Tensions diplomatiques Maroc-Mauritanie: retour sur plusieurs années de bras de fer

Issu d’une tribu aux lointaines origines marocaines, Mohamed Ould Abdel Aziz penchera du côté de Rabat, estimaient de nombreux analystes lors de son avènement en 2008.

 

Mais depuis, le président mauritanien ne cesse d’affirmer son indépendance vis-à-vis de son puissant voisin. Retour sur quelques-uns des épisodes marquants de ce bras de fer.

Le ministre mauritanien des Affaires étrangères, Ahmed Ould Teguedi, a reçu en audience l’ambassadeur du Maroc en Mauritanie, Abderrahmane Benomar, lundi 10 mars, a annoncé l’agence officielle mauritanienne AMI. Cette rencontre intervient alors que plusieurs médias de la région pensaient déceler les prémices d’une nouvelle crise entre les deux pays, après le départ du chargé d’affaires à l’ambassade de Mauritanie à Rabat, Mohamed Ould Mekhalla, promu ambassadeur à Bamako. Son poste ne sera pas repourvu, signe d’un début de rupture diplomatique, prédisaient certains éditorialistes. L’information n’a pas été confirmée de source officielle.

Entre le Maroc et la Mauritanie, le bras de fer se joue bien souvent en coulisses, loin des regards indiscrets. Et les médias, à l’affut des moindres signaux de tension, sont contraints de décrypter les non-dits. Deux acteurs clés animent cette relation tumultueuse: le roi du Maroc et le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, formé à l’Académie royale militaire de Meknès et issu d’une tribu, les Ouled Bousbaâ, originaire des plateaux marocains situés au nord de l’Oued Noun. Le chef de l’Etat mauritanien a la délicate mission de préserver l’équilibre dans les relations entre ses deux puissants voisins, l’Algérie et le Maroc, en conflit sur le Sahara occidental. Mais ces dernières années, ce sont les passes d’arme avec le Royaume qui alimentent le plus souvent la chronique.

22 décembre 2011

L’expulsion du représentant local de la MAP, l’agence de presse officielle marocaine, pour «espionnage», jette un froid entre Nouakchott et Rabat. Le feu couvait depuis deux mois avec l’élection, en octobre 2011, du Maroc en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, au détriment de la candidature mauritanienne, soutenue par l’Union africaine.

24 décembre 2012

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz reçoit Mohamed Salem Ould Salek, le chef de la diplomatie du Polisario, l’ennemi juré du Maroc, alors qu’un ministre d’Etat marocain, Abdellah Baha, membre du parti islamiste PJD, assiste au congrès organisé par le parti «frère» Tawassoul à Nouakchott.

21-24 avril 2013

La septième session de la haute commission mixte maroco-mauritanienne doit sceller la réconciliation, sept ans après la précédente rencontre. Le premier ministre marocain Abdelilah Benkirane est reçu avec faste. L’accueil et les sourires de circonstance suggèrent une entente parfaite. Dans son élan, Abdelilah Benkirane propose de supprimer les visas entre le Maroc et la Mauritanie. «Il s’agit de la condition sine qua non pour une réelle coopération entre les deux pays», déclare-t-il devant des journalistes mauritaniens. Mais la proposition reste sans suite. Et à l’éclaircie succède rapidement l’orage.

14 Juillet 2013

De premières tensions apparaissent à la frontière entre le Maroc et la Mauritanie, à la hauteur de Nouadhibou. Une quarantaine de camions mauritaniens sont immobilisés devant le poste de douane. De nouvelles taxes leurs sont réclamées par l’administration marocaine. En incapacité de payer, les chauffeurs interpellent leur gouvernement, via la presse locale.

29 juillet 2013

La Mauritanie réduit de sept à cinq le nombre de vols hebdomadaires effectués par la Royal Air Maroc (RAM) vers Nouakchott. L’annonce est faite sans préavis par l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC) mauritanienne alors qu’un avion de la RAM, prêt à l’embarquement, s’apprêtait à décoller en direction de Nouakchott. Le vol est annulé et les passagers laissés en rade. Cette mesure, qui jette un nouveau froid entre Rabat et Nouakchott, est décidée au moment ou la compagnie aérienne nationale, Mauritania Airlines, montre quelques signes d’essoufflement. 

9 septembre 2013

En pleine canicule, la crise rejaillit à la frontière entre les deux pays. Une centaine de camions marocains remplis de légumes et autres denrées périssables sont immobilisés durant plusieurs jours au poste de douane de Nouadhibou. L’administration mauritanienne leur réclame de nouveaux documents d’identification et menace de leur faire payer une forte amende. Les nerfs sont à vifs.

18 septembre 2013

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz reçoit à nouveau Mohamed Salem Ould Salek, le chef de la diplomatie du Polisario, quelques heures avant de rejoindre Bamako pour l’investiture d’Ibrahim Boubacar Keita à laquelle assiste également Mohammed VI, l’invité d’honneur de cette cérémonie. Pour les Marocains, le message est clair.

12 janvier 2014

Réunis à Nouakchott, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et son homologue malien Ibrahim Boubacar Keita annoncent la création prochaine d’une nouvelle compagnie aérienne mixte pour le Mali, le Niger et la Mauritanie. Objectif annoncé : faire baisser les coûts du transport aérien dans les trois pays. Les deux chefs d’Etat ne l’évoquent pas publiquement, mais c’est bien la Royal Air Maroc qui est dans le viseur, avec sa position archi dominante en Afrique de l’ouest.

30 janvier 2014

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est élu à la présidence tournante de l’Union africaine lors du 22ème sommet de l’organisation panafricaine à Addis Abeba. Le Maroc n’assiste pas à cet événement. Le Royaume a claqué la porte de l’UA en 1984 pour protester contre l’adhésion de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Une délégation marocaine fait tout de même le déplacement pour promouvoir son plan d’autonomie du Sahara occidental. Mais elle n’a pas accès au siège de l’organisation et doit organiser ses rencontres bilatérales dans une salle de l’hôtel Sheraton où logent les délégations africaines. Ambiance…

31 janvier 2014

Le roi du Maroc est le premier chef d’Etat africain à recevoir en audience le leader du MNLA, Bilal Ag Acherif, et à médiatiser l’événement. La photo de la poignée de main fait le tour du web et des médias de la région. Le monarque se positionne en interlocuteur privilégié pour un règlement de la crise au Nord-Mali, estiment les analystes. Le président mauritanien, qui partage la même ambition, s’est fait voler la vedette. Mohamed Ould Abdel Aziz reçoit un Bilal Ag Acherif décidemment très courtisé un mois plus tard à Nouakchott.

18 février 2014

Le roi du Maroc est accueilli au Mali, première escale d’une tournée en Afrique de l’ouest. La Mauritanie n’a pas été mise à l’agenda du monarque, ce que ne manque pas de commenter les éditorialistes mauritaniens. Mohammed VI est en quête de soutien pour le plan marocain d’autonomie du Sahara occidental. Le dossier est sensible. Depuis plusieurs mois, l’Algérie veut inclure un mécanisme de surveillance des droits de l’homme dans la mission de la MINURSO au Sahara occidental. La question pourrait être évoquée le 30 avril prochain, lors du renouvellement du mandat des casques bleus. Tiraillé entre ses deux puissants voisins, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz s’en tient officiellement à une stricte neutralité sur ce dossier. Mais pour le Maroc autant que pour l’Algérie, sur cette question extrêmement sensible, la neutralité n’est pas permise et même le silence est soumis aux interprétations.

Source  :  Le Courrier du Sahara le 12/03/2014{jcomments on}

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