DJIBY DIAKHATE, SOCIOLOGUE : «La sonnerie constitue un masque»

Pourquoi avoir besoin de payer une sonnerie alors que les portables en ont déjà?

Djiby DIAKHATE : Au fond, il y a ce qu’on appelle le double jeu de la personne. La personn, elle est ce qu’elle est, mais elle veut aussi revendiquer une certaine image au niveau de la communauté. Elle joue à être un personnage. Elle joue parfois à être ce qu’elle n’est pas.

 

C’est ce qui fait que lorsqu’une personne veut être perçue comme quelqu’un qui est attachée à la religion, elle va mettre des sonneries qui invoquent la religion, comme certains versets du Coran, ou des chants religieux.

Ces chants ou versets sont utilisés pour donner l’impression qu’on répond à une certaine image. La personne cherche à se faire une image que les autres vont finalement accepter en se disant que : «Il est tellement attaché à une image que même au niveau de son téléphone, c’est ce type de sonneries que vous verrez». Une autre personne peut se dire qu’elle a besoin d’avoir de la musique, mais, ce ne sera pas n’importe laquelle, car elle a besoin de montrer qu’elle est branchée au contexte actuel et moderne. Alors, à partir de ce moment-là, vous aller avoir une frange de la population, notamment les jeunes des cadres urbains qui mettent du rap, ou d’autres types de musiques qui montrent que c’est une jeunesse, et que c’est une jeunesse plus ou moins attachée et intégrée à la modernité.

Les sonneries peuvent-elles constituer un reflet de la personnalité ?

Là, c’est plus compliqué. Car il est courant de voir une personne qui a deux sonneries différentes. Une sonnerie musicale et une autre religieuse. Cela signifie que vous avez une personne qui, dans un certain milieu, répond bien à l’image du croyant, de l’adepte, de quelqu’un qui est très attaché à la religion. Donc, cette puce et cette sonnerie, essentiellement destinées à un cadre religieux, vont répondre à des exigences religieuses. Mais, cette même personne peut se retrouver dans d’autre cadre, comme les boîtes. Elle y est avec des jeunes, elle va montrer qu’elle n’est pas en déphasage avec le milieu. Ce qui fait qu’elle va utiliser une autre sonnerie musicale. En conséquence, on retrouve chez la même personne deux images complètement opposées. Mais, il arrive que ces personnes assument ces images. Cela fait toute la complexité de la personne qui peut présenter des images différentes, des profils différents qui peuvent répondre à des cadres de conduite totalement différents. Ce qui fait qu’il y a intérêt à voir qu’à travers les jeux de la sonnerie, il y a tout le jeu de la conduite de l’acteur qui répond un peu à la comédie sociale. La personne est autrement plus complexe. La sonnerie nous donne peut être une facette, mais il y a autre chose de plus important qui est au plus profond de la personne, et que la personne peut chercher à cacher à travers la sonnerie. L’individu peut mettre une sonnerie religieuse, alors que son profil n’a rien à voir avec la religion. Donc nous avons ici le jeu de la simulation et de la dissimulation. Donc la sonnerie constitue véritablement un masque.

Quelle est la place du téléphone dans la société sénégalaise ?

Aujourd’hui, on en est arrivé à une situation où le téléphone fait partie intégrante de la culture sénégalaise. Aujourd’hui, les gens s’identifient plus par leurs numéros de téléphone, que par leur nom propre. Le téléphone nous identifie, par le numéro, par la marque, mais aussi par le prix. Nous travaillons dans le sens d’avoir un téléphone dernier modèle ou le plus cher avec beaucoup d’applications. Non pas par ce que nous avons besoin de ces applications mais parce que cela nous permet de satisfaire un besoin d’estime.

Source : Wal Fadjri (Sénégal)

 

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