Assister les pauvres sans protection

La propension du tort et l’attitude de certains segments de notre administration à faire fi de la loi sont devenues des réalités de plus en plus inquiétantes chez nous.

 

En effet, il est désormais rare le jour où vous ouvrez un site internet ou passez devant la Présidence de la République sans que votre attention ne soit attirée par une insupportable plainte ou une manifestation de gens demandant tout simplement d’être rétablis dans leurs droits. Il est certes vrai que parfois, il s’agit de cas exagérés ; toutefois, la plupart des plaintes sont graves et tout simplement insupportables. Elles dénotent du lamentable recul des valeurs de l’islam, de l’humanité et de la perte du sens de la mesure et de la justice dans notre société devenue, subitement, un conglomérat de brigands qu’encadre une administration lascar.

Dans la plupart des cas, surtout dans les cas légion de « litiges » fonciers, ce sont des personnes puissantes ou proches des puissants, protégées par eux ou par ceux qui sont soumis à leur autorité, qui s’accaparent les biens d’autrui et imposent leur « droit » ; même si les actes administratifs et souvent les décisions explicites de la « justice » sont clairement du côté du « faible ». Nonobstant les mesquins règlements de comptes politiques du genre l’annulation pure et simple de la propriété acquise et protégée par titre foncier de l’ex-chef du CMJD et quelques cas de flagrante atteinte au droit de propriété pour se venger des « ennemis », d’autres cas sont encore plus flagrants. C’est ainsi qu’une famille disposant d’un permis d’occuper, habitant un lopin de terre depuis des dizaines d’années et y ayant construit une demeure en béton a vu la Préfecture de Toujounine autoriser la démolition de la maison, sans aucune autre forme de procès. Raison avancée par l’administration : une femme supposée être proche du Président Aziz car appartenant à sa même tribu, aurait manifesté des prétentions sur la propriété du terrain. Plusieurs fois convoquée par le Hakem, la prétendante n’a jamais daigné déférer aux convocations.

Le cas, soumis à la justice, était alors en cours d’examen. Bizarrement et sans que les malheureux occupants ne voient jamais la femme, leur protagoniste directe, ils ont vu le Hakem débarquer, un bon matin et autoriser la démolition de la demeure. Sans aucun mandat légal, ni aucune décision administrative écrite ! Surtout sans aucune notification préalable comme le veut la loi pour donner à la malheureuse famille le temps ranger ses affaires et pourquoi pas, chercher un autre endroit où loger !
 

Dans un autre quartier, à Ain Talh, une famille qui avait refusé de vendre son lopin de terre à un imam a été chassée de sa maison par le Hakem au profit de ce "notable religieux". Cet imam de mosquée, descendant d’une famille, dit-on, d’érudits assez nobles et maître coranique, s’est tout simplement accaparé de la terre d’autrui avec la complicité d’une justice rendue de manière clandestine. L’autre partie, celle des lésés et sans-droits, n’a jamais été convoquée au tribunal et n’a été avisée du jugement clandestin que lorsque les délais de recours en seconde instance ont été clos.

Là aussi, le drame s’est produit contre une famille pauvre constituée de nombreux enfants dont le père est un simple travailleur de la mer et son épouse une modeste vendeuse de couscous au coin de la rue. Le Hakem de Teyarett et le Cadi de cette Moughâtâa qui savaient bien que la propriété revenait bel et bien à la famille qui occupait le terrain et y aillant construit des abris de fortune dans l’enceinte d’un mur, ont préféré ignorer la loi et malmener le droit. Plus grave, à chaque fois qu’elle se présentait devant le Hakem, cette famille se laissait dire de rester chez elle sans inquiétude, que le terrain lui appartenait.

Question de la berner alors que ce Hakem était bel et bien au courant de la procédure engagée par l’Imam, avec la complicité de certains dans ses services pour spolier, en flagrante violation des textes, cette famille désormais sans logement, ni recours ! La morale, n’en parlons pas dans les cas d’abus de pouvoir, de détournement de procédures et des « trahisons » des administrateurs et des magistrats.
 

L’humanisme n’a plus de place dans un Etat où les faibles se font écraser par les riches avec la complicité de l’administration publique et la lâcheté des cadis sollicités dans ces cas de figure ! Ces deux cas sont assez révélateurs de l’état où nous en sommes dans un Etat désormais devenu un vulgaire régulateur de la loi de la jungle. Et ces deux cas, ne sont que d’infimes manifestations de cet état de fait. Il en existe plusieurs, notamment dans les grandes villes où le foncier fait désormais la richesse de l’individu. Partout à travers la Mauritanie, les gens sont unanimes à dire que les tribus des puissants et les groupes de riches se permettent tout et en toute impunité, notamment quand il s’agit de biens publics qui doivent profiter également à l’ensemble des citoyens de ce pays.

L’Etat qui devait être l’arbitre et la justice le recours, ont démissionné depuis longtemps. Chacun prend les décisions qui l’arrangent et arrangent les siens (au sens large et stricto du terme). Ceux qui n’ont personne au sommet de l’Etat ou dans les maillons intermédiaires de l’administration ou à la justice ne verront que du feu. Ils se font spolier leurs droits les plus évidents et se font dépouiller de leurs biens durement et légalement acquis sans que mouche ne bronche.


Cette situation est inacceptable, même dans une société ou la loi de la force prime. Même dans les sociétés les plus arriérées au moyen-âge, de telles pratiques étaient inimaginables. Et pourtant, nous vivons cette immense et inquiétante régression sous le règne de la Mauritanie nouvelle. Où se trouve-t-il alors, le Président des pauvres !

 

Amar Ould Béjà

 

Source :  L'Authentic.info

 

 

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