Profanation du Coran: le revirement du président ?

Dimanche dernier aux environs de vingt une heures, dans une mosquée de Tayarett (quartier de Nouakchott), entre deux à quatre exemplaires du Livre Saint, le Coran, ont été déchirés, et dont des feuilles ont été laissées  dans les toilettes. Rapportée par les médias, l’information allait circuler, par la suite, comme une traînée de poudre.

A une heure du matin, les premières réactions vont se faire entendre. Plusieurs manifestations populaires sillonnent les artères de la capitale. Toutes se dirigeaient, comme à l’accoutumée, vers présidence de la République. Les manifestants s’attendaient, sans doute, à une sortie du premier citoyen du pays. Dans des situations antérieures, toutes  pareilles, ou moins, l’autodafé du président de l’IRA, Biram Ould Dah Ould Abeïd, en avril 2012, de quelques œuvres du rite malékite,  l’article blasphématoire d’Ould Mkhaïtir, en décembre dernier, Mohamed Ould Abdel Aziz était là, à la porte du palais présidentiel, perché même quelquefois sur une tribune installée pour l’occasion, pour dire sa colère et promettre un châtiment des plus sévères aux auteurs desdits actes. 
« La Mauritanie est un Etat islamique qui préserve ses croyances sacrées et ne ménagera aucun effort pour les défendre avec tous les moyens. Par conséquent, elle n‘est pas un Etat laïc et ne doit pas l‘être », a déclaré Mohamed Ould Abdel Aziz, le samedi 28 avril 2012,  devant les manifestants qui exigeaient « une sanction sévère contre Biram, auteur d‘acte de profanation et d‘hérésie’’.
Sur l’affaire Ould Mkhaïtir, Ould Abdel Aziz ira même un peu plus loin, ‘‘Comme j‘ai eu à le préciser par le passé et le réaffirme aujourd‘hui, la Mauritanie n‘est pas laïque. L‘action que vous entreprenez aujourd‘hui est le minimum à faire pour protester contre ce crime contre notre religion sacrée et je vous assure en conséquence que le Gouvernement et moi-même ne ménagerons aucun effort pour protéger et défendre cette religion et ses symboles sacrés.’’ Cette manifestation jugée, par le président, comme ‘’le minimum à entreprendre par les manifestants pour protester contre un crime contre la religion sacrée.’’
Il y a certes, selon l’entendement présidentiel, un maximum permis. Serait les actes de vandalismes qui s’en suivront ? L’incinération des téléphones Samsung, la casse au niveau de certaines écoles plus tard ?

Réponse inattendue…

En tout cas, en réaction ou non réaction présidentielle, à la suite de l’acte profanateur du Livre Saint,  ce soir-là, les manifestants devaient se contenter d’un rendez-vous avec les  gaz lacrymogènes aux parages du palais  présidentiel. Finis donc, ce qui s’avère, aujourd’hui, en ces temps relativement récents, comme du populisme religieux. Qu’est-ce qui ou qui est celui qui a découragé les élans religieux du premier citoyen du pays ? Une question à laquelle on trouvera, peut-être, bien une réponse un jour. Un nouvel engagement tout Occidental ? Une peur toute Orientale ?
Le lundi, vers neuf heures, les manifestations vont continuer. La répression sécuritaire est encore au rendez-vous. La probabilité d’une sortie présidentielle n’était pas, en dépit de la répression, tout à fait écartée. La couleur de la position officielle sera donnée, en premier, par la Haute Autorité de Presse et d’Audiovisuel, la HAPA. Une première en tout cas. Lorsque le premier magistrat du pays était, dans les deux cas de blasphèmes précédents  en phase avec la colère populaire, la HAPA n’avait manifesté aucune réaction. La presse aussi bien publique que  privée n’avait, à l’époque, reçu aucune consigne particulière de la part de la Haute Autorité de Presse. L’intérêt national ressurgit de nouveau sur le communiqué de l’Autorité. ‘’La HAPA exhorte ainsi la presse audiovisuelle, écrite et électronique à s‘armer de professionnalisme dans le traitement des informations relatives à cet événement, d‘éviter les rumeurs et tout ce qui est de nature à exacerber la situation ou à favoriser les tensions.’’ Tout en faisant ‘’prévaloir le professionnalisme, l‘intérêt du pays et le sens de la responsabilité dans la couverture des événements’’ se rappelle-t-on à la HAPA.
En milieu de la journée du lundi, deux ministres montent au créneau. Le ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement et celui de l’Orientation Islamique et de l’Enseignement Originel, qui rappellent tous les deux l’intérêt porté par le président à l’Islam, l’édition d’un Coran, la télévision Mahdara, la radio coranique, la grande mosquée promise et des tas d’autres considérations. Toutefois, les deux ministres vont appeler à ‘’la retenue’’, et ‘’éviter d’instrumentaliser l’affaire’’ pour l’intérêt de l’islam et de la paix civile. Un revirement, en somme de la position préconisée jusqu’ici par le président de la République. Que certains critiquaient depuis quelque temps pour son instrumentalisation politique du religieux.
Et comme, il faut bien trouver un bouc émissaire, en attendant de mettre la main sur les véritables auteurs profanateurs, on convoque la vieille rengaine. ‘’Des mains invisibles, des personnes malintentionnées, qui auraient des desseins déstabilisateurs, qui essaient de récupérer et exploiter le sentiment religieux chez les populations naïves et honnêtes.’’
Et pour compléter le tableau, on fait sortir du frigo les anciens ulémas. Pour donner l’argumentaire religieux au nouvel revirement présidentiel. Le président avait, pourtant, bien l’intention de changer de classe des ulémas, à l’instar de celles des affaires et politiques. Mais, à chaque facétie ses canaux.
Déjà, un jeune a trouvé la mort, suite, dit-on, à une asphyxie due aux gaz lacrymogènes des forces antiémeutes. Serait-ce le maximum que le président laissait entendre au temps, où il se plaisait à surfer sur le sentiment religieux populaire ? Avant qu’on interdise l’instrumentalisation du religieux, devenue, alors, après l’affaire du Coran, un acte rédhibitoire ?
Qu’est-ce qui a changé chez le président de la République ? Ou qu’est-ce qui n’a pas changé ? Il y a, dans toutes ces affaires, une seule constante. L’inconstance du président de la République à avoir une politique claire et sans amalgame. La pauvre victime, le jeune de 25 printemps mort à la suite d’une répression musclée des forces de l’ordre de l’une des manifestations du  lundi dernier,  espérerait peut-être bien rencontrer le président de la République, l’entendre, l’encourager à continuer à protester. Encore et encore. C’est la conduite qu’a connue le défunt jusqu’à son dernier souffle chez son président. Aujourd’hui, le président n’est pas au rendez-vous. Le jeune est mort. A qui la faute ?

Abdelvetah Ould Mohamed

Source  :  Biladi le 06/03/2014{jcomments on}

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