Les acquis de la Mauritanie sur le plan intérieur et son rayonnement extérieur dans l’ espace sous-régional, continental et international avec sa présidence de la conférence des chefs d’Etat de l’OMVS, de l’Union Africaine, du G5-Sahel et du Sommet Union Européenne-Afrique, sont autant d’atouts, que de contraintes devant la présidentielle prévue la mi-juin 2014.
Atouts pour le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz par rapport à ses challengers, mais contraintes, aussi, si la présidentielle devait intervenir sur fond de crise de confiance avec l’opposition, après les élections législatives et municipales de novembre 2013 boycottées par celle-ci. De part son statut de président de l’Union Africaine, Ould Abdel Aziz qui est appelé à régler les crises de tout un Continent, se doit de le faire chez lui?
La crise persiste en effet, malgré la relance d’un processus de concertations entamé en février par le Premier ministre Dr Moulaye Ould Mohamed Leghdaf et le dialogue qui devait le suivre début avril 2014 et qui semble avoir échoué en raison des maladresses du représentant du pouvoir, qui a pourtant tout à gagner, d’une élection inclusive et rien à perdre de celle-ci.
L’opposition qui a intégré le nouveau Front National de la Démocratie et de l’Unité (FNDU) comprenant une coalition de partis, de syndicats, d’organisations de la société civiles (OSC) et des personnalités , estime que le pouvoir refuse de se faire représenter à ce dialogue (auquel il a appelé) par des responsables fondés de pouvoir et a fixé des lignes rouges à celui-ci, notamment, son rejet du gouvernement de consensus prôné par le FNDU et de tout report de la date du scrutin . Un report non encore réclamé officiellement par le FNDU mais d’autant plus plausible car il ne sera pas le premier (tout comme le gouvernement de consensus) après le report de la présidentielle du 6/6 et les multiples reports des scrutins qui étaient prévus en 2011. Les représentants du FNDU se sont abstenus dans un premier temps de venir puis se sont retirés ensuite des rencontres organisées les 1 et 2 avril au palais des congrès de Nouakchott.
Trois défis majeurs planent désormais sur la présidentielle de 2014 : la participation de l’opposition, la crédibilité du scrutin, la nature des candidatures et les orientations de l’électorat qui malgré 60% de non inscrits sur la liste électorale de novembre a démontré une forte autonomie au 1er tour des élections locales et pourrait surprendre les candidats.
Participation
64 partis sur les 80 autorisés en Mauritanie ont participé aux élections de novembre mais une cinquantaine parmi eux, notamment les «partis- cartables» ne sont pas parvenus à faire élire un conseiller municipal. Leur participation à la présidentielle en vue, ne peut donc être d’un quelconque intérêt.
Les quarteron des partis de l’opposition dite modérée vis à vis du pouvoir (Tawassoul, App, Wiam, Ajd/mr) qui ont participé aux législatives et municipales ont obtenu seulement 37 députés et 42 municipalités alors que la majorité politique (une dizaine de partis) qui soutient le président Mohamed Ould Abdel Aziz a remporté 110 sièges sur les 147 de l’Assemblée Nationale et 176 des 218 conseils municipaux du pays . Le quarteron a fortement contesté les résultats des scrutins et certains de ses membres ont demandé la dissolution de le Commission électorale (CENI). Leur participation au scrutin présidentiel pourrait être compromise avec le maintien de la CENI sauf accord avec le pouvoir sur d’autres contreparties, comme la nomination du Président de l’Alliance populaire progressiste (APP) au poste de président du fantomatique Conseil Economique et Social.
L’enjeu réside évidement, dans la participation des 10 partis de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) dont les partis RFD, UFP, HATEM, CDN ont boycotté les dernières législatives et municipales arguant l’absence d’accord sur un agenda électoral consensuel et des garanties de transparence.
Des exigences maintenant réclamées par une coalition de partis (MPR-ADIL-RD), le parti Tawassoul, des syndicats, des OSC et des personnalités indépendantes regroupés au sein du FNDU présidé par l’ancien colonel Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine, ex-président d’une CENI jugée exemplaire lors de la transition militaire de 2005 et 2007.
Le simulacre de dialogue lancé il y a quelques jours avait donc très peu de chances de réussir mêm si le pouvoir affirme qu’il s’agissait seulement d’une séance préliminaire.
L’ agenda électoral est en effet très serré pour la présidentielle. La révision des listes électorales a déjà été engagée, la convocation du collège électoral est prévue au plus tard le 21 avril prochain et le premier tour doit être constitutionnellement organisé le 21 juin.
