Le 44e sommet ordinaire des chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO qui s’est tenu les 28 et 29 mars 2014 à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, a été une occasion pour les dirigeants ouest-africains de passer en revue les grandes réalisations de l’institution. Il leur a surtout permis de se pencher sur certains grands projets, notamment l’intégration entre les Etats et les peuples.
Le sommet de Yamoussoukro a été un cadre idéal pour le président de la Commission de la CEDEAO, Kadré Désiré Ouédraogo, de saluer les progrès réalisés par la CEDEAO. Après avoir rendu hommage au père de la nation ivoirienne, Houphouët Boigny, ardent militant de la paix, il a qualifié 2013 d’année de la victoire de la CEDEAO sur les forces du terrorisme, de la criminalité et de l’obscurantisme, ainsi que sur les démons de la division et de la déstabilisation. Aussi a-t-il salué la bravoure des soldats de la CEDEAO, des autres forces et l’appui des partenaires qui ont permis de conjurer le péril qui, au-delà du Mali, menaçait toute la sous-région.
Des défis
Tout en saluant les progrès accomplis par son institution, M. Ouédraogo s’est préoccupé des échéances électorales en 2015 en Afrique de l’Ouest. Pour lui, les élections prévues en 2015, notamment au Nigéria, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Togo, doivent être l’occasion de prouver, une fois de plus, l’engagement des Etats- membres pour l’enracinement de la culture démocratique. A quelques mois de ces échéances capitales pour la stabilité et la paix régionales, il est impérieux, a interpelé le Burkinabè, de veiller scrupuleusement au respect des principes du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Sa préoccupation a été partagée par le représentant spécial de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Said Djinit, qui a invité les forces militaires de la Guinée Bissau à s’abstenir de toute ingérence dans le processus électoral. Ce dernier, ainsi que le représentant de la Présidente de l’Union africaine, Pierre Buyoya, chef de la Mission de l’Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), ont reconnu les avancées notables réalisées par l’organisation sous-régionale. Ils ont tous deux réaffirmé l’engagement de leurs institutions respectives, à collaborer avec la CEDEAO et à soutenir ses actions et initiatives de paix dans la région ouest-africaine, en l’occurrence le Sahel. Mais en plus de ces défis sécuritaires et de paix, il y a d’autres défis non moins importants à relever par la CEDEAO. Parmi eux, l’intégration entre les Etats, les peuples et le renforcement du tissu économique ouest africain, a indiqué le président de la Commission de la CEDEAO, Kadré Désiré Ouédraogo. Pour le Burkinabè, en dépit des projections qui font de l’Afrique de l’Ouest l’une des régions les plus performantes du continent, les taux de croissance restent en deçà du minimum requis pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Cette situation, a-t-il noté, oblige les dirigeants à repenser de façon durable, l’articulation de la stratégie de développement et d’intégration autour de la transformation structurelle des économies, la revalorisation du capital humain et la consolidation de la paix et de la sécurité.
Ce 44e sommet de la CEDEAO a permis au Président sortant de l’institution, Alassane Ouattara, de faire le bilan de ses deux mandats.
Du haut de la tribune, le Président Ouattara s’est réjoui de la forte présence des chefs d’Etats à ce 44e sommet dont l’ouverture a eu lieu à la Fondation Houphouët Boigny. « Tous les Etats, sauf un (Ndlr : le Togo), sont représentés au haut niveau », a-t-il déclaré, avant de souligner le caractère spécial de ce sommet qui a marqué la fin de son mandat et lui a offert l’opportunité de faire le bilan.
