Moustapha Ould Bedredine, secrétaire général de l’Union des Forces du Progrès (UFP) : ‘’La nomination du premier ministre est une récompense ainsi pour la loyauté dont il a fait preuve tout au long du premier mandat’’

Le Calame : L'UFP, votre parti vient de réitérer son appel au compromis national, en somme à un dialogue avec le pouvoir. Pensez-vous  qu'après toutes les consultations électorales  cette offre de dialogue  pourrait trouver une oreille attentive du côté du pouvoir?
 

 

Moustapha Ould Bedredine : Indépendamment de la personne du premier ministre dont j’ai fait la connaissance au parlement à l’occasion des altercations entre l’opposition et le pouvoir, où il laissait l’image d’un homme courtois et ouvert, tout comme d’ailleurs son prédécesseur, Moulaye Ould Mohamed Lagdhaf, sa nomination comme premier ministre, de mon point de vue, n’apporte rien de nouveau. En effet dans le système présidentiel qui est le nôtre, le premier ministre ne dispose d’aucun pouvoir significatif dans le traitement des dossiers épineux, d’une part et, d’autre part, si le président lui-même a déçu tout le monde par son discours d’investiture, que peut-on attendre du premier ministre. Cette nomination sera évidement vendue comme étant une représentation des régions de l’Est au sommet de l’Etat afin de préserver de prétendus équilibres régionaux étant entendu que ces derniers ne s’obtiennent pas par la nomination d’un où plusieurs individus mais par la mise en œuvre de programmes de développement qui prennent en charge, de façon équitable et efficiente, les besoins de toutes les régions du pays.

 

Le fait est que le vrai mobile de cette nomination est la confiance en cet homme qu’on récompense ainsi pour la  loyauté dont il a fait preuve tout au long du premier mandat.

Quant au gouvernement qu’il a formé, il a reconduit les mêmes à la tête des ministres des affaires économiques et des finances ainsi que des ministres dits de souveraineté, exception faite du ministère de la défense où on sait que le ministre n’a pratiquement aucun rôle puisqu’il est géré par le président, en tant que chef suprême des forces armées. 

 

Mais aussi que la désignation de ce ministre en particulier est destinée à entretenir l’impression d’une représentation des négro-africains à un niveau plus élevé qu’auparavant tout en renvoyant aux calendes grecques un traitement idoine des questions telles que le problème des expatriés au Mali, des rapatriés du Sénégal et celui du passif humanitaire.

Mais le pire dans cette formation est qu’elle a fait venir quelqu’un qui est perçu comme un des esclavagistes les plus notoires à la tête du ministère des affaires islamiques, pour la première fois en Mauritanie.

Cela en plus du fait qu’elle n’a pas représenté l’opposition, ce qui est moins surprenant, mais elle n’a pas non plus vu de représentation de la majorité présidentielle hormis le seul parti de l’UDP. 

 

 

Presque deux mois après sa réélection et trois semaines après son  investiture, le nouveau premier ministre, Yahya Ould Hademine a rendu public la composition du premier gouvernement du second quinquennat de Mohamed Ould Abdel Aziz. Quelles  appréciations  vous faites  du choix du premier et la composition du nouveau cabinet?

 

Pour ce que je sais de l’homme et de ses rapports avec le président dont j’ai dit qu’il est un rapport de confiance, il n’y a pas de risque qu’il puisse entraver quelque politique de rapprochement avec l’opposition mais je ne pense pas non plus qu’il puisse prendre lui-même une initiative dans ce domaine qui relève de la compétence exclusive du président de la république.

 

 

Dans son discours d’investiture, le président a ignoré  le FNDU qui avait  boycotté la cérémonie. Ne pensez-vous pas que le geste du FNDU ne contribue pas à pacifier ses rapports avec le pouvoir ?

 

 Le refus du FNDU d’assister à la cérémonie d’investiture s’inscrit dans la droite ligne de sa position par rapport à la présidentielle qu’il a boycottée pour une raison évidente à savoir le rejet par le président de toutes ses revendications visant à améliorer le code électoral et son entêtement à exclure le FNDU de la compétition. Dés lors, ce dernier ne pouvait plus se résigner à une participation qui aurait été synonyme de caution et de reconnaissance des résultats de l’élection.

Le fait que le président ait fait fi du FNDU, dans son discours d’investiture, est une fuite en avant.

La crise qu’il à suscitée en organisant des élections législatives, municipales et présidentielle, boycottées par une grande partie de l’opposition, en plus du faible taux de participation à la présidentielle ainsi que la faible représentation internationale et notamment occidentale à la cérémonie d’investiture dénotent que cette crise est appelée à perdurer.

Son isolement ne fera donc que s’accentuer dans un contexte où notre pays vit une crise profonde à tous les niveaux et la fuite en avant ne sera évidemment pas de nature à résorber cette crise ni même à l’atténuer.

 

 

Pensez-vous que le président de la République respectera  la Constitution qui lui interdit de briguer un 3e mandat 

 

-Mon sentiment personnel est que l’homme est assoiffé de pouvoir et son parcours, depuis 2008, montre qu’il ne recule devant rien pour s’y cramponner.  Donc même s’il fait le serment de ne pas chercher à tripatouiller la constitution pour se perpétuer à travers d’autre mandats, cela, de mon point de vue, ne peut  différer de l’engagement solennel  qu’il avait pris avec les autre membres du CMJD devant l’Union européenne à remettre le pouvoir aux civils et à regagner leurs casernes.

Cet attachement et cette avidité pour le pouvoir sont sans doute exacerbés après le premier mandat émaillé de nombreux abus liés à la gestion des derniers publics, ce que le pousse à s’y cramponner encore davantage pour ne pas laisser dernière lui des casseroles qu’il ne voudrait pas voir « remuer ».

Cinq indices illustrent, à mon avis, cette orientation parmi lesquels son slogan de « renouvellement de la classe politique «  qui s’est transformé, au fil des jours, en une volonté affichée d’exclure  l’opposition démocratique, la seule capable d’empêcher ou d’entraver son dessein. A cela s’ajoute aussi cette propension de certains dictateurs africains, de plus en plus enclins à modifier la constitution de leurs pays pour se maintenir au pouvoir.

Toutefois, seul le rapport de forces sera déterminant dans l’avenir quant à l’entêtement du chef de l’Etat dans cette posture ou son abandon en temps opportun.

L’ensemble des mauritaniens et l’opposition en particulier doivent se préparer, dés à présent, à cette bataille.

 

-Le Hakem de Tevragh – Zeina  a interdit, par arrêté, la tenue du congrès des FLAM.

Qu’en pensez-vous ?

-Dans un pays où prévaut une constitution qui consacre la démocratie pluraliste et les libertés individuelles et collectives, une telle décision est arbitraire et injuste.

En effet, tout groupe, qu’il soit politique ou militant des droits de l’homme, ou autre, jouit, en vertu de la constitution, du droit de se réunir, de s’exprimer, de s’organiser, tant qu’il s’abstient de toute violence.

Les FLAM ne font pas exception à cette règle d’après tout ce qu’on en sait actuellement.

Cette décision est donc totalement injustifiée et dénote l’arbitraire et la provocation contre les droits des citoyens et l’unité nationale.

Propos recueillis par Dalay Lam

 

Source : Le Calame.info

 

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