Mémoire nationale Mauritanienne : Guerre civile et conquête coloniale au Sénégal.(4 et 5)

…La fin de la monarchie et l’essor de l’islam au Kajoor, 1859-1890.

Le règne de Lat Joor : un bilan politique et symbolique ambivalent

Lat Joor a une position importante mais ambiguë dans l’histoire du Sénégal et dans la mémoire wolof du passé. Comme d’autres chefs puissants des dernières décennies de l’indépendance précoloniale, il a été adopté comme un symbole de résistance aux Français, et il constituait un élément important dans les interprétations populaires de la conquête. 

 

Aujourd’hui, de nombreux Wolof considèrent Lat Joor comme un symbole héroïque de l’ancien régime. Son image contemporaine est le fruit d’un certain nombre de données séparées, écrites ou orales, africaines et françaises. Des nombreux enfants Wolof peuvent raconter l’histoire de Lat Joor et de son cheval Maawlaw, et la manière dont il refusa le projet français du chemin de fer. Il fit le vœu que lui et son cheval mouraient avant de voir le chemin de fer terminé. Il s’agit d’un cliché qui condense le règne de Lat Joor en une seule image. Les bardes Wolof firent un poème épique qui le célèbre, en particulier parce que Lat Joor mourut pour l’honneur. Le poème-prière commence et se termine avec le rappel de ce que la population du Kajoor disait du Lat Joor :

« Lorsque nous te perdrons, nous deviendrons soldats (pour les Français) et nous payerons leurs taxes ; après toi, toutes ces choses, après toi toutes ces choses. » (Cité in Dieng 1990 : 374, 438).

Ce portrait de Lat Joor n’est pas le seul, il existe bien d’autres portraits. L’image contemporaine de ce dernier reflète aussi l’influence des habitants ; ceux qui étaient à Saint-Louis adoptèrent la cause de Lat Joor et celle d’une monarchie indépendante comme un moyen de protéger leur commerce. Les habitants s’opposèrent à la mainmise de la politique militaire des Français. Ils craignaient de perdre leurs places d’intermédiaires au Kajoor une fois que la monarchie serait détruite et le chemin de fer construit. Le « martyre » de Lat Joor en 1886 fut déjà l’occasion de protestations proto-nationalistes.

En fin, les musulmans et, en particulier, les membres de l’ordre mouride, ont des souvenirs importants de Lat Joor en relation avec le jihâd de Màbba, son règne au Kajoor et le fait que des nombreux membres de sa famille devinrent des disciples d’Amadou Bamba. Les souvenirs des musulmans sont de plus ambigus. Lat Joor eut des relations difficiles avec la communauté musulmane du Kajoor. Des militants musulmans envahirent le Kajoor en 1874 et déclarèrent un jihâd contre Lat Joor. Des nombreux musulmans dans la province de Njambur refusèrent de se battre ou se joignirent à l’envahisseur. Il eut également des relations difficiles avec le père d’Amadou Bamba, Momar Anta Sali. Ce qui était vrai du père était encore plus vrai du fils.

La plupart de ce qui fait l’importance et l’ambiguïté de Lat Joor comme un « symbole » provient du fait qu’il joue un grand rôle dans la mémoire de toutes les factions qui ont participé à la guerre civile wolof. Des nombreuses controverses actuelles puissent leur inspiration dans les conflits factionnels qui émergèrent entre 1870 et 1880. Lorsque Lat Joor revint aux frontières du Kajoor en 1869, il fit de gestes d’ouverture au parti musulman et à ses alliés. Il espérait que ses services auprès de Màbba et sa « conversion » feraient de lui un candidat acceptable pour le trône. Néanmoins, il était essentiellement un candidat Geej et les esclaves royaux constituaient l’essence de son armée. Il ne fut jamais capable de surmonter la contradiction entre les ceddo et les musulmans dans son entourage. Son règne peut être divisé en deux périodes, la première de 1870 à 1875, fut défini par le conflit sur la place de l’islam et du parti musulman au cours de son règne. La question du chemin de fer et de la puissance française au Kajoor domina la seconde période de son règne, de 1875 à 1883[1].