Des avancées notables
Il a noté avec satisfaction des avancées notables réalisées au cours des deux dernières années. Sur le plan politique, il a relevé la tenue de l’élection présidentielle au Mali qui a consacré une transition réussie dans ce pays. La CEDEAO, a-t-il ajouté, avec le soutien de la communauté internationale, est en passe de rétablir la normalité constitutionnelle en Guinée Bissau avec la tenue, le 13 avril prochain, des élections législatives et présidentielle. Sur le chapitre économique, ADO dira que des progrès ont été enregistrés, dont les plus significatifs sont l’adoption d’un tarif extérieur commun, les progrès en matière de politique macroéconomique et de convergence institutionnelle en Afrique de l’Ouest, qui, a-t-il dit, permettront à la communauté de réaliser ses objectifs d’ici à 2020. Dans le domaine des infrastructures, le Président sortant de la CEDEAO a relevé la réalisation, dans les plus brefs délais, du projet de la boucle ferroviaire Abidjan-Ouagadougou-Niamey-Accra-Lomé-Cotonou, dont l’aboutissement contribuera au renforcement des échanges intra-communautaires. S’agissant des réformes institutionnelles, ADO a cité l’extension de la Commission à 15 membres. Pour le Président ivoirien, au regard de toutes ces avancées, la vision 2020 de la CEDEAO, adoptée en 2007 par la Conférence, pour passer de la CEDEAO des Etats à la CEDEAO des peuples, est en train de devenir une réalité palpable. Nonobstant ces progrès, le Président Ouattara a signifié à ses pairs que l’espace communautaire devrait encore faire face à des défis dont la criminalité transnationale, la cyber-criminalité, le terrorisme et la piraterie maritime. L’activisme de Boko Haram et ses destructions, a-t-il souligné, imposent aux têtes couronnées de la sous-région une vigilance et une solidarité plus accrues face à ces nouvelles menaces qui risquent de compromettre les efforts de développement. Mais il est convaincu qu’avec la mutualisation des efforts, les dirigeants parviendront à garantir à l’espace communautaire un environnement de paix et de sécurité durable. Avant de déclarer ouvert le sommet, le Président ivoirien a félicité ses pairs et les partenaires de la CEDEAO pour les efforts déployés par chacun, permettant ainsi d’engranger de réels progrès.
ENCADRE 1
Le Président Blaise Compaoré pour l’accélération du processus d’intégration
Arrivé à Yamoussoukro dans la soirée du 27 mars 2014, pour prendre part au 44e sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, Blaise Compaoré a situé brièvement les hommes de médias sur la mission que ses pairs lui ont confiée et les grands enjeux de la rencontre.
« Je dois dire que nous sommes là, à l’invitation de notre frère Alassane Ouattara, pour continuer l’œuvre d’intégration entre nos Etats, nos peuples. Il est certain que nous avons des sujets majeurs qui sont en relation avec les progrès économiques que nous voulons réaliser pour nos populations. Et cela passe bien par une œuvre d’intégration pour nos économies à l’intérieur de notre espace, mais aussi une ouverture pour préserver à la fois nos intérêts et nous donner davantage de possibilités pour entrer dans la compétition mondiale. Ce qui poussera à réfléchir à un haut niveau pour trouver les pistes qui vont nous permettre de suivre cet élan d’intégration. Il sera aussi question, pour ce qui nous concerne, de présenter un rapport sur la mission qui m’avait été confiée, à savoir comment organiser dans notre espace sous-régional une meilleure fluidité des marchandises et des populations. Cela, pour conforter les capacités de nos économies. Mais, je ne doute pas que tout cela doit nous conduire aussi à imaginer qu’il faut encore réfléchir pour consolider la paix et la stabilité dans notre région ouest-africaine. Il nous faut aujourd’hui aller avec beaucoup de force et de réalisme vers les grands objectifs de l’intégration. »
ENCADRE 2
MEDIATION AU MALI
La CEDEAO renouvelle sa confiance à Blaise Compaoré
Au terme des travaux du 44e sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement, nous avons échangé avec le président de la Commission de la CEDEAO, Kadré Désiré Ouédraogo, afin d’en savoir plus sur certains sujets débattus au cours du sommet.
« Le pays » : Quels sont les grands points abordés et les conclusions auxquelles le sommet est parvenu ?
