Figures Historiques : L’« émir de la paix » : Aḥmed uld M’Ḥammed (1872-1891) – 5éme partie

« Dans le Sahel, la renommée d’Ahmed ould M’Hamed ne cessait de grandir. Sa politique bienveillante et ferme en même temps avait fixé les Regueïbat aux abords de l’Adrâr. Chez eux il comptait des amitiés solides et dévouées, notamment parmi les Ahel Aryète (Brahim ould Hemmadi, Aḥmed Salem ould el Ouali) et parmi les Ahel Abdalla ould Oumar (Abdel Haï).

 

Il sut admirablement les utiliser et il était considéré par ses ombrageux nomades comme l’arbitre de tous les conflits importants. Sa renommée s’étendait jusque dans l’Oued Noun, chez Dahman ould Beirouk dont l’autorité dans le Sud-marocain était alors incontestée14.

Vers 1880, le Sultan du Maroc envoyait à l’émir qui était alors campé aux environs de Terouaka une délégation chargée de lui remettre de magnifiques cadeaux et une lettre dans laquelle le Commandeur des croyants confirmait Ahmed ould M’Hamed dans ses fonctions et le félicitait pour la façon dont il administrait l’Adrâr.

Vers 1886, l’émir reçut la visite d’une mission espagnole alors qu’il nomadisait aux environs de la Kédia d’Idjil. Composée de trois Européens, cette mission n’eut avec l’émir qu’un bref entretien dans lequel on envisagea l’établissement de rapports commerciaux avec les factoreries espagnoles.

En 1888, les pluies ayant été exceptionnellement abondantes dans le Sahel, les Oulad Yahia Ben Othman et un grand nombre de marabouts et tributaires montèrent dans le Zemmour et gagnèrent ensuite l’Imrikli dont la récolte de blé et d’orge permit à toutes les tribus de se constituer des réserves pour plusieurs années. Pendant que l’émir séjournait dans ces lointaines régions, un notable Oudeïki, Cheikh ould el Ouroussi tua d’un coup de feu un pauvre Tidrarini15 qui avait eu le malheur de protester contre les abus dont il était accablé.

Prenant prétexte de ce que l’incident s’était produit dans le voisinage de l’émir, les Oulad Ghaïlane, toujours en quête d’un pillage fructueux, voulurent saccager les campements Oulad Delim voisins. Ahmed ould M’Hamed s’y opposa. Comme ils paraissaient surpris de cette décision, l’émir leur déclara : « Si je vous laissais agir, vous déclencheriez encore la guerre. Je veux tout en réprimant le crime qui a été commis, satisfaire vos appétits et épargner les maux de la guerre à nos tribus ». Il exigea des Oulad Delim le paiement immédiat d’une indemnité considérable ; puis s’emparant d’un proche de l’assassin, il le livra aux parents de la victime qui lui appliquèrent le talion. Ce ne fut pas tout. Connaissant la haine des Ahel Bellao (Regueïbat) contre les Oulad Delim en général et les Loudeïkat en particulier, il les jeta contre ces derniers. La guerre fut acharnée et se termina en 1890 par l’écrasement des Oulad Delim au combat d’el Araida. Par la suite, les Oulad Delim perdirent à peu près complètement leurs redevances sur les Oulad Tidrarine et les Oulad Abdel Ouahed » (Mamadou Ba 1929 : 550-51).

27. La légende forgée par Mamadou Ba n’est sans doute pas aussi dorée qu’il ne veut le laisser entendre. D’autres informations recueillies en Adrâr laissent penser que le départ vers les pâturages abondants d’as-Sagya al-Hamrâ était aussi lié à la succession d’années de sécheresse dans l’Adrâr et que les luttes qui furent menées dans le nord furent parfois plus difficiles qu’il n’est rapporté.

28. La pression exercée par l’émirat de l’Adrâr vers le nord est néanmoins significative et doit être associée au développement économique et commercial de l’époque : l’essor des échanges avec le Maroc, que traduit peut-être la lettre et les cadeaux du Sultan, mais aussi la mission des Espagnols qui commencent à dépasser leurs comptoirs de la côte atlantique et à s’aventurer vers l’intérieur, l’installation des Tekna à Shingîti et les relations privilégiées entre Aḥmed uld M’Ḥammed et les Ahl Bayrûk, en sont peut-être autant d’indices. Mamadou Ba traduit l’essor de l’Adrâr à cette époque, dont il faut attribuer une part à la politique d’Aḥmed uld M’Ḥammed, mais qui tient aussi à cette conjoncture, ultime période faste du commerce saharien avant que ne le ruine la conquête colonial.

« Sous le règne d’Ahmed ould M’Hamed furent créées ou étendues les palmeraies de Toueïzekt, de Tazagrese, de Taraouane et de Greira qui forment dans la région d’Atar, un chapelet de riantes oasis représentant une valeur considérable ; de même les palmeraies de Jouali, Tiniale, Tirabane et une partie de Loudeï dont la région d’Oujeft s’enorgueillit à juste titre. De cette époque aussi, 1875, date la création de la petite palmeraie de Jraïf. De cette époque datent également l’aménagement de la passe de Jdeïda ainsi que le forage de plusieurs points d’eau importants, dont Bir Taleb.

Pour récompenser l’émir de ses vertus disent les chroniqueurs, Dieu répandait dans son pays ses grâces et ses bénédictions sous la forme de bienfaisantes pluies dont quelques unes furent si abondantes qu’elles causèrent çà et là des dégâts importants. Assurés de jouir de leurs récoltes, les propriétaires donnèrent dans les ‘graïrs’ comme dans les palmeraies une grande extension aux cultures de céréales. L’élevage des bœufs dans le sud, et celui des chèvres, des moutons et des chameaux dans tout l’Adrâr, prirent un développement qui n’avait jamais été atteint…

 

De 1875 à 1891, l’exploitation des salines d’Idjil atteignit un maximum qui ne fut jamais égalé depuis. C’est de cette époque que datent les vastes carrières (maintenant délaissées) aux corridors tortueux qui apparaissent aux voyageurs arrivant à la Sebkha comme de véritables ruines antiques et le remplissent d’étonnement. Tichit, Oualata et le Hawd qui traversaient alors une prospérité florissante envoyaient chaque année des milliers de chameaux à Chinguetti, la grande métropole du sel. En plus des esclaves, ces caravanes apportaient de l’or, des arachides, du mil, des plumes d’autruche, des étoffes teintes d’indigo, et divers produits soudanais recherchés dans le Sahel. La sécurité était si complète, qu’en plus de la gabelle, les caravaniers versaient volontairement des droits supplémentaires au budget de la couronne…

La police des pistes étant assurée, les commerçants du Sahel venaient également nombreux en Adrâr apportant de beaux tapis, les amples hiyak et autres articles du sud-marocain, les céréales d’Imrikli, les chevaux du Sahel, le sucre et les étoffes du Sénégal. Ils appréciaient tellement la liberté et la protection dont ils jouissaient qu’ils acquittaient sans difficulté le ‘ghafer chedde’ ou droit d’importation. Ils en étaient même arrivés à penser que la fraude dans ces opérations, risquait de faire péricliter les affaires » (Mamadou Ba, 1929 : 551-52).

 

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Figures Historiques : L’« émir de la paix » : Aḥmed uld M’Ḥammed (1872-1891) – 1ére partie

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Source : Adrar-info.net (Le 6 novembre 2014)

 

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