Attentat contre Charlie Hebdo : Je condamne

A l’annonce de l’attentat contre Charlie Hebdo, « ignoble », « abject », « injustifiable » ont été les mots qui me sont venus à l’esprit. Et puisqu’en pareilles circonstances on peine à trouver le mot juste, il m’a semblé opportun d’y ajouter « inqualifiable »

 

Je condamne avec vigueur cet acte cruel, d’abord en tant qu’humain. Car au-delà des divergences d’opinions, d’origines, de classes sociales, de religions ou de nationalités, nous partageons quelque chose d’important : on est tous des êtres humains. Et en tant que tels on ne peut que respecter la vie d’autrui, faire tout pour la préserver, avoir une pensée pour les victimes et compatir à la douleur de leur entourage.

Ensuite, en tant que musulman je condamne avec toute mon énergie ce crime insoutenable.   En perpétrant ce meurtre, les terroristes ont fait du tort à l’Islam qu’ils estiment respecter alors qu’ils le souillent, le dénaturent et en offrent une image qui est loin d’être la sienne. Ils favorisent la stigmatisation des Musulmans accentuée par les préjugés. Et l’ignorance de beaucoup de Français de la religion et de la société musulmanes ne fait que renforcer cette situation. Et j’en veux pour preuve la discussion que j’ai eue avec deux personnes le soir de l’attentat alors que je couvrais un rassemblement initié par la mairie de ma ville en hommage aux victimes. Je disais à l’un d’eux que ceux qui ont commis ce forfait ne respectaient pas les préceptes de l’Islam, ont une vision tronquée de cette religion et si ça se trouve ne savent même pas ce qui est écrit dans le Coran. « Mais attends, il y a quand même dans ce livre des passages guerriers ! », s’exclame-t-il. « Je te mets au défi, lui dis-je, de me citer un passage qui cautionne ce genre de crimes et qui appelle au meurtre de gens innocents. » Et mon interlocuteur de reconnaître qu’il avait juste lu quelques extraits du Livre Saint… Et l’autre me disait que si on avait, comme lui, grandi dans une société laïque, on ne pouvait même pas concevoir ce genre de crimes. « Ce n’est pas une question de société laïque ou pas, lui ai-je fait observer. J’ai beau être né, élevé et grandi dans une société musulmane, n’empêche que je ne peux pas non plus concevoir, comprendre et accepter ces assassinats.»

Et last but not the least, en tant que journaliste, je condamne sans réserve l’attaque d’une violence inouïe contre Charlie Hebdo. Elle constitue une violation inacceptable de la liberté d’expression, le socle de la démocratie et la condition sine qua non de l’émergence d’une presse digne de ce nom. Sans cette liberté, le journalisme se vide de sa substance et meurt.

Indignez-vous mais faites-le d’une manière responsable et pacifique !

Cependant je ne cautionne aucunement tout ce que disent, écrivent ou montrent les professionnels de l’information. Loin de là. Mes confrères et moi ne sommes pas infaillibles.

Et si des personnes se sont senties offensées par les caricatures de Mahomet, c’est leur droit et on ne peut pas le leur reprocher. Mais ce qui est regrettable c’est la manière de réagir excessive, lâche et atroce de la part de certains. Et pourtant, même si les délits de presse sont amnistiés dans beaucoup de pays, les journalistes restent quand même justiciables car nul n’est au dessus des lois. Et le législateur a prévu des dispositions qui permettent à chacun de se défendre s’il se sent attaqué, diffamé par un média ou un journaliste. Ainsi on peut user du droit de réponse qu’un organe de presse est tenu de publier ou tout simplement porter l’affaire devant le tribunal.

Que faut-il faire maintenant pour éviter ce genre de drames ? Résister, faire de la pédagogie auprès des jeunes, leur enseigner les vraies valeurs de l’Islam, éviter la psychose et l’amalgame entre les terroristes et l’ensemble des Musulmans qui sont pacifiques et largement majoritaires. Autrement la suspicion non fondée peut semer la zizanie, dresser les uns contre les autres et mettre à mal la cohésion sociale et le vivre ensemble. En outre des mesures sur le plan politique, judiciaire et sécuritaire devront et vont être, certes, prises. Mais elles ne suffiront pas. Il faut aller plus loin et essayer d’atteindre les racines du mal. Et l’une des pistes serait de tenter de répondre à cette question inévitable : pourquoi des jeunes se radicalisent-ils et se retournent-ils violemment contre leurs propres compatriotes et la société dans laquelle ils sont nés et ont grandi ?

Ibrahima Athie

 

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