MONDIAL 2014 : Nigeria : “Soyons plus ambitieux !”

S'ils veulent aller loin dans la compétition au Brésil, les Super Eagles devront surpasser un obstacle de taille : leur entraîneur, qui manque d'ambition et s'évertue à faire des mauvais choix depuis plusieurs mois, estime le chroniqueur.

Qu'est-ce qui pourrait être le plus gros obstacle à l'accession du Nigeria à la finale de la Coupe du monde 2014 ? Le Brésil, le pays hôte, l'Argentine, l'autre favori du groupe F, l'Espagne, le champion en titre, les distances entre les sites ou la chaleur tropicale ?

Cher fan, si tu veux la réponse, ne cherche pas plus loin que le Nigeria. Malgré tout le respect qu'on doit à l'amour-propre légendaire de José Mourinho et de Sir Alex Ferguson, le plus gros obstacle, ce sera peut-être l'ego de Stephen Keshi, le sélectionneur de l'équipe nationale. Comme le patron de Chelsea et le tacticien de Manchester United, l'ancien capitaine de l'équipe nationale est surnommé le Big Boss.

Après avoir obtenu son billet grâce à un triomphe à la Coupe d'Afrique des nations en janvier 2013, l'entraîneur des Super Eagles s'est lancé dans la Coupe des confédérations de 2013 au Brésil avec une sélection discutable. Son refus de se séparer de Chigozie Agbim, le troisième gardien de but, montre qu'il est prêt à se saborder.

Cafouillage

Agbim a lamentablement cafouillé lors du Championnat d'Afrique des nations qui s'est tenue du 11 janvier au 1er février en Afrique du Sud. Après avoir encaissé un tir de 50 mètres au Mozambique [en phase de groupe], il a encore consterné tout le monde lors de la demi-finale contre le Ghana avec ses plongeons inutiles pendant les tirs au but, qui ont coûté la victoire au Nigeria. C'est cependant son entraîneur et protecteur manifeste qui est à blâmer.

Les supporters du Nigeria avaient peut-être échappé à la tension associée à la phase des qualifications pour le Brésil, mais ils ont depuis perdu confiance dans les capacités de Keshi.

Les débâcles de la Coupe des confédérations et du Championnat d'Afrique des nations ont levé tous les doutes à son sujet. Keshi était d'accord avec le directeur technique de la Fédération Nigériane de football pour considérer, avant le tournoi, que la Coupe des confédérations ferait office de courbe d'apprentissage.

Il y a donc participé avec une sélection qui était assurée de ne pas revenir avec le trophée et a trahi ainsi sa mission. Le Nigeria n'était pas là pour gagner, d'où cette constellation de stars blasées, de comètes et de petites étoiles.

“Le Nigeria peut gagner”

Brésil 2014, c'est une autre paire de manche. C'est la plus grande scène au monde. Celle qui met en jeu la carrière de l'entraîneur et l'orgueil national, et il faut vraiment être perturbé pour faire l'imbécile lors de cet évènement.

On l'a déjà dit mais cela vaut la peine d'être répété : le Nigeria peut gagner. Les dirigeants peuvent juger que c'est irréaliste, et Keshi aussi, mais qu'est-ce qui est “réaliste” ? Une autre accession en huitièmes de finale comme aux Etats-Unis en 1994 et en France en 1998 ? Ou une accession aux quarts de finale comme le Cameroun en Italie en 1990, le Sénégal en Corée/Japon en 2002 et le Ghana en Afrique du Sud en 2010 ?

Non, l'objectif réaliste, c'est la victoire. La victoire contre l'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas et tout autre adversaire illustre pour conquérir ce trophée convoité.

Apprendre à presser l'adversaire

Tout en saluant le physique et la vitesse des joueurs africains, [l'ancien international] Sunday Oliseh présentait une recette de succès qui devrait faire saliver Keshi : “Les Africains doivent apprendre à faire pression sur l'adversaire. Le football a changé. On ne choisit plus des individus en s'attendant à ce qu'ils jouent bien. Maintenant c'est plus une question de travail d'équipe, de dynamique collective, de plans, on planifie les choses, par exemple, comment regarder l'adversaire, comment apporter des antidotes au joueur vedette de l'adversaire.”

Si on cherche une preuve récente du gouffre qui sépare le Nigeria et les grandes cultures du football, il n'y a qu'à voir comment les pays gèrent la Coupe du monde. Felipe Scolari, l'entraîneur du Brésil, a dressé une sélection du cœur de l'équipe des semaines à l'avance, puis il a invité les supporters à trouver le reste – une tâche dont les supporters étrangers du Brésil se sont opportunément chargés.

En s'accrochant à Agbim et à des internationaux débutants au lieu de faire appel à des joueurs expérimentés mais difficiles, Keshi limiterait ses options et rabaisserait l'ambition nationale. Le troisième gardien de but va pourtant peut-être devenir le premier. Comme c'est étrange. Et ceux qui lui trouvent des excuses – “le gardien ne sera qu'en troisième ligne”, “il n'aura peut-être pas à arrêter une seule balle”, "arriver en quart de finale serait super, arriver en demi-finale exceptionnel” – ont manifestement la même “ambition” que l'entraîneur.

Corruption

Les dirigeants du football actuel ont peut-être l'air plus efficaces que leurs prédécesseurs, mais ils ne peuvent empêcher certaines accusations de circuler. Certains joueurs partageraient salaires et primes avec les entraîneurs, et Wilson Raj Perumal, un Singapourien célèbre pour avoir truqué des matchs et qui se qualifie de “héros inconnu de la qualification du Nigeria", a récemment avoué avoir aidé le Nigeria à se qualifier pour la finale de la Coupe du monde de 2010 en Afrique du Sud par des moyens illégitimes.

La fédération a démenti ces deux allégations mais nul ne peut affirmer que le football nigérian est libre de toute corruption. Le bouche à oreille va bon train sur les divers accords illicites conclus : agents qui influencent les sélections, joueurs qui paient pour occuper telle position et entraîneurs qui jouent les agents.

Keshi risque de ne pas suffir au Brésil mais rien n'interdit d'espérer. Comme en Afrique du Sud en 2013, où les Super Eagles ont profité du fait d'être opposés à un faible adversaire [le Nigeria s'est imposé en finale de la CAN 1-0 face au Burkina Faso], encore une fois, la chance fera peut-être taire les inquiétudes.

Vu la constitution des groupes, les gros poissons vont peut-être s'éliminer mutuellement et laisser la voie libre au Nigeria. La chaleur va peut-être doper le mental des joueurs, sauf s'ils succombent aux attentions de leurs femmes ou de leurs copines, ou décident d'invoquer le climat tempéré dans lequel ils ont l'habitude d'exercer leur vie professionnelle pour excuser leur échec.

Quoi qu'il en soit, pour gagner, les Super Eagles devront accepter la chaleur sud-américaine et se donner à fond.

 

Olubanwo Fagbemi

 

Sourrce  : The Nation via Courrier international

 

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