Lat Joor et l’islam, 1870-1875 : des relations conflictuelles

Le retour de Lat Joor et de ses partisans, en 1869, intervint à un moment favorable à leurs plans de restaurer la dynastie Geej. Les Français avaient étendu leur pouvoir militaire au Sénégal et les expériences avec le pouvoir colonial au Waalo et au Kajoor étaient jugées comme des échecs coûteux qui n’avaient produit que peu de résultats concrets[2]. Les Français et les commerçants métis étaient très critiques vis-à-vis de l’aventurisme militaire et des effets sur le commerce (Ba 1976 : 396-399). Dans ces conditions, il n’était pas impossible aux anciens « ennemis de la France » d’obtenir une certaine reconnaissance une fois  qu’ils avaient prouvé leur force locale. La relative faiblesse française donna à Lat Joor et à ses alliés l’espace dont ils avaient besoin. Néanmoins, dès le début, ils durent reconnaître qu’aucune restauration ne pouvait être un retour au passé. Le traité qui reconnut Lat Joor comme roi en 1871, obligea le Kajoor à céder ses provinces de frontière, au Nord et au Sud, aux Français et aux alliés (Diouf 1990 : 238-243). Cependant, avant même que Lat Joor ait obtenu la reconnaissance française, il avait dû démontrer sa force politique. Il le fit au cours d’une série d’escarmouches militaires au cours desquelles il infligea des défaites aux forces françaises. En même temps, il ouvrait des négociations avec des notables de Kajoor.

En 1869, il campait sur la frontière du Kajoor et du Bawol et commençait à appeler ses partisans à émigrer à Bawol. Ceux qui refusaient s’exposaient à des raids de représailles. Lat Joor menaçait ainsi de détruire le commerce du Kajoor qui était en train de se développer après les années de famine des années 1864-1865. Pour faire face à cette menace, les chefs musulmans de Njambur proposèrent en janvier 1870 de se débarrasser de tous les chefs nommés par les Français et de les remplacer par un seul, la Lingeer Debo[3]. En tant que reine, elle pourrait gouverner en partenariat avec les notables de Kajoor, dans ce cas le parti musulman, agissant en tant que régente pour son fils qui avait dix ans[4]. Cette proposition impraticable fut abandonnée en avril, lorsque le parti musulman se rallia derrière Omar Niang (Ñaan) qui avait été le chef de M’Bakol depuis au moins 1866[5]. La nouvelle proposition fut d’élire Omar Niang au titre de Jawriñ-Mbul, le plus haut titre traditionnel porté par un roturier, pour soutenir Lat Joor. Le 24 avril, une assemblée de trois cents notables commença à délibérer ; elle incluait des chefs du parti musulman et des partisans de Lat Joor ; ils votèrent pour élire Omar Niang Jawriñ-Mbul. Le trône fût offert à Lat Joor s’il acceptait de gouverner en alliance avec Omar Niang. En juin, Lat Joor fut élu roi. Il arriva donc au pouvoir avec le soutien conditionnel du parti musulman[6]. Les musulmans n’étaient pas particulièrement influencés par son alliance passée avec Màbba. Ils soulignaient le rôle de Omar Niang et les accords négociés en 1870. Omar Niang fut critique vis-à-vis de Màbba ; en 1866, il s’était plaint aux Français que les partisans de Màbba avaient pillé M’Bakol, se saisissant des propriétés, en menant des esclaves et mettant en esclavage des personnes libres[7]. Màbba avait été condamné par des nombreux musulmans importants du Kajoor pour les mêmes raisons[8]. Néanmoins le parti musulman était persuadé que Lat Joor avait fait une véritable allégeance à l’islam. Omar Niang–qui allait diriger la « trahison » musulmane vis-à-vis de Lat Joor en 1874–considérait sa décision en expliquant : « Nous avions entendu que Lat Joor était devenu musulman, c’est pourquoi nous l’avions élu.[9] » L’élection de Lat Joor eut d’importantes conséquences politiques. Il ne pouvait pas remplacer les musulmans qui avaient pris du pouvoir sous les Français, et son propre pouvoir en fut réduit.

