Les autorités se félicitent régulièrement par la voix du président de la République, de la «citadelle imprenable» mauritanienne, sur le plan terroriste notamment. Et à juste titre. Mais au vu des développements récents des actualités du pays, il est à craindre que l'ennemi vienne de l'intérieur.
Entre la furie populaire aveugle suite à «l'affaire du forgeron», les sorties délinquantes de pseudo «protecteurs du nom du Prophète», et les propos outrés de leaders d'opinion après le tabassage de l'islamiste Ould Deddew, clairement, la Mauritanie n'a plus à tourner les yeux hors de ses frontières pour repérer les éventuelles forces déstabilisatrices menaçant sa paix sociale et sa sécurité.
La menace islamiste sahélienne est jusqu'à aujourd'hui bien contenue. Mais son idéologie prend insidieusement racine à l'intérieur du pays. La faute aux pétro-dollars wahhabites qui ont mis des œillères sur la séculaire tolérance et ouverture d'esprit de l'islam tel que pratiqué en Mauritanie publiquement ou discrètement, avec la perspective la plus «court-termiste» possible : c'est un blanc-seing donné à ces furias d'un autre âge ou d'autres lieux, lorsque le président de la République reçoit une foule manipulée et ignorante en leur jurant que justice serait faite envers le «blasphémateur».
Avec la bénédiction tacite du pouvoir, et d'une société religieuse en quête d'elle-même et qui abandonne progressivement la spiritualité nécessaire à la religion, au profit de dogmes et de pensées idéologiques, qui n'ont rien à voir avec une quelconque foi.
C'est ainsi que beaucoup d'imams ici sont le bras religieux du pouvoir en place. C'est ainsi qu'une réunion de jeunes hurluberlus manipulés par des délinquants et les islamistes, au nom du prophète, blessent des institutrices, saccagent des commerces ambulants, et troublent l'ordre public.
Avec cela, bientôt, comme au Pakistan, ou en Afghanistan, pour la moindre chiure de mouche un vendredi Saint, on s'entretuera dans les rues de Nouakchott, pour réclamer la mort de la pauvre mouche! En oubliant l'intention de la mouche, qui ne faisait que passer…
Démagogie et rigorisme
Avec l'esprit rigoriste que ce wahhabisme développe, et un discours de haine pure avant la réflexion et l'usage du cœur, un terrorisme intellectuel et de foi s'installe. Il touche aussi la classe politique, qui par lâcheté, ou opportunisme politique démagogique, accompagne ce mouvement. A quelques mois de l'élection présidentielle, c'est une vague sur laquelle Mohamed Ould Abdel Aziz a voulu dangereusement surfer, et à laquelle il a lui-même donné une puissance inédite, en ne séparant pas son pouvoir exécutif de celui judiciaire qui n'est pas son apanage.
«La liberté d'expression a des limites en terre d'Islam» disait-il succinctement pour justifier son intervention auprès de ladite foule manipulée. Certes, il y a le sacré intouchable dans certaines choses et certaines contrées. Et c'est bien ainsi.
Mais comme pour l'affaire de l'incinération des livres de rite malékite, comme pour celle du forgeron, on juge avant de connaître les faits exacts, et surtout et c'est là le danger pour cette société mauritanienne, on occulte tout débat qui met en exergue l'inégalité fondamentale des droits des citoyens, de facto, du fait de sa naissance, de sa classe sociale, ou de sa caste.
C'est dans marasme tu, que les rancœurs grandissent, que les incompréhensions se creusent, et que l'hypocrisie de nos oulémas, et de nos politiques dégoûte : Un "Khoutb" un weekend, un seul de nos imams, sur le crime sans mesure que représente la gabegie et la mal-gouvernance, qui prive 1 mauritanien sur 3 de manger à sa faim; une réaction, une seule du président de la République ou de tout chef de parti politique, du pouvoir ou de l'opposition, qui se mettrait en colère contre l'état de déliquescence avancée de cette société mauritanienne.
Une seule fois cela vu, on pourra se féliciter d'avancer même sur le chemin de la foi et de l'unité. Que les Oulémas réunissent les cœurs et les incitent à la bonté, et que nos politiques réfléchissent et proposent des modèles de société pour ce pays sclérosé.
MLK
Source : Noorinfo
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