Depuis l'élection d'Aziz, l'opposition mauritanienne n'est jamais parvenue à s'entendre. De désaccords ponctuels en désunion, ses ténors jouent aujourd'hui des partitions contraires.
La division règne désormais en maître dans les rangs de l'opposition. Depuis le dialogue national de septembre 2011, les détracteurs de Mohamed Ould Abdelaziz se sont scindés en deux camps : la Coordination de l'opposition démocratique (COD, composée de 11 partis) et la Convention pour l'alternance pacifique (CAP, 4 partis), coalition de l'opposition dite modérée. Alors que cette dernière a choisi de participer aux élections législatives et municipales prévues les 23 novembre et 4 décembre, la COD a opté, en juillet, pour le boycott.
Cependant, son union s'est fissurée puisque Tawassoul, le parti d'obédience islamiste, présidé par Jemil Ould Mansour, a finalement décidé de participer aux scrutins. Une décision pragmatique qui ne surprend guère. Avec une présence logistique revendiquée dans 49 départements sur 53, Tawassoul mène campagne à travers le pays depuis de longs mois et ne veut donc pas se priver d'élections dont l'issue devrait lui être favorable. Hétérogène, l'opposition mauritanienne, depuis l'élection d'Aziz en juillet 2009, n'a cessé d'offrir un spectacle de désunion. Après le coup d'État du 6 août 2008, elle avançait en rangs serrés, mais la normalisation politique a mis fin à la belle entente. Reconnaissance de l'élection présidentielle de 2009, incursions de l'armée mauritanienne au Mali, participation ou pas au dialogue national, aux législatives et aux municipales (initialement prévues en novembre 2011)… Les voix de l'opposition sont devenues discordantes sur beaucoup de sujets.
Politique de la chaise vide
Pourtant, l'enjeu des prochaines élections est de taille pour deux de ses grandes figures, qui remettent leur fauteuil en jeu. Ahmed Ould Daddah, le chef de file de l'opposition, leader du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et président en exercice de la COD, tente un coup de poker en boycottant les consultations électorales. En misant sur la politique de la chaise vide, il va en effet priver le RFD de ses sièges au Parlement, alors qu'il y est le parti d'opposition le mieux représenté, avec 16 députés sur 95 et 7 sénateurs sur 56. Quant à Messaoud Ould Boulkheir, président de l'Assemblée nationale, de l'Alliance populaire progressiste (APP, 6 députés, pas de sénateurs) et de la CAP, s'il participera aux scrutins et, avec lui, les candidats de son parti, il se fait discret. Son projet de gouvernement d'union nationale est resté lettre morte et il n'est pas parvenu pour le moment à convaincre Aziz de reporter une nouvelle fois les élections.
Justine Spiege
Source : Jeune Afrique