Le pari de l’authenticité

Difficile de penser profondément la problématique de la cohabitation en Mauritanie, que nous autres appelons la question nationale, sans un brin de regret. Rappeler aux militants sincères de cette cause que la question n’est pas conjoncturelle mais bien structurelle n’est pas inutile. Pas plus que rappeler son historicité n’est superflu. Surtout par ces temps de confusion extrême où n’importe qui peut surgir de n’importe où, pour s’autoproclamer du jour au lendemain réceptacle légitime des tristes larmes que versent pourtant depuis des décennies les négro-africains en Mauritanie.

 

La question nationale n’est pas l’addition mécanique des différents évènements tragiques vécus par les noirs en Mauritanie. Désormais on évoque presque séparément par exemple la question des déportés, celle de l’enrôlement, ou celle dite du « passif humanitaire » qui est en réalité un génocide, tout cela en survolant gravement la question identitaire qui en est le substrat.
 

Qu’est-ce qui favorise donc un tel délaissement des fondamentaux de notre lutte ? C’est, de mon point de vue, la rencontre de deux types de facilité qui en est l’explication. D’une part, celle des négro-africains pris par l’impatience et qui voient facilement dans chaque nouvelle voix qui s’élève le messie attendu. Cette impatience est si criante qu’on interroge rarement la qualification de nos leaders « new school » pour articuler comme il faut la question nationale. J’ai la faiblesse de croire que l’habitude acquise par les négro-africains depuis un certain temps à faire de la lutte par procuration produit ce regrettable appauvrissement idéologique. En confiant trop souvent le traitement de cette question complexe à des acteurs politiques n’ayant pas forcément, par l’authenticité et l’ancienneté de leur engagement militant, l’expertise nécessaire pour l’aborder, on a petit à petit contribué à son désossement idéologique.

D’autre part, la facilité (bien confortable avouons-le) des leaders non experts de la question nationale, pour faire le discours qui convient aux négro-africains, à s’enfermer juste dans l’évocation des différents évènements cités. Cela présente l’avantage de ne pas s’engager vraiment sur la question de fond, et de meubler cette faiblesse en martelant incessamment ce qui désormais est réfuté par bien peu de gens. Le risque est naturellement celui d’une banalisation de la question nationale, mais aussi celui, non moins grave, d’installer dans la tête des militants négro-africains, que pour nous libérer, il nous faut toujours compter sur autrui. Dans notre histoire récente, du temps du FDUC à aujourd’hui, toutes les fois où nous avons fait ce raisonnement, nous avons eu tort. Les seules fois où nous avons réussi à bousculer sérieusement le système et à le faire douter, ce fut lorsque, nous assumant sans complexe comme acteurs de notre destin, nous avons osé le pari de l’authenticité. C’était le cas avec les « Dix neuf » en 66, le MEEN en 79, les FLAM en 86 et plus récemment TPMN depuis 2011. Que l’histoire nous serve donc de leçon !

 

Bocar Oumar BA

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