Cour de récréation fétiche des Arabes du Golfe, la France deviendrait-elle un terrain à risques pour ces visiteurs souvent fortunés et pas toujours très discrets ? A la mi-août, la presse avait raconté le spectaculaire braquage du convoi d'un dignitaire saoudien sur le périphérique parisien : 250 000 euros avaient été saisis, disait-on alors, par un commando de six hommes armés et masqués, dans le véhicule de l'intendant d'Abdel Aziz Ben Fahd, un prince à la réputation de noceur. Ce que l'on ne savait pas, c'est que quelques semaines plus tôt, deux diplomates qataris en poste à Paris avaient été eux aussi détroussés.
Selon des informations obtenues par Le Monde, l'ambassadeur de ce petit émirat gazier s'est fait dérober sa valise le 1er juin dans le hall de l'aéroport de Nice. Pareille mésaventure n'aurait pas mérité d'être rapportée, n'était le montant du préjudice déclaré à la police des frontières : 190 000 euros ! Mechal Ben Ahmed Al-Thani, un membre du clan au pouvoir à Doha, voyageait avec son épouse, et le bagage qui leur a été subtilisé contenait des bijoux de grande valeur.
Difficile de dire si le couple a été victime d'un voleur occasionnel, qui a profité d'un moment d'inattention, ou d'un de ces réseaux spécialisés à l'affût de VIP au portefeuille bien garni dans les aéroports internationaux. La qualité du butin, en tout cas, ne surprendra pas ceux qui connaissent les mœurs des ressortissants du Golfe à Paris : la visite des joailliers de la place Vendôme est l'un de leurs passe-temps favoris.
" Il faut être plus discret "
Quelques jours plus tard, le 24 juin, l'un des collaborateurs de l'ambassadeur a connu des déboires similaires. Arrêté à un feu rouge, en pleine nuit, dans le 16e arrondissement de la capitale, le diplomate a dû abandonner son véhicule sous la menace d'un pistolet. L'auteur du " car-jacking " a été interpellé peu après et la voiture rendue à son propriétaire, avec l'iPhone et l'iPad qui se trouvaient dedans, mais sans le flacon de parfum et l'une des deux montres haut de gamme qui y étaient aussi. Dans ce cas précis, il semble acquis que le diplomate qatari n'était pas visé en tant que tel.
" Ces deux incidents ne sont pas du tout comparables à l'affaire du prince saoudien, explique-t-on à la représentation du Qatar, située dans un splendide hôtel particulier, au pied de l'Arc de triomphe. Cela arrive chaque été avec les touristes, qu'ils soient simples citoyens ou membres de la famille royale. "
Le montant du braquage de la porte de la Chapelle, dimanche 17 août, a été revu à la hausse par les enquêteurs : 671 000 euros en cash, auxquels s'ajoutent des bijoux et des montres de luxe. Près des carcasses calcinées des deux voitures ayant servi à l'opération, les policiers de la brigade de répression du banditisme ont aussi retrouvé 25 000 euros en liquide, abandonnés par les assaillants dans leur fuite.
" C'est de leur faute, s'exclame un diplomate arabe, interrogé sur la série d'agressions. Quand on vient faire son show à Paris, il ne faut pas s'étonner que cela se termine mal. " Selon lui, l'origine de ces attaques est à chercher dans l'entourage des victimes : " Il faut être plus discret. " L'histoire ne dit pas si la protection de l'ex-émir qatari, le cheikh Ahmed Ben Khalifa Al-Thani, qui séjourne actuellement à Paris, a été renforcée.
Benjamin Barthe et Soren Seelow
Source : Le Monde
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