C’est parce qu’il avait les mains liées au Kajoor qu’il adopta une politique étrangère agressive. Dès qu’il eut consolidé son pouvoir au Kajoor il tenta de conquérir le Bawol. Bien qu’il pût occuper la capitale de Bawol en 1873, il ne fut jamais capable de sécuriser son pouvoir dans cette région (Diouf 1990 : 249-250). En cas de succès, la conquête du Bawol lui aurait permis de récompenser les chefs ceddo. En fait, l’invasion du Bawol gagna seulement l’hostilité d’Amadou Seexu, qui était en train de mettre en place un nouvel jihâd au Fuuta Tooro et au Jolof. Le jihâd d’Amadou Seexu apparu peu après l’épidémie dévastatrice de choléra dans la vallée du Fleuve Sénégal en 1869. Il gagna le soutien des musulmans convaincus que les épidémies et les famines qui avaient ravagé la région de 1864 à 1869 étaient des signes d’allâh. Au Kajoor, le mouvement remporta le soutien des musulmans convaincus que le règne de Lat Joor constituait un retour à la domination aristocratique et aux guerres continuelles comme le montrait d’ailleurs l’invasion du Bawol.

A suivre…/

James F. Searing University of Illinois at Chicago . Traduit de l’Anglais parChristophe de Beauvais. Publié dans Colonisations et héritages actuels auSahara et au Sahel.Sous la direction de Mariella Villasante Cervello, Paris, L’Harmattan, 2007, vol. I : 391-438.

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[1] Le meilleur récit des règnes de Lat Joor se trouve dans le livre de Diouf, Le Kajoor, 1990. Bien que nous différions dans quelques points.

[2] Barry, Le royaume du Waalo, Paris, 1972 : 152-153.

[3] Ans, 13G 258, Cayor : 1870-1874, Correspondance, documents 1-2, Pétition signé par le Serigne Merina, Serigne Coki, Serigne Niomrei, Serigne Louga, Serigne n’Guick, le 15 janvier 1870.

[4] Ans, 13G 258, Cayor, Document 89, Lettre reçue le 6 avril 1870.

[5] Ans, 13G 257, Cayor, Correspondance, Document 89, Lettre de Omar Niang, Chef de M’Bakol, le 19 octobre 1866.

[6] Sur ce point, je diffère de l’interprétation de Diouf (1990 : 247-261), qui considère que ce furent des facteurs extérieurs (les Français et Amadou Seexu) qui pesèrent davantage dans la nomination de Lat Joor.

[7] Ans, 13G 257, Cayor, Lettre de Omar Niang, le 29 octobre 1866.

[8] Ans, 13G 257, Document 88, Lettre de Serigne Pir, Boubacar Fal, le 22 novembre 1866.

[9] Ans, 13G 258, Cayor, Document 160, Lettre de Omar Gnane (Niang), Diawdine Mboul, reçu le 11 février 1874.

 

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Mémoire nationale Mauritanienne : Guerre civile et conquête coloniale au Sénégal.(5)

 

La fin de la monarchie et l’essor de l’islam au Kajoor, 1859-1890. En cas de succès, la conquête du Bawol lui aurait permis de récompenser les chefs ceddo. En fait, l’invasion du Bawol gagna seulement l’hostilité d’Amadou Seexu, qui était en train de mettre en place un nouvel jihâd au Fuuta Tooro et au Jolof. Le jihâd d’Amadou Seexu apparu peu après l’épidémie dévastatrice de choléra dans la vallée du Fleuve Sénégal en 1869. Il gagna le soutien des musulmans convaincus que les épidémies et les famines qui avaient ravagé la région de 1864 à 1869 étaient des signes d’allâh. Au Kajoor, le mouvement remporta le soutien des musulmans convaincus que le règne de Lat Joor constituait un retour à la domination aristocratique et aux guerres continuelles comme le montrait d’ailleurs l’invasion du Bawol.

Le jihâd d’Amadou Seexu au Kajoor et l’intervention coloniale française à faveur de Lat Joor et contre le parti musulman

Tous ces événements conduisirent à la crise de 1874-1875, lorsque Amadou Seexu envahi le Kajoor déclarant un jihâd contre Lat Joor et ses alliés. Il y a des bonnes raisons de penser que certains membres du parti musulman invitèrent Amadou au Kajoor. Il s’agissait d’une nouvelle guerre civile, avec une part importante du parti musulman qui était passé dans le camp d’Amadou. L’une des premières indications que quelque chose était en train de se passer date de février, lorsque Omar Niang avertit les Français que : « quelque chose d’extraordinaire » était en train d’arriver au Kajoor[1]. Amadou Seexu occupa certaines parties du Kajoor durant les premiers mois de 1874 et infligea une première défaite à Lat Joor en juillet, alors que Omar Niang et Sëriñ Luuga joignaient leurs forces à Amadou. Lat Joor fut une nouvelle fois défait en octobre et forcé à battre en retraite. Dans sa correspondance avec les Français, Lat Joor décrit Omar Niang et les chefs de Nkjambur comme des « traîtres » et les rend responsables de ses difficultés[2]. Un élément lumineux et central de cette période fut la résistance victorieuse de Demba War Sall à Amadou, il fortifia une position à Saq (au Nord du Kajoor) et tua une centaine d’hommes d’Amadou, alors que lui-même ne perdait que cinq soldats[3].

