Bilal Ould Yamar n’est plus : Adieu Papa Dah

«Chaque fois que me rappelle des grands événements qui ont suivi l’indépendance de la Mauritanie, et notamment les prières collectives á l'occasion des fêtes et du vendredi à la grande mosquée de Nouakchott, j’ai en mémoire trois hommes : Bouddah Ould Bouceiry, Mokhtar Ould Daddah et Billal Ould Yamar ».

 

Ce témoignage d’un simple citoyen venu présenter ses condoléances à la famille du défunt, résume à lui seul, la place et le rôle qu’a joué cet homme dans le processus d’édification du pays.

En effet, à l’instar de l’érudit Bouddah et du père de la Nation Moktar Ould Daddah (et tant d'autres en voie de disparition), Billal a, lui aussi, mené dans les règles de l’art, la mission qui est la sienne; en portant, loin dans le monde, la voix de la Mauritanie. En 1958, alors que très peu de gens misaient sur l’avenir de ce pays, l’homme passait pour un atypique, prenant sur lui, le devoir de transférer, progressivement, les matériaux d'archives sonores et les accessoires de l'unique studio de Radio Mauritanie, de Saint-Louis à Nouakchott. C’est alors que le monde entier pût entendre tonner dans l’espace et le temps, le fameux indicatif « Ici Nouakchott, Radio Mauritanie » qui consacrait l’indépendance effective du pays. Désormais, la Mauritanie disposait de sa propre radio, installée dans sa propre capitale, Nouakchott.

Technicien hors pair, Billal n’aura de cesse d’émerveiller par les performances techniques qu’il réalisait à partir de moyens désuets. Radio Mauritanie n’avait en effet rien à envier à toutes celles de la sous région et même de la Métropole. Bilal veillait constamment au grain pour que tous les programmes atterrissent par la magie des ondes dans tous les foyers éparses des campements nomades, des villages transhumants et des gros bourgs de la Vallée. La Mauritanie de la naissance fût ainsi bercée par les mélodieuses voix que Bilal balançait "on air"!
 

Grâce à son art de manipuler la console dans un temps bien loin de celui que nous vivons aujourd'hui, dans une époque où l'électronique n'était même pas encore imaginée (à plus forte raison le numérique), Bilal réussissait des prouesses. De Ouadane à Talhaya, de Gouraye à N'Diago, la radio unissait les Mauritaniens. Les voix des speakers, Dahana Hamoud, Sarr Amadou, N'Gaidé El Hadj, et des artistes Mohameden Ould Sidi Brahim, Sidaty Ould Abba, Mounina mint Eleya, Hammam Fall, Athia Wellé , Ould N'Gdheye, Samba Diop et j'en passe, unissaient les Mauritaniens autour d'un idéal: celui de construire, ensemble, une nation inclusive, forte et unie. ''Derrière les files'', loin des micros et des échos, il y avait toujours la silhouette joviale d'un homme déterminé, passionné par la radio, amoureux de son métier et fidèle à sa patrie: Bilal Ould Yamar. Avec son décès qui survient après de longs mois de maladie, c'est un pan de l'histoire du pays qui s'effondre. L'homme est parmi les rares techniciens de la presse qui ont accompagné feu Mokhtar Ould Daddah dans toutes ses tournées à l'intérieur du pays. Après la chute de celui-ci, il est resté fidèle au poste, sans jamais perdre de vue la fidélité à l'idéal national, continuant à servir et à former la relève qui a bien appris sous son ombre tutélaire à bien maintenir le cap. Le Formateur qu'il fût a bien su refiler la main aux poulains! Après sa retraite, l'homme s'est tranquillement retiré, vaquant à ses activités. La première tâche qu'il s'était assignée, était de doter, le maximum possible de mosquées du pays en radio et hauts parleurs. En toute discrétion, il installait ce qu'il fallait. Sans même dire qui il était. A chaque fois que les voix des Muezzins retentissent de l'appel á la prière, une pensée pieuse de beaucoup d'entre eux va au doyen disparu. Mieux, jamais la maison de Bilal n'a désempli de visiteurs.

Tellement sa renommée et sa bonne réputation étaient connues à travers le pays. Il lui arrivait d'héberger et de recueillir des mois, voir des années durant, des personnes anonymes et inconnues, de toutes les couches sociales du pays. Du voyageur ''perdu'', à l'étudiant sans le gîte, à l'aventurier échoué, chez Bilal, il y avait de la place pour tout le monde. Malgré la modestie de la demeure, la largesse du cœur et la finesse de l'esprit mettaient tous à l'aise. C'est en reconnaissance à cette générosité au temps de la disette (surtout durant les dures années 70), que toute la Mauritanie a convergé vers le domicile de l'illustre disparu pour présenter des condoléances, afficher la solidarité et témoigner des qualités de l'homme. En un mot, la Mauritanie est aujourd'hui orpheline de l'un de ses plus illustres bâtisseurs. Bilal a tranquillement tiré sa révérence!
 

Repose en paix, Papa Dah! Dis-toi, là où tu es, au paradis, que nous, tes enfants, te disons grand merci pour avoir été le sympathique, jovial, généreux, sage et tendre père que tu fus!

Rassures-toi aussi et saches que tous tes compatriotes sont venus, comme un seul homme (comme tu aimais les voir) pour te dire grand merci et Adieu!!!

Ahmed

 

Source  :  Le Rénovateur Quotidien

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page