Loin de l’"opération mains propres" maintes fois annoncée par les autorités post révolution, le déballage des « Affaires » qui ont touché la compagnie Tunisair n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Mieux encore, certains accusés qui ont connu ou continuent à connaitre la prison ne sont pas forcément plus coupables que certains qui n’ont jamais été inquiétés. Justice à deux vitesses ? Positions privilégiées occupés par certains acteurs et qui peuvent ainsi faire obstruction à la Justice ? Ou simplement volonté de ne pas tout déballer ?
Alors que quatre ex dirigeants de la compagnie aérienne tunisienne ont fait la prison pour avoir laissé verser des salaires de 5000 à 7000 euros à des proches du clan Ben Ali, les ex dirigeants de la filiale Mauritania Airways continuent à profiter du magot amassé illégalement sur le dos de la compagnie mauritano tunisienne. Il est vrai que Mohamed Thamri qui a bénéficié d’un emploi fictif payé 8000 dollars par mois comme conseiller de la Mauritania Airways fut nommé au lendemain de la Révolution PDG de Tunisair, assurant ainsi son impunité lui et ses complices.
Quand on lui parle de ces procès et de cette instruction menée par un magistrat controversé, le syndicaliste Ali Arous qui connaît bien les méandres de Tunisair s’exclame "C’est ridicule de commencer par cette minuscule affaire, au vu des énormes dossiers : les filiales, les achats du plan de flotte, Mauritania Airways, Karthago !".
Pour ce qui est de Mauritania Airways, la responsabilité des cadres appointés par Tunisair est flagrante dans la faillite de l’entreprise. L’hostilité des autorités mauritanienne ne peut à elle seule expliquer le fiasco de la compagnie.
A titre d’exemple, nommé en janvier 2007, Moncef Badis se fixe un salaire de 8 000 euros, plus le remboursement de tous ses frais et pour faciliter les choses il fait embaucher son propre neveu Monsieur Akri comme directeur financier. En moins de trois ans, les dépenses inconsidérées, les avantages mirobolants, la surfacturation, les fausses factures, et les frais de missions injustifiées ont mis à genou la compagnie. Aujourd’hui que laTunisie a commencé à regarder avec circonspection les travers de l’èreben Ali, pourquoi ceux qui ont fait perdre aux deux pays tant d’argent ne sont-ils toujours pas inquiétés ? L’argent détourné de Mauritania Airways leur a-t-il permis de s’attirer les grâces d’éventuels protecteurs qui leur assurent encore aujourd’hui cette étonnante impunité?
Après son rappel, Badis fut remplacé par MonsieurRedha Jemaiel, nommé le 1er septembre 2010 au poste de Directeur général de Mauritania Airways, et qui apporta avec lui dans ses valises une nouvelle équipe exécutive. Il nomma notamment Monsieur Fethi Mejri, au poste de Directeur administratif et financier et ce dernier dès novembre 2010 faisait parvenir au PDG de Tunisair un rapport accablant en 63 points sur la gestion de Moncef Badis ; ce rapport confirme celui établi par MonsieurRedha Jemaiel de mai/juin 2010.
A cet égard la location par Mauritania Airways, en date du 14 février 2007, d'un Airbus A320 est révélatrice. Selon un document publié par Jeune Afrique, une petite société suisse JetClub AG, ne détenant aucun appareil en propre et inconnue comme loueur d’avions, aurait sous-loué à Tunisair un Airbus A320 refacturé ensuite à Mauritania Airways pour la bagatelle de 11,6 millions d'euros, alors qu'elle le louait elle-même 3,4 millions d'euros – maintenance, assurance et personnel compris. Selon les experts interrogés par J.A., le tarif normal aurait dû se situer entre 2 et 3,5 millions d'euros. Dissoute peu de temps après cette opération, fin 2009, JetClub AG était administrée par des prête-noms, et son actionnariat réel reste encore inconnu. Toujours est-il qu’un expert estime qu’elle aurait en réalité servi de société écran au profit de dirigeants de Tunisair de l'époque. En soi le choix du modèle est une erreur. « Un A320 est beaucoup trop lourd et trop gourmand, pas du tout adapté au trafic de cabotage prévu », et donc peu rentable, commentera plus tard Moncef Badis. Avec le seul A320, la compagnie ne pouvait desservir que Las Palmas, Dakar, Bamako, Abidjan – ainsi que Paris à partir de fin 2008.
En juin 2009, arrivent les deux Boeing, très attendus pour mettre en œuvre la nouvelle stratégie décidée un an auparavant. Tunisair les a loués auprès de AirCastle pour un peu moins de 3 millions de dollars par an chacun. C’est l’âge d’or de Mauritania Airways qui peut désormais desservir huit pays de la région. Comme prévu, ces lignes sont très rentables, rien que pour la moitié de 2009, la compagnie transporte 137 000 passagers (20 000 passagers en Europe et 107 000 dans la région. Cela correspond aux prévisions de l’étude, qui tablait sur 188 000 passagers pour la première année d’exploitation. Cette même année 2009, Mauritania Airways réduisit considérablement son déficit annuel.
Le 28 juillet 2010, un des deux Boeing sort de la piste à Conakry, et est trop endommagé pour être réparé et Tunisair le rend à son propriétaire qui est payé par les assurances. Malgré toutes les sollicitations de Mauritania Airways, la société-mère ne remplacera jamais l’appareil. Bien entendu ce refus de Tunisair violait le pacte des actionnaires.
En janvier 2011, tous les employés tunisiens détachés à Mauritania Airways rentrent à Tunis en catimini laissant derrière eux des employés désemparés ne sachant vers qui se retourner. Le Boeing restant, toujours en leasing chez AirCastle, est resté presqu’inutilisé à l’aéroport de Tunis Carthage jusqu’à ce que Tunisair négocie une résiliation du contrat, en novembre 2011. Soit 2 millions de dollars payés en location pour rien.
Plus étonnant encore, le rapport du commissaire aux comptes de Tunisair de 2012 montre que malgré la fermeture de la societé et la fuite en janvier 2011 des gestionnaires tunisiens de Mauritania Airways (tous salariés de Tunisair), la société mère a continué de transférer une partie de ses charges (facturation au titre de 2012) sur sa filiale mauritanienne créant ainsi une amélioration fictive de son bilan; Et avec le départ du PDG Mohamed Thamri qui avait bénéficié d’un emploi fictif chez Mauritania Airways, la nouvelle gouvernance de Tunisair a pris la décision qu'impose l'orthodoxie comptable et financière: provisionner les actifs fictifs (plus de 54 millions de dinars) imputables à Mauritania Airways.
Quelle solution
Cependant même si la bataille est engagée au niveau du tribunal arbitral de Paris, il est certain qu’une solution diplomatique est la meilleure pour toutes les parties. Mais pour ça il faudrait d’abord que le gouvernement mauritanien qui est actionnaire à hauteur de 10% ait la volonté politique de poser le problème au niveau bilatéral. L’actuel premier ministre Yahya Ould Hademine avait déjà rencontré son homologue tunisien Abdelkrim Harouni à ce sujet en Mai 2012 à Marrakech. C’est dire que nos autorités connaissent parfaitement le dossier.
Source : Mauriweb.info
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com