La question de l’esclavage fait irruption dans la campagne

Ce soir du jeudi 19 juin, date de clôture de la campagne, ils sont nombreux à attendre leur candidat, devant l'ancienne maison des jeunes de Nouakchott. Il n'a guère de chance de l'emporter, mais peu importe. " Biram n'est pas obligé de gagner cette fois. C'est un long combat, explique Mohamed Salem, un homme en boubou blanc d'une quarantaine d'années. Nelson Mandela a bien mis trente-cinq ans à gagner le sien. "

 

Biram Ould Dah Ould Abeid est l'un des quatre candidats à l'élection présidentielle qui ont décidé d'affronter le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, le 21 juin. Il est aussi un militant connu de la cause antiesclavagiste. Fondateur de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste, c'est des descendants d'esclave, les Haratine. L'esclavage a été interdit en 1981 et criminalisé en 2007. Son interdiction a été inscrite dans la Constitution en 2012, mais la pratique reste courante. Les Haratine représenteraient près de 40 % de la population.

Domination maure

C'est là l'une des lignes de fracture de la société mauritanienne, fragmentée entre la communauté arabo-berbère et les Négro-Africains d'une part, et, à l'intérieur de la communauté arabo-berbère, entre les Maures blancs et les Haratine. Le credo de Biram : dénoncer une domination des Maures et revendiquer une place égale aux Haratine et autres ethnies noires. Alors que le sujet de la cohésion nationale est toujours abordé avec prudence, la candidature de Biram bouscule la campagne et remet en avant la question des relations entre communautés dans un pays dominé politiquement et économiquement par les Maures. Radios, débats télévisés, meetings : rarement les questions communautaires n'avaient été aussi présentes.

Au cours de la campagne, les propos du candidat, souvent provocateur, ont été jugés " racistes " par le pouvoir. " Certainement provocateur, note un observateur étranger, mais courageux et l'une des voix un peu neuve dans cette campagne. "" Les gens pensent que les Haratine veulent la bagarre, mais c'est faux, se défend Mohamed Salem. On veut juste que nos droits soient respectés. Biram est pour les pauvres, les Noirs. "

Avec son discours sur la domination maure, le candidat a touché au-delà des Haratine, les Négro-Africains, eux aussi victimes de discriminations. Biram n'est pas le seul candidat noir. Ibrahima Moktar Sarr, plus modéré, est un négro-mauritanien. Une communauté qui a connu de profonds traumatismes à la fin des années 1980, victime d'expulsions massives vers les pays voisins, le Sénégal et le Mali.

" Le mérite de Biram ou Sarr est de poser la question de la place des autres communautés dans ce pays, avance El Hadj Amadou Alassane Mbow, le secrétaire général de l'Association mauritanienne des droits de l'homme. A trop vouloir cacher ce mal mauritanien, on court à la catastrophe. "

Charlotte Bozonnet

 

Source : Le Monde

 

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