Des ambassadeurs mauritaniens à l’étranger sont candidats du parti au pouvoir, UPR, pour les élections municipales et législatives du 23 novembre prochain. KABA Ould Elewa, par exemple, ambassadeur de Mauritanie au Brésil, est candidat à la mairie de Kankossa. L’ambassadeur n’est pas seulement absent de cette localité rurale, il réside hors de la Mauritanie, hors du continent africain….
Pour les téléspectateurs mauritaniens, un visage est devenu bien familier tant ces derniers temps il apparait sur toutes les petites lucarnes. Il s’agit de celui de Mokhtar Ould Dahi, ambassadeur de Mauritanie auprès de l’Italie et de Malte. Même si la loi sur les incompatibilités n’a pas été adoptée, le bon sens fait qu’un Wali, un préfet, et un ambassadeur ne doivent en aucun cas faire publiquement état de leurs positions politiques. Alors qu’un ministre ordinaire représente un gouvernement donc un camp politique, un ministre plénipotentiaire représente l’Etat donc est à égal distance des camps politiques qu’il doit servir tous avec la même abnégation. Abandonnant leurs postes plusieurs ambassadeurs ou sont candidats ou font campagne ouvertement pour le parti au pouvoir. C’est le cas de Sidi Ould Didi, Kaba Ould Elewa, Hamada Ould Meimou et Mokhtar Ould Dahi. Dans les autres pays démocratiques il n’est permis à un ambassadeur de faire état publiquement de son opinion politique à fortiori de battre campagne pour un parti politique donné.
Cela nous conduit directement à examiner la question du « devoir de réserve » auquel sont normalement assujettis les fonctionnaires, spécialement les hauts fonctionnaires ayant Autorité.
Etymologiquement ce terme vient du latin reservare, garder en réserve, réserver, conserver, conserver à la vie, sauver. L'expression "devoir de réserve" désigne donc les restrictions de liberté d'expression que peuvent avoir les militaires et certains agents de la fonction publique, notamment les magistrats, les membres des forces de sécurités, l’Administration territoriale et les ambassadeurs. L'objectif de ce concept est de garantir la neutralité et l'impartialité de l'Administration et de ne pas nuire à son renom ou à son bon fonctionnement. Ceux qui y sont soumis doivent, en particulier s'abstenir de faire état de leurs opinions personnelles sur des questions politiques ou d'avoir des comportements incompatibles avec la dignité, l'impartialité ou la sérénité des fonctions qui leurs sont dévolues.
Il est cependant vrai que le "devoir de réserve" est régi par la jurisprudence, ce qui laisse une large marge d'incertitude et d'interprétation dans son application. Elle est parfois consacrée par une disposition spécifique reprise dans les statuts particuliers de certaines professions, comme les magistrats, les militaires, les policiers, ou devenir une contrainte pour certaines fonctions, compte tenu de leur position hiérarchique (ambassadeurs, Wali ou préfets…)
Dans la pratique, les sanctions envers des fonctionnaires pour "manquement au devoir de réserve" prennent la forme de mutation ou de déplacement car un manquement à une règle qui n'est pas inscrite dans une loi ne peut normalement faire l'objet d'une sanction officielle.
Le plus important étant donc : la place occupée par un fonctionnaire dans la hiérarchie. Et s’il y a des fonctions qui, à ce titre, supposent clairement le respect du « devoir de réserve », ce sont celles de Wali, de préfet et d’ambassadeur. Ces fonctions sont censées exprimer et représenter la totalité de la politique de l’Etat au service duquel lesdits fonctionnaires ont été nommés. Si on admet qu’un ambassadeur ou un Wali peut faire de la politique on aurait vidé ces fonctions de leur essence même à savoir être l’incarnation de l’Etat et parfois arbitres dans le jeu politique. En effet même si notre système électoral a confié la mise en œuvre du processus électoral à la CENI il n’en demeure pas moins que les préfets et les ambassadeurs, lorsque nos concitoyens à l’étranger se mettront à voter, conservent assez de prérogatives et de force morale pour influer sur le scrutin
C’est dire qu’il est grand temps que la CENI, le Ministre des affaires étrangères ou les présidents du Parlement rappellent à l’ordre ces hauts fonctionnaires qui font ainsi fi allègrement de leur devoir de réserve.
BC
Source : Le Quotidien de Nouakchott
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