre pied en Libye et de cette foultitude de mouvements salafistes avec lesquels le Mali a encore aujourd’hui maille à partir. Le bilan en termes de pertes en vies humaines, de viols et de rapts, fait simplement froid dans le dos. Pourtant, l’on n’a pas constaté le même élan de solidarité de la part des présidents qui ont fait le déplacement de Paris, avec les pays africains qui sont en train de souffrir dans leur chair les affres du péril djihadiste et qui enterrent de ce fait, au quotidien, leurs fils et filles fauchés par les bombes des apôtres de l’apocalypse et de la barbarie. Cette attitude qui consiste à rester de marbre face aux victimes africaines du terrorisme islamiste, pour courir, toutes affaires cessantes, aider les autres à pleurer leurs victimes du terrorisme, est d’une absurdité dont seule l’Afrique a le secret.
Yayi Boni a ridiculisé l’Afrique aux yeux du monde
Comment, en effet, ne pas être choqué par l’attitude du président Thomas Yayi Boni par exemple, qui n’a jamais daigné écraser publiquement une larme pour les nombreuses victimes de Boko Haram enregistrées sur le sol du Nigeria voisin, et qui se transporte dans le même temps sur les bords de la Seine pour se livrer en spectacle à coups de torrents de larmes, pour pleurer les morts français ? Décidément, c’est à n’y rien comprendre. C’est pourquoi l’on peut comprendre le coup de gueule du président camerounais Paul Biya, en direction de ses collègues qui ont pris part à Paris à la marche républicaine organisée par les autorités françaises contre le terrorisme islamiste. Paul Biya n’a pas eu besoin, en effet, de porter des gants, à juste titre, pour leur faire le reproche suivant : « Mes collègues africains rendent des hommages aux morts français. Mais les morts de chez-nous, ils s’en foutent, vous faites honte à l’Afrique ». Paul Biya a été bien inspiré de parler de honte, parce que c’en est vraiment une. Et cette honte, Yayi Boni l’a exprimée sous forme de bouffonnerie, qui a certainement ridiculisé l’Afrique aux yeux du monde.
Cela dit, l’Afrique doit grandir. Et cela passe, entre autres, par une prise de conscience de ses propres problèmes et une mutualisation des énergies de l’ensemble du continent, pour les résoudre dans la durée. C’est à ce prix que le contient noir se fera respecter par les autres, en prenant toute la place qui devrait être la sienne dans le concert des nations. C’est aussi à ce prix qu’elle pourra prendre part, la tête haute, à la douleur des autres.
« Le Pays »
Source : Le Pays (Burkina Faso)
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com