Menacée de mort, une activiste mauritanienne déplore le manque de soutien des autorités

Accusée d’apostasie et visée par une fatwa de mort édictée par une association religieuse, la militante mauritanienne des droits de l’homme Aminetou Mint El Moctar a entrepris des démarches pour déposer plainte à la police. En vain! «Les autorités mauritaniennes ont fait preuve de passivité dans cette affaire et cela me scandalise», dénonce la militante dans une interview avec Le Courrier du Sahara.

 

Présidente de l’Association des femmes chefs de famille (AFCF), une ONG connue pour son combat contre la maltraitance faites aux enfants, Aminetou Mint El Moctar (photo ci-dessus en 2010, après avoir reçu une distinction du département d’Etat américain pour son combat contre l’esclavage moderne) est menacée de mort par le dirigeant d’un courant islamiste radical dénommé «Ahbab Errassoul». Son leader, Yehdhih Ould Dahi, a édicté une fatwa sur l’internet, appelant à la «tuer» et à lui «arracher les deux yeux», et a rendu public ses informations personnelles, comme la localisation de son domicile, de son bureau et le numéro de matricule de sa voiture. Il l’accuse d’avoir pris la défense d’un jeune Mauritanien, emprisonné à Nouadhibou depuis le début de l’année pour avoir écrit un texte jugé blasphématoire. Dans une interview avec Le Courrier du Sahara, Aminetou Mint El Moctar confirme ne pas avoir réussi à déposer plainte auprès de la police mauritanienne. «Je suis scandalisée», déclare-t-elle au téléphone depuis l’Espagne où elle assiste à une rencontre sur le développement au Sahel.

Pouvez-vous nous confirmer que votre plainte n’a pas été prise en considération?

J’ai contacté le procureur de la République pour demander une protection et porter plainte contre l’auteur de ces menaces. Le procureur m’a dit de ne pas m’inquiéter car ce monsieur ne représente absolument rien. Il m’a dit aussi qu’il ne va pas passer à l’acte car il a déjà menacé un avocat sans rien faire. Le lendemain, je suis partie me plaindre au Commissariat 1 de Tevragh Zeina en compagnie de militants de droit de l’homme comme Lalla Aïcha Sy et d’autres du mouvement des Jeunes Démocrates. Le commissaire m’a dit de prendre contact avec Yehdhih Ould Dahi pour discuter avec lui. Il estimait que cette affaire n’était peut être pas fondée. Je lui ai dit que je n’étais pas venue me faire prodiguer des conseils mais pour déposer une plainte. Il m’a mis en contact avec un policier pour le dépôt de la plainte.

"Jusqu’a présent, l'auteur des menaces n’a pas été inquiété"

Quelques jours plus tard, je suis retournée chez le procureur qui a demandé au commissaire de convoquer Yehdhih pour l’écouter. Ce dernier a répondu qu’il ne  pouvait pas le faire parce que Yehdhih  bénéficie du soutien de gens très puissants. Le procureur a insisté et le commissaire a promis de voir avec sa hiérarchie. Mais, jusqu’a présent, l'auteur de ces menaces, Yehdhih Ould Dahi, n’a pas été inquiété. Il s’est même  permis de tenir un sit-in devant le tribunal de Nouakchott, en brandissant ma photo et en réitérant ses menaces de mort en mon encontre.

Quelle analyse faites-vous de l’attitude des autorités dans cette affaire?

Je suis scandalisée par l’attitude des autorités mauritaniennes qui ont fait preuve de passivité. Cela prouve la faiblesse du pouvoir public. Les autorités savent pourtant que la menace de mort est un délit. Heureusement que la population m’a bien soutenue. Yehdhih ne s’attendait pas à cela. J’ai reçu le soutien de l’opinion nationale et internationale.

Comment réagissez-vous à cette menace de mort?

C’est vrai que c’est un danger mais la menace de mort ne m’ébranle pas du tout. En revanche, ce qui me gène c’est que cela constitue une offense à la démocratie et une atteinte aux droits de l’homme. Je suis également navrée que l’on sape la liberté d’expression et de penser dans mon pays.

"Ces menaces constituent une offense à la démocratie et une atteinte aux droits de l’homme"

L’auteur des menaces de mort, Yehdhih Ould Dahi, doit être arrêté. Nous sommes tous des musulmans. Je n’accepterai pas que les gens brandissent la religion contre les militants des droits de l’homme et les défenseurs de la démocratie.

Vous sentez-vous menacée?

Je me sens menacée. J’ai besoin de protection. Mais je ne reculerai pas devant les intimidations. Je continuerai à réclamer un procès équitable pour Cheikh Ould Mkheitir.

Pourquoi est-il si difficile et dangereux d'évoquer le cas ce jeune homme de Nouadhibou à votre avis?

Même les avocats ne peuvent pas le défendre. C’est bien la preuve qu’il ne pourra pas bénéficier de ce que je réclame, à savoir un procès équitable. On ne peut pas condamner Ould M’kheitir d’apostasie avant la décision du juge.

Avez-vous le sentiment que certains sujets restent tabous?

Il y a trop de tabous en Mauritanie et il est temps de les briser.

 

Source : Le Courrier du Sahara

 

 

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