Il totalise des milliers d’heures de vol aux commandes de divers types d’avions dont des Boeing semblables à celui de la Malaysia Airlines disparu depuis le 8 mars avec 239 passagers à bord. Dans cet entretien exclusif pour Kassataya, Brahim Ould Boihy, commandant de bord et pilote instructeur à Air France, évoque notamment diverses hypothèses qui pourraient expliquer la soudaine disparition de l’avion malaisien.
Le Boeing MH370 de la Malaysian Airlines a disparu depuis plusieurs jours et reste introuvable malgré les recherches combinées de plusieurs pays. Avant d'émettre des hypothèses sur ce qui aurait pu se passer, dites-nous d’abord quels sont les systèmes disponibles à bord d'un avion et qui permettent de le localiser ?
Il y en a plusieurs. Déjà, même sans un équipement particulier, un avion peut-être repéré par un radar dès lors qu'il est à la portée de celui-ci. Il y a également le transpondeur, grâce auquel le contrôleur aérien surveille sur son écran la vitesse, l’altitude et le positionnement géographique de l’avion à l’aide d’un numéro d’identification. L'ACARS [ndlr : Aircraft Communications Addressing and Reporting System], un autre système, permet lui aussi à l'avion de communiquer via le satellite avec le contrôleur ; il envoie aussi à la maintenance de la compagnie aérienne, si elle en dispose, des informations sur tous les équipements du vol, par exemple pour signaler une panne etc. Il y a également l'ADS qui, dès que l'avion est mis en route, envoie en permanence un signal qui permet au contrôleur de savoir où se trouve l'avion.
L'avion peut perdre la radio mais dans ce cas-là il y a un transpondeur spécifique qui émet et qui permet de comprendre le problème. Et s'il y a un détournement il y a un autre code qu'il peut afficher et ainsi on sait qu'il est sous le contrôle d'un pirate. Mais concernant le MH370, il n'y a apparemment rien de tout cela, il y a des incohérences et quel que soit le bout par lequel on prend cette affaire, elle reste un mystère. En effet il faut savoir que depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, toutes les portes des avions sont blindées, fermées par code, surveillées par caméra et que seul le commandant de bord contrôle. Donc il n'y a que l'équipage ou en tout cas quelqu'un qui se trouve dans le cockpit qui peut couper simultanément les outils de communication. Maintenant la question est pourquoi on les a coupés ? Car on n'en a pas besoin si on voulait faire exploser l'avion qui peut être précipité contre un immeuble, etc.
Mais est-ce qu'un pilote est capable d'éteindre tous ces systèmes que vous venez d'énumérer et de rendre l'appareil indétectable ?
Oui, absolument, on peut les éteindre et dès qu'on les coupe, ils n'émettent plus.
Et y a t-il une autre situation dans laquelle un avion peut échapper aux radars ?
Il devient par exemple difficilement détectable lorsqu'il fait du rase-mottes, autrement dit lorsqu'il vole très bas, à la hauteur du sol.
Pour ce qui est de l'appareil de la Malaysian Airlines quels sont, selon vous, les scénarios possibles de cette disparition ?
Ecoutez, il y a vraiment quelque chose d'invraisemblable avec cet avion. Il est pris en charge par un contrôleur aérien et normalement il y a des points de compte-rendu. Et lorsqu' on arrive à un point soit c'est l'ACARS qui envoie automatiquement des informations ou s'il est défaillant le pilote le fait en disant « je suis à tel endroit, je pars à tel autre endroit à telle heure, je suis à tel niveau, le prochain point c'est tel… ». Et si 30 mn après le point convenu, le contrôleur n'a reçu aucun signal, il déclenche normalement, une phase d’alerte, de détresse, etc.
Alors on peut émettre l'hypothèse d'une défaillance majeure, par exemple que l'appareil explose, se désintègre soudainement de telle sorte que l'équipage n'a pas le temps de réagir. Je n'exclue pas non plus l'éventualité d'un missile qui aurait touché l'appareil comme ce fut le cas d'un avion sud-coréen abattu par les soviétiques en 1983. Autre hypothèse encore, l'avion aurait pu se diriger vers une ville pour s'y écraser et faire des victimes. Et avant que cela n'arrive, les militaires peuvent bien faire décoller des chasseurs et le faire exploser en vol… Mais il resterait une autre question: celle des débris!
Le changement de trajectoire du MH370 dont parle l'enquête peut-il constituer un indice sur ce qui aurait pu se passer ? D’ailleurs dans quelles situations un avion est-il amené à changer de cap ?
Il peut y avoir plusieurs raisons mais un avion ne change pas de direction comme ça. Une panne de moteur ou autre peut survenir et l'équipage décide de revenir à son point de départ ou se rendre dans un autre endroit. Mais à ce moment-là il informe le contrôle aérien d’autant plus qu'il n'est pas seul dans l'espace et qu'il peut provoquer une collision avec un autre avion.
Selon les autorités malaisiennes, le dernier message émanant de l'avion a été envoyé par le copilote qui a dit simplement "bonne nuit". Est-ce un message énigmatique comme le pensent certains ?
Non, c'est quelque chose de courant, on a l'habitude de dire par exemple « bonjour », « au revoir » ou « good night » lorsqu'on passe d'un contrôle à un autre.
Et qu’en est-il du silence des passagers qui disposent notamment comme on peut l'imaginer de téléphones portables ? Par exemple lors des attentats du 11 septembre il y a eu des messages qui ont été envoyés avant la catastrophe mais là apparemment rien, pourquoi à votre avis ?
Ils peuvent avoir été surpris par une soudaine explosion de l'appareil. Autre explication, les messages ne passent pas s'il n'y a pas de relais ou de réseau internet disponible dans l'avion car toutes les compagnies ne sont pas au point dans ce domaine.
Propos recueillis par Ibrahima Athie pour www.kassataya.com
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