Les tentes des forgerons dans un campement maure sont derrière celles des esclaves…

Tout est dit… Ce soir pour me changer les idées comme thérapie après le coup sordide de notre ministère des affaires étrangères que même Israël ne pratique pas face à quiconque a une goutte de sang juif, je me suis mis à feuilleter un livre très charmant sur la Mauritanie d’hier. Un de ces livres écrits par des français qui ont été éblouis par la Mauritanie plurielle de l'époque et qui pour certains ne s’en sont jamais remis.

Un de ces livres qui donnent envie de venir chez nous, rencontrer les descendants de ces êtres humains admirables dont on voit ici et là les photos formidables où au milieu de rien, dans le dénuement le plus total ou du moins le juste nécessaire pour vivre dans un milieu hostile, on découvre au fil des pages la description de sociétés d’une complexité inouïe et d’une finesse splendide dans les rapports sociaux, avec un certain nombre de valeurs qui semblent celles d’un paradis perdu pour l’étranger venu de l'occident. 

En lisant, je reconnais bien là les nobles lignes de ma société ou du moins celle fantasmée avant d’ouvrir les yeux d’adulte sur ce qu’elle est malheureusement devenue. J’imagine avec terreur, ce qu’écriraient les mêmes voyageurs en visitant la Mauritanie d’aujourd’hui et en rencontrant cette élite, ce pouvoir et ce pauvre peuple entre ces mains-là. Les mains d’une génération qui a pris en pleine figure et l’occident et tous les courants qui ont agité le monde arabo-berbère entre les années 50 et la fin des années 70. Personne sauf eux ne peut réaliser ce que cela a dû être l'expérience traumatisante mais fabuleuse des jeunes et moins jeunes indigènes tout d'un coup jetés, pour faire leurs études, au coeur du tourbillon du monde moderne au sortir d'une éducation au milieu des siens dans les vastes espaces d'une civilisation  encore sans complexes au coeur des temps anciens.

Cette génération ou ces générations car on peut estimer que depuis l’impédance à nos jours, il s’agit de deux générations, sont des générations qui ont dû être psychologiquement très perturbées au retour de leurs expériences pour ceux qui ont pu aller à l’étranger  et même ceux qui ont vécu le choc des civilisations, du moins la rencontrerencontrehttp://cdncache1-a.akamaihd.net/items/it/img/arrow-10x10.png du monde premier ou second et le monde moderne, via les fantasmes de l’aigri resté sur place.

Il faudrait une longue étude et beaucoup de confidences de ces deux générations pour réaliser à quel point ces gens, qui ont ensuite eu dans les mains le sort du pays notamment des peuples restés massivement dans l’ignorance et la précarité, ont été des gens habités par un chaos intérieur dû au choc des cultures car il a bien fallu lire, se cultiver, réfléchir et tout cela a dû complètement déstabiliser ces gens-là mais comme la société mauritanienne primitive, au sens noble du terme, permet à base d’un certain nombre de codes de préserver les apparences, cette élite a pu  passer tout ce temps à mystifier des pauvres gens, à se déchirer entre intellectuels à base de courants qui agitaient le monde et qu’ils ont ramenés chez eux comme on rapporte une maladie, un virus, une grippe intellectuelle sans que personne ne s’en rende compte sauf certainement le colon qui regardait ces gens-là comme eux-mêmes regardaient leurs gens…

Toujours est-il que ce sont ces deux générations de borgnes gonflés à bloc, gavés tout d'un coup d'une modernité intellectuelle qu'ils ne pouvaient digérer sans troubles psychologiques comme n'importe qui faisant un voyage dans le temps, ce sont ces générations perturbées qui, consciemment ou non, ont mis la Mauritanie non seulement à genoux mais laissé un pays dans le même état chaotique que leur esprit en ayant les commandes du pays au retour du traumatisme. La situation du pays actuellement ressemble à l’exacte projection de la vie intellectuelle de cette élite  au point que le pays est devenu aussi amorphe que ces deux générations au fil de l’âge.

Tout ça pour dire combien ce soir en lisant ce livre, en voyant ces photos et en pensant au pays dans lequel je vis, un pays qui a tout d’un état psychotique dans sa façon de gérer le réel. De là des haines à n’en pas finir, une unité nationale toujours prête à exploser, un mal-être par rapport au retard et à la condition de prisonnier d’un pays devenu misérable, la survie partout, la division, la haine de l’autre, l’impuissance politique, le fanatisme religieux, la méchanceté du pouvoir qui s’attaque aux enfants comme des barbares, tout le contraire de ce que je lis comme s’il ne restait plus rien de ce que les mauritaniens furent et ont eu de formidables dignes d’être racontés ainsi par des étrangers.

Passons.

En lisant ce livre « Mauritanien Terre des Hommes » publié par l’Institut du Monde Arabe, Musée d’Aquitaine et la ville de Bordeaux, mai 1993, avec une remarquable collaboration d’autres musées, j’ai découvert à Ouadane en 1957, autant dire hier, l’exemple typique d’un campement maure en l’occurrence Régueibat. Et là, on découvre 3 rangées de tentes, photo et schéma à l’appui, où les tentes des forgerons sont placées derrière tout à savoir derrière celles des esclaves qui sont juste derrière la longue ligne des autres tentes avec au centre celle du chef avec devant le bétail et de chaque côté celles de ses enfants puis de part et d’autre plus loin celles des parents plus éloignés puis enfin celles des « clients et dépendants »

Les forgerons sans lesquels tout ce beau monde n’aurait ni armes, ni ustensiles de cuisine, ni instruments de musique, ces forgerons, le génie créatif du clan, ingénieurs dans mille domaines, musiciens sont placés derrière là-bas derrière les esclaves.

Voilà qui explique le bond national de l’élite quand le jeune forgeron a osé s’en prendre aux zouayas… Aziz a bien raison de dire que le jeune ne savait pas la portée de son acte…
 

 

 
 
 
 
 
 
 

Vlane A.O.S.A.

 

Source : Chez Vlane  le 12 avril 2014

 

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