Les Chinois les plus riches rêvent de quitter leur pays

Selon un sondage de la banque Barclays, la moitié des personnes les plus fortunées de l'empire du Milieu envisagent de s'expatrier.

 

 

La réussite, pour les Chinois les plus riches, consiste à pouvoir faire ses valises. Selon un sondage publié, lundi 15 septembre, par Barclays, 47 % des plus fortunés de l'empire du Milieu envisagent de partir vivre à l'étranger sur les cinq prochaines années. En comparaison, seuls 20 % des Britanniques, 6 % des Américains et 5 % des Indiens les plus riches pensent à s'expatrier.

La banque britannique a interrogé 2 000 individus issus de 23 pays dont le patrimoine est supérieur à 1,5 million de dollars (1,1 million d'euros). Parmi eux, 200 disposent de plus de 15 millions de dollars.

La destination favorite des Chinois reste Hongkong, qu'ils sont 30 % à vouloir rejoindre. Rattachée en 1997 à la République populaire, l'ancienne colonie britannique dispose du statut de région administrative spéciale. La qualité de ses services d'éducation et de santé, autant que son Etat de droit, fait rêver les millionnaires de la Chine continentale.

En retour, les habitants de Hongkong – qui s'inquiètent déjà de voir Pékin revenir sur sa promesse d'instaurer le suffrage universel – craignent que l'afflux de leurs voisins ne noie leurs privilèges.

Suivent, dans l'ordre de préférence des Chinois, les pays attribuant relativement aisément la nationalité, notamment le Canada, cité par 23 % des sondés. Toutefois, Ottawa a grandement réduit le nombre de dossiers traités ces derniers mois, du fait de l'engorgement des demandes de ressortissants chinois.

Parmi les motivations au départ, l'éducation et les opportunités d'emploi pour les enfants arrivent au premier rang, citées par 78 % des sondés, suivies par le climat économique et la sécurité (73 %), devant la qualité des services de santé et des services publics.

Pourtant, les classements réalisés par l'OCDE sur le niveau scolaire des jeunes de 15 ans dans les domaines des mathématiques, des sciences et de la lecture placent la ville de Shanghaï au premier rang mondial, devant Hongkong et Singapour. Mais les Chinois eux-mêmes sont sceptiques sur la valeur de tels classements.

Ils reprochent régulièrement à leurs écoles leur rigorisme, leur focalisation sur l'apprentissage par cœur au détriment de la créativité et l'obsession des notes aux examens plutôt que du développement personnel.

Ruée à coups de chéquier

Dans ce contexte, ceux qui peuvent se le permettre offrent à leur progéniture une place dans une université étrangère. Xi Mingze, la fille de l'actuel secrétaire du Parti communiste (PCC), Xi Jinping, a ainsi effectué une partie de ses études à Harvard, ce qui n'a pas empêché son père d'appeler à un renforcement de l'idéologie du parti unique sur les campus chinois.

En juillet, Le Quotidien du peuple, organe du PCC, prévenait que l'Académie des sciences sociales, l'une des institutions les plus respectées du pays, devait sélectionner ses membres au regard de leur loyauté à la doctrine marxiste. De leur côté, trois des établissements supérieurs les plus prestigieux du pays – l'université de Pékin, celle de Fudan à Shanghaï et l'université Sun Yat-sen de Canton – ont promis début septembre de " renforcer la sensibilité politique des professeurs et étudiants ", en surveillant davantage leurs opinions.

La ruée chinoise vers les meilleures universités américaines se joue à coups de chéquier. Le couple fondateur de l'empire immobilier Soho, Zhang Xin et Pan Shiyi, milliardaires très en vue, a ainsi fait un don de 15 millions de dollars à Harvard au cours de l'été. Si certains sur la blogosphère les ont accusés d'acheter ainsi l'accès à la meilleure université de la planète pour leurs héritiers, beaucoup ont reconnu qu'ils feraient de même à leur place.

La question de la sécurité – plus élevée à l'étranger – est également devenue une priorité des fortunes chinoises. La deuxième économie mondiale a certes offert aux hommes d'affaires et officiels les opportunités d'enrichissement, mais l'absence d'une garantie des droits ne leur permet cependant pas de dormir tranquilles. D'autant qu'il est particulièrement difficile en Chine de s'enrichir sans prendre part à la corruption endémique.

Cette situation a engendré le phénomène des " luo guan ", littéralement les " officiels nus ", surnommés ainsi car ils ont déjà envoyé leur épouse et leurs enfants vivre à l'étranger et sont eux-mêmes prêts à filer vers l'aéroport si le système se retourne contre eux.

Le Parti s'en prend désormais à cette pratique. En juillet, la seule province du Guangdong (Sud-Est) a annoncé avoir identifié 2 190 fonctionnaires " nus ", dont 866 auraient été licenciés sur le champ.

Pour Andrew Lin, responsable du développement en Asie d'Access the USA, une agence qui propose aux candidats à l'immigration des programmes d'investissement aux Etats-Unis, " c'est la quête d'une vie sûre qui pousse les Chinois au départ ". La dégradation environnementale, les scandales alimentaires sont autant de facteurs qui les poussent à plier bagage.

Reste que le réservoir de croissance rappelle rapidement ses citoyens vers la mère patrie. Ils cherchent avant tout les attributs associés au passeport étranger mais entendent poursuivre leurs affaires sur ce marché incontournable.

" La réalité est que la plupart des individus disposant d'un patrimoine très élevé en Chine gagnent probablement leur argent dans le pays à l'heure actuelle. Cela retient certains de s'éloigner ", explique Liam Bailey, analyste chez Knight Frank à Londres, associé à l'étude de Barclays.

 

Harold Thibault

Shanghaï Correspondance

 

Source : Le Monde

 

 

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