C’est parti ! La campagne de la présidentielle 2014 est désormais sur les rails. Après Biram Ould Abeid, candidat déclaré, le Président en exercice, Mohamed Ould Abdel Aziz, à qui l’UPR a demandé, à deux reprises, de se déclarer candidat pour un second mandat, s’est lancé dans la course.
Les actes qu’il a posés, la semaine écoulée, ont fini de lever le coin du voile sur ses intentions. D’abord, sa rencontre avec quatre cents jeunes mauritaniens, triés sur le volet sans qu’on connaisse sur quels critères mais que Kane Hamidou Baba, président du MPR, a qualifiés de « fils à papa. »
Cette rencontre, assez pastiche de celle avec le peuple, était censée amener ces jeunes à plancher sur leurs préoccupations : leur présent mais, aussi et surtout, leur avenir. Thèmes abordés : l’éducation, la santé, les infrastructures, la lutte contre la gabegie, le chômage, la justice, la démocratie, l’islam, la culture… Des sujets chers au président de la République qui en a profité, lui, pour se targuer de performances inégalées en ce pays : résorption des créances nationales, réduction du chômage, passé, selon lui, de 31 à 10%, sortie de la Mauritanie des cinquante pays les plus pauvres du monde… Bref, la rencontre avec la jeunesse mauritanienne s’est résumée, pour le président de la République, à dresser un bilan exhaustif de son action à la tête du pays. Un bilan sur lequel il demandera à être jugé, lors de la prochaine présidentielle.
Quant aux jeunes, ils auront, au moins, contribué à la rédaction du programme de campagne du futur candidat, puisqu’il s’agissait, à en croire le Raïs, de « réfléchir sur l’avenir du pays ». On peut tout de même se demander si la présumée crème de la jeunesse que le président a choisi de rencontrer disposait de réelles capacités pour traiter, en deux jours, les thèmes proposés… Saluons, cependant, le courage de certains intervenants qui se sont osés à dire ce qui ne va pas. En cette occurrence, on citera le docteur Khaled Ould Boyé, chirurgien cardiovasculaire à l’hôpital national de cardiologie, qui a déploré le manque de moyens, pourtant simples et accessibles – moins de 50 millions – pour réaliser des opérations à cœur ouvert, épargnant, ainsi, de coûteuses évacuations en Tunisie ou au Maroc. Le potentiel humain existe, a-t-il précisé, en évoquant les quelque huit cents interventions à l’actif de son équipe. La seconde critique fut signée par une ressortissante de Maghama qui a déploré le déficit en tables-bancs dans les écoles, alors qu’un milliard d’ouguiyas a été débloqué, par l’Etat, pour les en équiper toutes ; les évacuations sanitaires quasiment systématiques, même pour des opérations mineures, sur Kaédi et Nouakchott ; et l’enclavement de Maghama, pourtant capitale départementale.
Et l’oratrice de rappeler les énormes difficultés des populations de la moughataa à se déplacer, pendant la saison des pluies. Mais la demoiselle a omis de fustiger la mollesse, pour ne pas dire l’enlisement, de l’enquête sur l’assassinat du jeune Lamine Mangane, lors des manifestations contre un recensement jugé « discriminatoire » par « Touche pas à Ma Nationalité ». De fait, pas plus l’impunité des forces de l’ordre et des criminels, à Nouakchott et dans certaines grandes villes du pays, que l’insécurité en progression fulgurante n’ont occupé les discussions de l’atelier sur les droits de l’homme et la démocratie…
Effets d’annonce et commerces pré-électoraux
L’annonce, par le président de la République, de la fondation d’un Haut conseil de la jeunesse a clôturé l’affaire. Espérons qu’il ne sera pas un énième élément de décor, une coquille vide, comme s’y attend l’opposition dont certains responsables ne manquent pas de s’étonner du subit intérêt présidentiel pour les jeunes. En dépit de l’engagement proclamé, depuis son accession au pouvoir, au renouvellement de la classe politique, le président de la République ne peut se prévaloir de gestes importants et significatifs envers eux, excepté la fondation du Sursaut pour la Jeunesse de la Nation et l’entrée de quelques jeunes au gouvernement et à l’Assemblée nationale. Le nouveau Haut conseil sera-t-il le prélude à la mise à la retraite politique de la vieille garde ?
Le deuxième acte concerne la visite du président au Trarza. Dans la moughataa de Keur Macène, il a supervisé le lancement d’un programme d’aménagement de 3260 hectares au profit de 425 exploitants, à Nkek, et de 680, à Tinyeder. Moment d’une vaste opération de charme engagée par le pouvoir, en direction des paysans qui ont vu, il y a quelques jours, l’effacement de leur dette. Mais, selon Kane Hamidou Baba, ce geste ne profite qu’à 10%, à peine, de véritables paysans, le reste revenant aux grands opérateurs économiques, car les petits paysans ne contractent pas de dettes auprès des banques ou du défunt Crédit agricole, remplacé, aujourd’hui, par la Caisse des Dépôts et de Développement (CDD). Louables, tous ces gestes n’en demeurent pas moins très connotés. A quelque deux mois de la présidentielle, l’opposition y a vu comme un approvisionnement mercantile du monde paysan. Un monde qui devra rendre la monnaie de la pièce, lors de l’élection… avant d’en payer la note, après ?
Dalay Lam
Source : Le Calame
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