Kadré Désiré Ouédraogo : Pour ce qui concerne ce sommet, il s’agissait de réaliser des avancées dans la mise en application de protocoles et actes de la communauté sur les chantiers importants tels que la libre circulation, les infrastructures, la monnaie et les APE. La conférence s’est penchée également sur les leçons tirées de la crise au Mali et en Guinée Bissau, et des mesures de renforcement de notre capacité de réaction rapide face à des crises futures. Il s’agit de renforcer notre système d’alerte précoce. Cela a fait l’objet de recommandations. Il faut également renforcer la force en attente de la CEDEAO et changer la philosophie de cette force qui, jusqu’à présent, était une force de maintien de la paix. Mais on a vu qu’avec la montée du terrorisme et de la criminalité, il faut que cette force soit préparée pour des actions offensives. Donc, ce sont toutes ces dispositions qui ont été corrigées et renforcées pour que nous puissions être à même, à l’avenir, de réagir de façon beaucoup plus efficace.
Qu’est-ce qui a été arrêté par rapport aux APE ?
Les ministres, aussi bien que les chefs d’Etat, se sont réjouis du compromis trouvé avec l’Union européenne pour les accords de partenariat économique. Il se trouve que certains pays, notamment le Nigéria, ont soulevé des questions techniques de dernière minute, si bien que les chefs d’Etat ont voulu prendre en compte toutes les préoccupations et ont demandé donc aux négociateurs en chefs, dans un délai de deux mois, de s’asseoir avec ceux qui ont émis quelques réserves techniques pour lever toutes les questions techniques avant la signature des APE, donc le Conseil des ministres et les négociateurs en chefs vont s’atteler à respecter cette instruction dans un délai de deux mois.
Avec les taux qui ont été arrêtés, les populations s’inquiètent de l’application du tarif extérieur commun de la CEDEAO. Que leur direz-vous ?
Les chefs d’Etat n’ont pas modifié leur décision de Dakar qui est d’approuver le tarif extérieur commun de la CEDEAO. Ce tarif entrera en vigueur en janvier 2015. Il faut noter que le tarif extérieur commun est constitué de 5 bandes tarifaires. Il y a des produits à 0% de taxe de douane, des produits à 5%, des produits à 10%, des produits à 20% et des produits à 35% de droit de douane. C’est-à dire que les produits les plus sensibles sont naturellement classés dans la dernière catégorie. Mais le tarif extérieur commun de la CEDEAO est fait de telle sorte que les populations puissent bénéficier des prix réduits des produits importés pour lesquels on a baissé les droits de douane ; il s’agit des produits essentiels pour que les consommateurs puissent les avoir à moindre coût. Evidemment, dans les tarifs élevés, il s’agit de protéger nos produits industriels et particulièrement nos produits agricoles. C’est la raison pour laquelle certains taux sont à 35% que nous appelons la 5e bande destinée à protéger les produits sensibles. Donc, il n’y pas d’inquiétude à se faire. Le tarif extérieur commun est conçu comme un instrument de politique commerciale d’abord, et ensuite un instrument de recettes fiscales parce que les produits qui apportent des recettes fiscales sont classés à des tarifs appropriés. Maintenant, les produits dont les populations ont besoin, on a essayé de réduire leurs tarifs pour les rendre accessibles.
On constate que l’Algérie et le Maroc veulent conduire la médiation au Mali. Quelle est la position de la CEDEAO sur ce sujet ?
La CEDEAO considère que la transition au Mali est achevée. Dès lors que le pays dispose d’autorités légitimes élues démocratiquement, il appartient à ces autorités d’engager toutes les actions devant mener à la paix et à la réconciliation nationale. Bien sûr, la CEDEAO est là pour leur apporter son soutien aussi bien que d’autres intervenants auxquels ce pays pourra faire appel. La position de la CEDEAO, c’est d’être toujours aux côtés du Mali pour l’aider dans le dialogue national. La conférence a renouvelé sa confiance au Président Blaise Compaoré et l’a remercié pour toutes les actions qu’il a entreprises pour la résolution de cette crise malienne. Et la CEDEAO demeure aux côtés des autorités maliennes pour les assister dans toutes les questions pour lesquelles elles pourraient avoir besoin de l’aide de la CEDEAO.
