« Et ce qui devait arriver, arriva ! » Il n’y a pas meilleure expression pour caricaturer les résultats de l’élection présidentielle mauritanienne. Le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, a été réélu, avec un score de plus de 80% des suffrages exprimés.
Les présidents sortants n’ont cure de la politique de la chaise vide
Pour l’opposition qui avait dans sa majorité appelé au boycott, cette élection est plutôt un échec pour Abdel Aziz, et elle « ne lui confère aucune légitimité. » Une position qui est loin d’être partagée par le nouveau vainqueur qui avait d’ailleurs déclaré auparavant ne pas être du tout gêné par l’abstention de certains partis de l’opposition. Cette boutade ironique qui résonne comme un remerciement de Abdel Aziz à l’endroit de l’opposition, révèle malheureusement une triste réalité qui n’est pas propre à l’opposition mauritanienne, mais qui se constate aussi malheureusement au sein des oppositions africaines d’une manière générale.
Ces oppositions politiques africaines ont généralement tendance à oublier qu’elles évoluent dans des républiques bananières et que les présidents sortants qu’ils disent combattre, n’ont cure de la politique de la chaise vide.
Si cette attitude produit des résultats dans les Etats du Nord, à cause de la mauvaise conscience qu’elle peut susciter chez le vainqueur qui se voit ainsi obligé d’avoir le triomphe modeste à cause d’une opinion publique nationale pour qui le taux de participation est un indicateur de légitimité, au Gondwana, cette politique de la chaise vide n’a pour effet que d’ouvrir un boulevard au président-candidat qui se fait réélire sans coup férir. Pire, il peut se donner tout le loisir de produire ses propres chiffres sur le taux de participation.
Dans le cas de la Mauritanie, on peut dire que ce boycott est la meilleure des mauvaises idées que l’opposition ait eue.
Il faut se rendre à l’évidence : le boycott des élections, tout comme la grève de la faim, en Afrique, ne troublent point le sommeil de nos dirigeants. Quant à évoquer une éventuelle mauvaise conscience de leur part, encore faut-il s’assurer qu’ils en ont une, avant même de refuser de déposer son bulletin dans l’urne.
Le véritable combat serait de travailler à la limitation sans appel des mandats présidentiels
Ce boycott prôné par l’opposition mauritanienne n’a fait que faciliter la tâche à Abdel Aziz qui rebelote ainsi pour cinq ans. Et si l’opposition n’abandonne pas sa stratégie de la chaise vide, en 2019, il est quasi certain qu’elle offrira à Mohamed Ould Abdel Aziz, un autre boulevard vers un tripatouillage de la Constitution pour un mandat à vie.
La Commission électorale a annoncé un taux de participation de 56,46%.
Ce taux, tout comme ce score stalinien de 81% des voix obtenues par Abdel Aziz, ne signifient, en réalité, rien ; et le président réélu serait fort mal inspiré de croire qu’il jouit d’une forte légitimité populaire.
Après tout, en se « fabriquant » ce score fleuve, il se sera au moins épargné un second tour, faisant ainsi l’économie d’une dilapidation de l’argent public. L’opposition devrait au moins lui dire merci de n’avoir pas jeté davantage par la fenêtre l’argent du contribuable mauritanien.
Mais peut-être que cet appel de l’opposition au boycott cachait mal sa peur d’affronter un candidat sortant, dont le bilan, sans être parfait, n’est pas des plus catastrophiques. Si tel est le cas, il ne lui reste alors qu’à se remettre au travail et à se serrer les coudes, avec l’ensemble de la société civile mauritanienne. Le véritable combat qui vaille serait de travailler à obtenir la limitation sans appel des mandats présidentiels à deux. Elle accroîtrait ainsi ses chances de parvenir un jour au pouvoir.
Dieudonné MAKIENI
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