Epidémie d’Ebola : la déforestation en cause

Privées de leurs habitats, les chauves-souris, réservoirs du virus, migrent vers les villages.

L'émergence de l'épidémie d'Ebola en Afrique pourrait bien être liée aux perturbations environnementales engendrées par l'homme.

 "  La déforestation, notamment, porte les chauves-souris, réservoir naturel du virus, à quitter leurs habitats traditionnels et à aller s'installer, pour pouvoir se nourrir, près d'arbres fruitiers dans les villages et donc au contact avec l'homme  ", explique Jean-François Guégan, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), et spécialiste des liens entre environnements et épidémies.

"  Ce phénomène, souligne le chercheur, a déjà été constaté en Asie du Sud-Est pour les virus Nipah et Hendra propagés par le même type de mégachiroptères, ces grandes chauves-souris capables de parcourir de longues distances pour trouver de la nourriture comme des mangues, des ramboutans cultivés dans des vergers ou des fermes. Du fait de la déforestation massive pour l'implantation des palmiers à huile en Indonésie, on a vu ces chauves-souris migrer jusqu'à Singapour et en Malaisie, mais aussi sur les côtes du Bangladesh, et transmettre des virus à grande échelle.  "

"  Aujourd'hui, on redécouvre qu'Ebola est présent en Afrique occidentale, avec une souche quasi identique à celle d'Afrique centrale, où Ebola a été découvert en  1976. En fait, explique Jean-François Guégan, dans les forêts de ces territoires, le virus est présent depuis des milliers d'années, à travers les chauves-souris notamment. Il n'est en général pas pathogène tant qu'il est porté par les animaux, mais le devient au contact de l'homme.  " Or, les contacts entre l'être humain et ces chauves-souris frugivores se sont multipliés ces dernières années.

Le Liberia et la Sierra Leone ont subi ces dix dernières années de nombreuses guerres civiles, entraînant le déplacement de populations qui se sont souvent réfugiées dans des zones vierges de peuplement, notamment en Guinée forestière. Ces réfugiés ont défriché la forêt pour y développer une agriculture de subsistance, s'exposant aux chauves-souris et à leurs excréments, ou à d'autres animaux de brousse chassés pour se nourrir, et qui ont, eux-mêmes, pu être en contact avec des chauves-souris.

La Guinée forestière compte aussi de nombreuses mines de diamants et de métaux précieux dont l'exploitation a engendré une déforestation massive et un déséquilibre des écosystèmes.

Chaînes de causalité

"  L'accès de l'homme à des zones éloignées où résidaient jusqu'alors les chauves-souris perturbe ces dernières et les poussent à se rapprocher des territoires peuplés, ce qui accroît les risques de contagion, observe également David Greer, l'un des responsables en Afrique de l'ONG de protection de la nature WWF. Et, dans la culture d'Afrique centrale et occidentale, la consommation de chauve-souris est fréquente.  "

"  La modification des écosystèmes qu'entraîne la quête croissante d'espaces par l'homme expose davantage les populations à des agents infectieux  ", insiste cependant Jean-François Guégan. Pour le chercheur, l'étude des chaînes de causalité et de leurs incidences sur les écosystèmes jusqu'à leurs conséquences en termes d'infection, est aussi essentielle que la médecine pour comprendre les différents facteurs en jeu dans l'épidémie.

 

Laetitia van Eeckhout

 

Source : Le Monde

 

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