Ca bruisse, ça papote, ça ergote (ça rime)…Jours de campagne dans notre république laitière qui ne connait que ça, des jours de campagne : campagnes de l'hivernage, campagnes des municipales, campagnes du déguerpissement, campagnes législatives, campagnes de vaccination, campagnes présidentielles, campagnes militaires…et j'en passe. Nous sommes les bienheureux et bénis habitants du pays des campagnes… adorables « campagnonnés », adorables et immuables (tiens, encore une rime!).
La « campagne » des derniers jours porte sur la team de choc du premier d'entre tous les candidats, notre Sultan. Une fois, « on » nous dit que ce sera Ould Merzoug le directeur de Campagne de notre président en mode « en campagne pour une réélection assurée » ; Une autre fois « on » nous dit que non. Puis « on » nous redit que oui. Même nos z'amis sénégalais s'y mettent.
Puis, comme « on » n'a pas toutes les informations, « on » nous apprend une chose vraiment vitale, à savoir que le spécialiste de la campagne perpétuelle, notre actuel et futur sultan, fait campagne en hélicoptère, ratissant les coins et recoins, les trous perdus et les centres des trous, accueilli en héros salvateur.
C'est ça nos campagnes présidentielles. Des tours en hélico, des directeurs de campagne en orbite, des recoins en terres de promenades, des populations transformées en derviches tourneurs de l'applaudimètre.
Rien ne manque à cette campagne là, surtout pas les ralliements de campagne…
Bref, la routine dans cet espace temps particulier, figé depuis des décennies, immuable, qu'est notre temps à nous les Nous Z'Autres.
Nous sommes tellement immobiles, ancrés que nous sommes dans le non mouvement, que nous en sommes devenus comme les silhouettes de nos cousins égyptiens, à savoir des « campagnonnés » de profil….Nous avons fait de nos platitudes éternelles ces bas reliefs où, tour de passe passe et signe d'une perception fort étrange de l'humain, nous réussissons le tour de force à évoluer et de face et de profil…. Nous avons rajouté, pour nous démarquer des artistes pharaoniques, une capacité à et avancer et à reculer en même temps, quand nous ne faisons pas du surplace.
D'où, notre amour immodéré pour le seroual, celui-ci permettant toutes les contorsions.
Avec lui nous pouvons être de face, de profil, en avant, en arrière et, même, montrer, quand il le faut son derrière. Seules nos têtes restent de profil, les vertèbres du cou étant tout sauf conciliantes dès lors que nous leur imposons des torsions….
Une fois notre sultan réélu, je vais proposer donc que sur notre drapeau national et international figure la silhouette du Nous Z'Autres, histoire de laisser mon nom à la postérité des futures campagnes….et, pourquoi pas, la construction d'une pyramide en banco, avec hiéroglyphes locaux et bas reliefs de notre Premier Empire, dynastie des rois guerriers, an 36 de la très vénérable année des Z'élections triomphantes, Basse et Haute Mauritanie….
Moi qui voulais vous parler de nos voisins, pour une fois. Mais quoi dire sur eux ? Au Sénégal ça tire dans tous les sens, guérilla politique, fils d'ex roi en prison, ex roi lui même en transe, actuel roi en colère… Pas assez important et, en plus, leur temps, à nos Z'amis sénégalais, étant tout sauf immobile, cela me fatigue d'en parler.
J'aurais pu parler de nos Z'amis maliens. Mais vu que nos voisins sont de nouveau en guerre au nord de leur pays (si tant est qu'ils en soient jamais sortis, théorie des optimistes), rien à dire sur.
Alors je choisis de parler d'Abderrahmane Sissako et de son film, un des favoris du Festival de Cannes, « Timbuktu » et laisser, une fois n'est pas coutume, parler en moi la « patriote » que je ne suis pas. Je n'ai pas vu le film, sauf quelques extraits. Et je me mets à rêver : et si, pour une fois dans notre histoire linéaire et immobile, le monde allait nous « épingler », non pas pour nos coups d'état, non pas pour nos salafistes, non pas pour notre zone rouge, non pas pour notre esclavage latent, non pas pour nos inondations, non pas pour nos misères, mais pour quelque chose de lumineux, de vivant, de charnel, à savoir une œuvre d'art, un film émotion ?
Et si nous pouvions offrir au monde la sensibilité d'un metteur en scène et de ses acteurs, eux qui nous offrent leur perception toute en humanité d'un drame affreux ?
Je me prends donc à rêver…Et si, dans toutes nos médiocrités, enfin, des hommes et des femmes nous rendaient nos intimes…. ? Et, par delà, rendait à l'Afrique tout les talents existant mais massacrés dans des atrocités ?
En attendant, je me mets aux plans de notre future pyramide sur laquelle nous serons estampillés purs Z'habitants, de profil, de face, d'avant et d'arrière, mais aussi, nos gloires nationales : la TVM, l'AMI, l'Armée, les Dialogues, les Accords, les Convergences, les Coordinations, le mélange Lait / Coca, le Yaye Boy, les niébés, le couscous, les ânes, les chameaux, les moustiques, le goudron qui fond dans l'eau….et les biskits sarakollés.
Et si vous êtes arrivés au bout de cette chronique du temps immobile c'est que, vraiment, vous aviez du temps à perdre….et le temps, immobile, étant précieux, je vous conseille de ne pas le gaspiller.
L'immobilité d'un temps cela s'entretient….
Salut
Mariem mint DERWICH
Source : Le Calame
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