Les régulateurs de l’Internet se rebellent contre Washington

LES RÉVÉLATIONS sur le programme de surveillance de l'Internet par la NSA ont des répercussions jusqu'au sein des instances de gouvernance du réseau, où les Etats-Unis tiennent une place prépondérante.

 

Réunis début octobre à Montevideo, capitale de l'Uruguay, les dix principaux organismes mondiaux et régionaux de coordination de l'infrastructure technique de l'Internet ont signé une déclaration commune, qui remet en cause la tutelle américaine sur l'un d'entre eux  : l'Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers). Les responsables de ces dix organismes préconisent " la mondialisation des fonctions (…) de l'Icann vers un environnement dans lequel toutes les parties prenantes, y compris tous les gouvernements, participent sur un pied d'égalité ".

L'Icann joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de l'Internet, car elle est chargée d'attribuer les noms de domaine et les adresses à l'échelle planétaire. Juridiquement, c'est une association à but non lucratif basée à Los Angeles, de droit californien, et liée au ministère fédéral du commerce, qui lui fixe sa mission. A son tour, l'Icann sous-traite la gestion quotidienne des grands noms de domaine internationaux (.com, .net…) à la société privée américaine VeriSign, installée près de Washington. Le domaine .org est géré par une autre association américaine.

Périodiquement, les Etats-Unis saisissent des noms de domaine en .com appartenant à des étrangers, soupçonnés de posséder des sites Internet violant les lois américaines sur le copyright et les marques déposées. Obéissant à des injonctions de tribunaux américains, VeriSign redirige simplement les visiteurs de ces sites basés à l'étranger vers un serveur du gouvernement des Etats-Unis.

Dans le passé, les Nations unies, puis l'Union européenne, ont tenté en vain de desserrer le contrôle des Etats-Unis sur l'Icann. Mais cette fois, la situation a changé  : son président, l'Américain Fadi Chehadé, est cosignataire de l'appel. Sans le dire ouvertement, il exploite ainsi l'indignation internationale provoquée par l'affaire de l'Agence nationale de sécurité (NSA) pour s'affranchir de la tutelle de son propre gouvernement.

Un Web moins américain

Après l'Uruguay, M. Chehadé a fait escale au Brésil, pour rencontrer la présidente Dilma Rousseff, une alliée de poids. A la suite des informations contenues dans les documents d'Edward Snowden, Mme Rousseff a violemment critiqué les agissements de la NSA, qu'elle accuse d'avoir intercepté les communications de son gouvernement. En septembre, devant les Nations unies, elle avait préconisé des mesures visant à empêcher ce type d'espionnage. Elle avait même annulé une visite officielle à Washington.

A l'issue de son entretien avec la présidente brésilienne, M. Chehadé a déclaré à la presse qu'il l'avait exhortée à prendre la tête de ce combat pour un Internet plus " égalitaire ", c'est-à-dire moins américain. De son côté, Dilma Rousseff a aussitôt publié sur Twitter une rafale de déclarations. Elle confirme son alliance informelle avec l'Icann et annonce que le Brésil va organiser en avril à Rio de Janeiro un sommet international réunissant des responsables politiques, des industriels, des organisations non gouvernementales et des universitaires, qui imagineront ensemble un " nouveau cadre " pour la gouvernance de l'Internet.

 

Yves Eudes

 

Source : http://www.lemonde.fr/

 

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