Propos recueilli par DZ
ENCADRE 3
VU ET ENTENDU A YAMOUSSOUKRO
* De hautes personnalités debout faute de place
La salle dans laquelle a eu lieu la cérémonie d’ouverture du 44e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO n’a pas pu contenir les nombreux invités. Conséquence : de hautes personnalités de certains pays sont restées débout. Pour les organisateurs, cette situation est due au fait que certains ont pris la place d’autres invités, réduisant ainsi le nombre de places réservées aux différentes délégations. « On a dit 6+1, il faut respecter les consignes », a signifié un membre du protocole à une autorité malienne qui a refusé de céder sa place à une autre personne. En tout cas, les organisateurs n’ont pas eu la tâche facile. Certains d’entre eux étaient obligés de négocier avec des journalistes pour qu’ils cèdent leurs places à des ministres restés debout. Mais au lieu de la négociation, des organisateurs zélés ont menacé de faire lever les journalistes de leurs sièges manu militari. « Je vais faire venir la sécurité », a lancé une dame aux journalistes. Mais jusqu’à la fin de la cérémonie, aucun élément de la sécurité n’a essayé de vider un journaliste par la force.
* Quand des chaussures empêchent des hôtesses de marcher
Les grands événements ont toujours mobilisé des hôtesses, et ce 44e sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO n’a pas fait l’exception. Bien au contraire, le nombre d’hôtesses mobilisées était important. Mais certaines d’entre elles avaient des difficultés pour marcher à cause des chaussures à hauts talons qu’elles avaient portées. C’est vrai qu’une hôtesse doit être coquette, mais a-t-on vraiment besoin de porter des chaussures avec lesquelles on ne peut pas marcher ? Si certaines ne sont pas tombées, elles ont trébuché à plusieurs reprises. Les organisateurs ont dû constater que des chaussures à hauts talons ont empêché bien des hôtesses de remplir convenablement leur tâche car, à la clôture du sommet, les hôtesses avaient abandonné les chaussures à hauts talons au profit de chaussures plates.
A événement exceptionnel, sécurité exceptionnelle
S’il y a une chose qui a attiré l’attention de plus d’une personne au 44e sommet des chefs d’Etat à Yamoussoukro, c’est bien la forte présence de la sécurité dans tous les carrefours de la ville. Toutes bien armées, elles étaient postées dans tous les coins et recoins de la Fondation Félix Houphouët- Boigny où s’est déroulé le sommet et à presque tous les 100 mètres des environs. C’est la preuve qu’on ne badine pas avec la sécurité de nos chefs d’Etat.
* Ils dorment avant l’ouverture du sommet
Si certains peuvent affirmer haut et fort avoir participé activement au sommet, d’autres ne peuvent en dire autant. En effet, avant même que la cérémonie d’ouverture ne débute, certains pionçaient. Ce qui a amené quelques organisateurs à se demander si ces gros dormeurs étaient venus pour assister au sommet ou profiter du cadre enchanteur pour se reposer. Toujours est-il que le lieu n’était pas indiqué. Encore moins le moment.
* Le Président du Faso fortement ovationné à l’aéroport de Yamoussoukro
C’est aux environs de 17h 20, dans la soirée du 27 mars, que l’avion présidentiel au bord duquel se trouvait le Président Compaoré s’est immobilisé sur le tarmac de l’aéroport international de Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire. Accueilli à sa descente d’avion par le Premier Ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan, Blaise Compaoré a été fortement acclamé par une forte délégation de la diaspora burkinabè vivant à Yamoussoukro. Vêtus de tee- shirts à l’effigie de leur idole, les jeunes ont loué les mérites et les talents du Président Compaoré, notamment ses talents de médiateur incontesté de la sous-région. Pour qui connaît ses efforts de paix en Côte d’Ivoire, c’est chose bien méritée.
Rassemblés à Yamoussoukro par DZ
Dabadi Zoumbara
Source : LePays (Burkina Faso)
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