Lat Joor et ses alliés s’enfuirent jusqu’aux positions françaises à Ganjool (au Nord du Kajoor) en octobre et demandèrent aux Français de l’aide militaire. En décembre 1874, même certains membres du parti musulman étaient soucieux de l’occupation du Nord du Kajoor par Amadou. Seriñ Luuga, qui avait aidé à Amadou, écrivit aux Français pour leur faire part de sa préoccupation sur la « destruction » du pays[4]. En janvier, les Français organisèrent une colonne militaire qui combattit à côté des forces loyales à Lat Joor, Amadou subit une grave défaite à Kokki en janvier et il fut tué un mois plus tard.

Les événements de 1874-1875 eurent de sérieuses conséquences et sont bien documentés dans les traditions orales rattachées aux principaux participants de la guerre civile. Les mémoires wolof sur « Amadou le Tijâni », fournissent des éléments sur la politique interne du Kajoor à l’époque de Lat Joor. Les traditions aristocratiques s’intéressent aux développements de tensions entre Lat Joor et Demba War Sall, alors que les traditions aristocratiques et musulmanes voient dans ce conflit un changement dans les relations entre Lat Joor et la communauté musulmane. La guerre de 1875 se situe également dans le cadre du colonialisme français. Lat Joor ayant demandé l’aide des Français, il devait payer le prix dans le futur.

Les mémoires des aristocrates s’intéressent aux conséquences de la guerre

Les mémoires des aristocrates s’intéressent aux conséquences de la guerre. Dans les récits épiques de Mbaye, ce point est résumé en reliant l’aide militaire française aux projets de chemin de fer et à la fin de l’amitié entre Lat Joor et Demba War Sall. Après qu’il eut été défait par Amadou, Lat Joor dit aux Français :

« Aidez-moi contre Amadou Seexu.
Lorsqu’il aura été chassé du pays,
la chose que vous m’avez demandé,
le chemin de fer entre Saint-Louis et Dakar,
je vous le donnerai.[5] »

Mbaye, un barde royal dont le grand-père mourut à Sàq (Dieng 1990 : 424) décrit le conflit comme une « guerre civile » (en wolof : xeexub biirum réew, « une guerre dans le pays »), et rappelle que Demba War Sall avait combattu Amadou et Omar Niang alors que Lat Joor restait en dehors de ce conflit. Plus important, il indique que Demba War rejetait l’accord entre Lat Joor et les Français. Cet accord avait deux témoins, Masekk Ndóoy, le nouveau confident de Lat Joor, et  Majaxate Kala, un érudit musulman. Lat Joor et Demba Warr se querellèrent et Lat Joor annonça que Maseek remplacerait Demba War comme conseiller en chef du roi (farabiir-kér[6]).

L’alliance entre Lat Joor et Demba War étant le point central du récit épique, la guerre avec Amadou Seexu constitue le moment décisif de l’histoire. Pour les Wolof, Masek Ndóoy et Majaxate Kala symbolisent les caractéristiques du nouveau gouvernement crée par Lat Joor après la guerre. Suivant le petit-fils de Lat Joor, Amadou Bamba Diop, le choix de Masekk ne fut pas le bon, parce qu’il ne pouvait pas se comparer à Demba War, mais Diop signale que Lat Joor prit sa décision après avoir rencontré un groupe de notables qui l’avertissaient contre le fait de donner trop de pouvoir à une seule famille. Les autres familles avaient des droits égaux pour avoir le pouvoir (Diop 1966 : 523). Amadou Bamba Diop affirme que Lat Joor était un réformateur et un musulman sincère alors que Demba War était un traditionaliste. Au crépuscule de son pouvoir, Lat Joor fut soumis à des pressions pour employer des officiels extérieurs au premier cercle des exilés de 1869. Cette concession au parti musulman fut faite au détriment de Demba War Sall, qui conservait son commandement territorial, mais perdait sa position comme conseiller en chef du roi.