Plus de place donc aux palabres, surtout s’ils vont aborder la supervision politique du scrutin par un gouvernement de consensus dont la première mission sera de chercher un président de conseil constitutionnel réellement indépendant parce qu’il sera le premier concerné par la supervision de la présidentielle, et la mise en place d’une CENI plus robuste, qui pourrait proposer un report , à charge au gouvernement, de voir comment le faire : par referendum ou par congrès parlementaire.
Et parcequ’un tel cas de figue est à écarter, il y a de fortes chances que la situation reste telle qu’elle est. Le FNDU descendra dans la rue le 9 avril pour expliquer ses positions, faire pression et le pouvoir réagira en proposant un accord sur la CENI, le conseil constitutionnel, un observatoire des élections, un audit du fichier électoral et peut être même un gouvernement de consensus pour 2 mois.
Une offre déstabilisatrice qui sera rejetée par les faucons du FNDU et acceptée par une partie de celui-ci ouvrant la voie à l’organisation d’une élection boycottée seulement par quelques composantes du FNDU qui justifieront une nouvelle fois, le radicalisme qui leur est prêté.
Les sensibilités du FNDU qui participeront à la présidentielle de juin dont certaines ont déjà soutenu un putsch militaire et ne s’offusqueraient guère de soutenir un sympathique putsch électoral, évolueront vers un partenariat avec le pouvoir semblable à celui instauré avec les partis de l’opposition dite modérée depuis qu’ils ont délaissé le navire de la COD, en 2011.
Crédibilité
Le premier défi pour la CENI après celui de continuer à exister dans sa forme actuelle, est de rendre la nouvelle liste électorale inclusive et d’éviter les micmacs du dernier scrutin avec du matériel électoral déficient, un personnel de bureaux de vote crédule, une centralisation artisanale, une proclamation des résultats tâtonnante, une politique de com hésitante avec une démission face aux rumeurs et une faiblesse patente devant les abus et irrégularités .
La CENI actuelle qui a incontestablement amélioré son travail au deuxième tour du scrutin de novembre pourrait bien relever ces défis, si elle est maintenue, mais elle doit faire place aux potentiels dissidents du FNDU qui viendront apporter leur touche.
Un plaidoyer plus fort en vue d’ une observation internationale de qualité est également indispensable. Enfin, la CENI doit décider de la tenue d’une élection sénatoriale car notre parlement actuel est à demi-périmé. Des sénateurs élus en 2006, sont toujours en place : un scandale !
Electeurs et candidats
Plus de 1,7 millions de Mauritaniens n’ont pas voté dans élections de novembre2013 qui ont engagé seulement un peu moins de 900. 000 électeurs. 500.000 mauritaniens ont été recensés mais n’ont pas retiré leur carte nationale d’identité(CNI), 500.000 ont retiré leur CNI mais ne sont pas inscrits sur la liste électorale et 500.000 ne s’étaient même pas fait recenser sur le registre des populations et des titres sécurisés.
A ceci il faut ajouter les 25% d’inscrits sur la liste électorale de novembre, qui n’ont pas exprimé leurs suffrages par boycott, ou par paresse.
A présent les électeurs seront appelés à se prononcer face à plusieurs candidats.
En plus de Mohamed Ould Abdel Aziz candidat à sa propre succession, quatre candidatures sont déjà certaines : Messaoud Ould Boulkheir (App), Boidiel Ould Houmeid (Wiam, ) Biram Ould Dah (IRA) , Sarr Ibrahima Mokhtar (Ajd/mr).
Des candidatures farfelues ont également été annoncées, mais elles ne méritent même pas d’être citées parce que le processus entretenu visant la clochardisation de la scène politique, doit bien cesser.
Des observateurs évoquent cependant les candidatures de deux anciens hauts fonctionnaires internationaux : Mohamed Salem Ould Merzoug et Ahmedou Ould Abdellah dont l’un sera vraisemblablement le candidat de la dissidence (très) attendue du FNDU.
Et dans tous les cas, le président Ould Abdel Aziz est quasiment assuré de passer au 1er tour de la présidentielle grâce à son bilan et aux capacités de sa machine politique bien rodée, même s’il aura de sérieuses difficultés dans les grands centres urbains comme ce fut le cas lors des consultations de novembre où son groupe de partis a peiné, avant de s’affirmer au deuxième tour.
L’autonomie de l’électorat urbain et la dissidence des électeurs traditionnellement craintifs vis-à-vis du Makhzen, ont été parmi les principales donnes des derniers scrutins.
Et au stade actuel, seule une improbable candidature unique du FNDU qui mettra à l’avant Ahmed Ould Daddah, conjuguée à une reforme dans la supervision de l’élection et aux effets d’autres candidatures, pourrait inquiéter quelque part. Autant dire, que ce n’est pas pour demain.
IOMS
Source : Journal Tahalil