Identités plurielles : Quels liens créer entre tradition et modernité aujourd’hui? Réactions d’auteurs

Les réflexions se poursuivent à Tunis sur la quête identitaire dans un monde où on parle de plus en plus "d'identités plurielles". Réactions.

 

Modernité et tradition? Modernité ou tradition? Que faire de cette question, elle-même éminemment moderne? A travers cette rencontre entre auteurs de différents horizons culturels, du Maghreb a l'Europe, les auteurs tentent d'avancer des réponses nuancées.

Ils refusent de muer les termes-clé de la question initiale – modernité et tradition – en un couple antithétique. Ils se situent globalement plutôt, et délibérément, dans un fragile entre-deux (et même entre-plusieurs) culturel et conceptuel permettant de découvrir, d'explorer et d'accepter aussi la mince frontière à la fois intellectuelle, morale et quotidiennement vécue où se rencontrent sans cesse modernité et tradition, où l'une et l'autre s'interpénètrent et interagissent.

 

 

Identités plurielles  : Quels liens créer entre tradition et modernité aujourd'hui? Réactions d'auteurs.

Sihame Benchekroun, romancière, nouvelliste et poétesse marocaine : Mes identités sont simultanément définies par mon cœur et ma raison. Je suis médecin de profession et écrivain de vocation. Dans le monde on me demande de définir un camp, une identité. Mais l'un ne va résolument pas sans l'autre pour moi. Je suis convaincue que j'aurais fait un piètre écrivain si je n'avais pas été médecin. Le souffle qui me conduit à écrire est celui-la même qui me rapproche des gens et m'incite à répondre à leurs souffrances. 

 

 

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Habib Selmi, nouvelliste tunisien : Je suis né dans un trou perdu de la Tunisie. Rien ne me prédestinait à avoir le parcours d'enseignant en France, dans le 16eme arrondissement, que j'ai eu. J'y ai épousé une française, qui ne parle pas arabe, et avec qui je m'exprime en français, une langue que je n'ai commencé à apprendre et parler qu'à partir de l'âge de dix ans. En France, dans un environnement fondamentalement francophone, j'ai cherché à préserver l'essence de l'arabe en moi. Pas le vocabulaire, ou la syntaxe, mais la musicalité, l'organique, la chair de la langue arabe. J'ai donc développé à Paris des mécanismes pour cela. A l'écoute de tout son qui me rappèlerait par exemple la texture, les sons gutturaux de la langue arabe.

 

 

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Nicolas Casariego, écrivain espagnol : Mon pays a une relation historique particulière avec le Maghreb, à travers la présence séculaire des arabes en Espagne. L'espagnol comporte plus de 4000 termes issus de l'arabe. 

Donc je ne peux quelque pas occulter cette facette de mon identité liée à l'histoire et la culture par la suite de mon pays. Que je le veuille ou pas, un cours de l'identité arabe coule en moi.

 

<<<< Lire sur le sujet :  Rencontre littéraire euro-maghrébine : paroles d'écrivains sur les "identités plurielles" >>>>

 

 

 

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Peter Engelmann, philosophe et auteur allemand : les allemands aujourd'hui sont en quête d'autrui, car l'expérience historique du nazisme les avait trop confinés, en terme d'identité. En tant que philosophe j'ai cherché à m'expliquer, c'est-à-dire comprendre mon cheminement. Et j'ai lu des gens qui m'ont aidé à intellectualiser mon parcours et dresser ces identités qui s'accumulaient en moi à travers mes ouvertures.

 

 

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Mamoudou Lamine Kane, poète mauritanien : La tradition doit pouvoir évoluer avec son temps sinon elle meurt. Évoluer avec son temps ne veut pas dire s'aliéner. Mais tout groupe culturel, et surtout chaque individu, personnellement, doit à certains moments de sa quête identitaire, quand il la mène, faire l'analyse profonde de ce qui fait le fondement de ses traditions culturelles. C'est-à-dire: Qu'y-a-t-il à toujours garder dans ces traditions, invariablement, quelques soient les époques? Sur quoi peut-on être flexible? Et éventuellement, que peut-on abandonner à la lisière de son époque, pour éviter que cela ne devienne des entraves…

 

 

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Hamid Grine, écrivain algérien : Dans un pays musulman, non-laïc par conséquent, la transgression de la tradition est souvent assimilée à une sorte de modernisme athée qui positionne l’auteur dès le départ comme une sorte de marginal ayant  tourné le dos aux valeurs arabo-islamiques. C’est la problématique dans laquelle je me retrouve à chaque fois que j’aborde un roman. Pour "La dernière prière", mon roman le plus libre, je décris les tribulations d'un libertin dans l'Algérie en proie à la montée hégémonique de l'islamisme.

 

 

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Azza Filali, romancière et essayiste tunisienne : A mon humble opinion il n'y a pas de dichotomie entre modernité et tradition, mais une constante interaction, un remodelage permanent, notamment dans l'écriture littéraire. La modernisation de la technique d'écriture à beaucoup bénéficié des auteurs français comme Victor Hugo, Baudelaire ou Flaubert. La description de Gavroche dans "Les misérables" par Victor Hugo est un aspect évident de la "contemporanéité" du poète français. Aujourd'hui on assiste à une écriture de déconstruction (Twitter, SMS…) qui épouse son siècle, qui se cherche, faillible, inachevé et se terminant par des points de suspension.

 

 

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Mohamed Nedali, auteur marocain : La question des identités est encore cruciale dans le Maghreb où leurs habitants originels, les berbères, se débarrassent de ces oripeaux et se voient faussement comme arabes, de la Mauritanie à la Tunisie, en passant par le Maroc. Un homme cultivé est un homme qui se connaît, et vit son identité sans complexe, même si la sienne est minoritaire.

 

 

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Magda Cârneci, activiste culturelle roumaine : Je viens d'un pays qui a fait partie de l'empire ottoman. Nous avons ainsi de profondes influences orientales, mais aussi occidentales, juives, allemandes. Avec l'avènement du communisme on ne parlait plus que d'identité nationale. A partir de 1989, les roumains redécouvrent le reste du monde et ont dû faire face à des situations inconnues.

Cela a créé beaucoup de drames. Personnellement, en allant faire mes études en France, à Paris, métropole cosmopolite, j'ai subi et vécu la déstructuration de mon identité, de ma psychologie. Petit à petit j'ai dû me reconstruire avec les alluvions que je découvrais ici et là. J'étais une autre femme en rentrant en Roumanie.

 

 

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Pedro Rosa Mendes, romancier du Portugal : Je suis un jeune et nouvel historien, ancien reporter de guerre, écrivain parfois. Quant à mon pays, je dirais que j'ai deux patrie : mon histoire, que je ne peux pas réécrire, et aussi les émotions de ceux que j'aime et qui m'aiment. Les recherches génétiques montrent aujourd'hui aussi que le "pool génétique" portugais est essentiellement berbère, maghrébin donc.

 

MLK

A Tunis 

Noorinfo

 

Source : Noorinfo

www.kassataya.com

 

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