La référence à Majaxate Kala a la même signification. Majaxate Kala remplaça Momar Anta Sali (le père d’Amadou Bamba, le chef des Mourides), comme juge en chef suite à la guerre avec Amadou Seexu. Momar Anta Sali était retourné au Kajoor avec Lat Joor en 1869, et avait accepté une charge comme juge musulman en chef (en wolof xaali). Il fonda un village à côté de la résidence de Lat Joor où il s’installa avec sa famille et ses  étudiants. Le petit-fils de Lat Joor rapporte que Momar était impopulaire parce que ses jugements étaient basés sur une stricte interprétation du coran, mais aussi parce qu’il était un « étranger » sans racines au Kajoor. Il expliqua que des pressions d’Amadou Bamba forcèrent son père à démissionner. Amadou Bamba laissa une note pour son père qui dit : « Même le plus honnête des juges doit régler ses comptes avec allâh. » (Diop 1966 : 525). La démission de Momar Anta Sali prépara la voie à l’arrivée de Majaxate Kala, un érudit renommé qui disposait de liens avec le parti musulman. Kala n’était pas étroitement lié à Lat Joor et en 1870, il avait averti les Français que ce Lat Joor était « un menteur patenté[7] ». Une fois recruté, Kala devint néanmoins célèbre pour ses décisions qui servaient les intérêts de la cour.

Les mémoires des bardes royaux et des membres de la famille royale présentent les récits préservés par les partisans des Geej. D’autres sources wolof renforcent la signification des événements de 1875. Tanor Latsoukabé Fall, un descendant de la maison royale de Bawol rappelle certains aspects de la guerre qui conduisirent à la rupture entre Lat Joor et Demba War Sall. Lat Joor célébrait sa victoire au Bawol et venait juste de former un gouvernement avec Demba War Sall nommé farba kaba (chef des esclaves royaux et ministre du gouvernement), lorsqu’il apprit l’invasion du Kajoor. Lorsqu’il y retourna, il subit deux défaites militaires et alla à Ganjool pour demander l’aide des Français.

« Mais son vaillant commandant de l’armée, Farba Demba War n’accepta pas. Il regroupa ses forces et construisit un fort à Sakné (Sàq) où l’attendaient des Tukuloor (Amadou Seexu et ses soldats Futanké). Tous les princes du Kajoor l’aidèrent. Ils endurèrent la bataille contre l’ennemi du matin jusqu’à la nuit et utilisèrent toutes leurs munitions dans leur défense héroïque contre un adversaire supérieur en nombre. Lorsque la nuit tomba, ils s’échappèrent dans l’obscurité et rejoignirent le dammel qui attendait l’issue de la bataille dans sa retraite de Ganjool.[8] »

Les détails de la bataille de Sàq soulignent les tensions croissantes entre le roi et son ministre en chef ; ils expliquent également pourquoi Lat Joor fut accusé d’ingratitude. Ce point rappelle enfin que Demba War Sall occupait une position importante au Bawol en 1873, peu avant qu’il ne tombe en disgrâce.

A suivre…/

James F. Searing University of Illinois at Chicago . Traduit de l’Anglais parChristophe de Beauvais. Publié dans Colonisations et héritages actuels auSahara et au Sahel.Sous la direction de Mariella Villasante Cervello, Paris, L’Harmattan, 2007, vol. I : 391-438.

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[1] Ans, 13G 258, Cayor, Document 160, Lettre de Omar Gnane (Niang), Diawdine Mboul, reçu le 11 février 1874.

[2] Ans, 13G 258, Cayor, Documents 169, 177, Lat Dior à Gouverneur, le 6 octobre 1874.

[3] Ans, 13G 258, Cayor, Documents 198, Lettre de Lat Dior à Gouverneur, le 9 octobre 1874.

[4] Ans, 13G 258, Cayor, Documents 192 et 193, Lettres de Serigne Louga et Serigne M’Pal, décembre 1874.

[5] Cité in Dieng 1990 : 424. [Trad. de l’Anglais, ndt].

[6] Il s’agit d’un titre, couramment porté par un esclave royal en charge de la maison du roi. Il s’agissait seulement de l’un des titres portés par Demba War Sall.

[7] Ans, 13G 258, Cayor, Document 23, Lettre de Madiakhate Cala, 1870.

[8] Fall Tanor Latsoukabé, Recueil sur la vie des Dammel, Bulletin de l’ifan, B, 36, 1974 : 133-134. [Traduit de l’Anglais, ndt].

 

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