Il s'en est fallu de peu. Une semaine avant l'arrivée, mardi 25 mars, de Barack Obama pour une visite « historique » à Bruxelles, la première depuis son arrivée à la Maison Blanche, les Etats-Unis n'avaient toujours pas d'ambassadeur auprès de l'Union européenne (UE). Heureusement, le 19 mars, Anthony Luzzatto Gardner a enfin pu tweeter son « plaisir de se mettre au travail à Bruxelles » après huit mois à attendre que le Sénat, qui n'aime rien tant que de faire traîner les nominations politiques, veuille bien approuver sa désignation.
L'absence d'ambassadeur pour une visite présidentielle n'aurait pas été une première. Quand François Hollande s'est rendu à Washington mi-février, l'administration Obama n'avait toujours pas désigné le remplaçant à Paris de Charles Rivkin, nommé au département d'Etat depuis des mois. Le poste n'est toujours pas pourvu.
Plusieurs noms circulent depuis un moment déjà. Celui d'Anna Wintour, la rédactrice en chef de Vogue USA, grand soutien financier de Barack Obama, a été définitivement écarté. Le candidat qui tient actuellement la corde, Marc Lasry, est un financier né au Maroc, qui a récolté plus de 500 000 dollars (360 000 euros) pour la campagne électorale 2012 du président. Il serait le premier manager de hedge fund à prendre rang d'ambassadeur.
Les Européens sont habitués à ce que leurs capitales soient attribuées par le président élu en remerciement de services de campagne. Mais cette année, quelques excès ont été relevés. Barack Obama, qui s'était prononcé par le passé contre « la diplomatie du carnet de chèques » (selon l'expression consacrée), s'est plié sans rechigner à la coutume.
TWEET PEU DIPLOMATIQUE
Selon l'association professionnelle des diplomates (American Foreign Service Association), 37 % de ses nominations au poste d'ambassadeur, depuis 2009, ont été attribuées à des non diplomates de carrière – et plus d'un sur deux depuis le début de son deuxième mandat. C'est moins que Ronald Reagan et Gerald Ford, mais plus que le seuil toléré chez les responsables politiques : 30 %.
Quelques-uns ne sont pas contestés. Le nouvel ambassadeur à Bruxelles, Tony Gardner, est certes classé par le New York Times parmi les 150 premiers collecteurs de fonds de campagne pour Obama mais personne n'a mis en cause ses compétences. Il a la double nationalité américaine et italienne, est diplômé de Harvard, Oxford et son père était lui-même ambassadeur. Caroline Kennedy, la fille de l'ancien président, a été triomphalement accueillie au Japon. Mais elle a rapidement déçu par un tweet peu diplomatique dénonçant la chasse annuelle au dauphin…
Plusieurs autres ont eu du mal à passer l'oral au Sénat. Le candidat pour Oslo, George Tsunis, PDG des hôtels Chartwell, a décrit comme marginal un parti figurant dans la coalition au pouvoir. Il ne s'est pas rattrapé lorsqu'il a mis un président à la tête de la monarchie norvégienne. La nominée pour la Hongrie, Colleen Bell (800 000 dollars levés pour Obama), une productrice de soap operas à la plastique hollywoodienne, a bafouillé à la recherche de ce qui pouvait bien constituer les intérêts américains en Hongrie. Robert Barber (1,6 million de dollars) a avoué qu'il ne connaissait absolument pas l'Islande. Et Noah Bryson Mamet qu'il n'avait jamais mis les pieds en Argentine. « J'ai beaucoup voyagé à travers le monde, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'aller en Argentine. »
L'humoriste Jon Stewart a expliqué que si le gouvernement choisit des néophytes, c'est pour « éviter de casser l'effet de surprise ».
Corine Lesnes (Washington, correspondante)
(Photo : Anthony Luzzato Gardner, le nouvel ambassadeur américain auprès de l'Union européenne. | US Government)
Source : Le Monde