Riche de 80 pages et écrit en arabe, le document, procuré par RFI avec le quotidien Libération, analyse la situation internationale et trace les objectifs stratégiques d’AQMI.
Ce même document démontre que cette nébuleuse terroriste a une stratégie de conquête de la région et n’entend pas, malgré l’opération Serval, baisser les bras.
On le croyait sérieusement affaibli, voire même décapité, mais le groupe terroriste Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) semble un monstre à plusieurs têtes. La preuve, le document procuré par RFI avec le quotidien Libération. Il démontre que cette nébuleuse terroriste, basée dans le Sahel, a une stratégie de conquête de la région de longue haleine et n’entend pas, malgré les coups qui lui sont assénés, baisser les bras.
Riche de 80 pages et écrit en arabe, le document en question analyse la situation internationale et trace les objectifs stratégiques d’AQMI.
On peut notamment lire que «les grandes puissances occidentales, bien qu’elles soient doublement épuisées sur le plan militaire et financier, possèdent encore les moyens pour empêcher la création d’un Etat islamique dans l’Azawad sous le pouvoir des djihadistes islamistes», écrit Abdelmalek Droukdel. Celui-ci met en garde contre «tout excès qui pourrait faire croire que le projet islamique est définitivement mis en place et installé dans le Sahel». Ce chef terroriste, à la tête d’AQMI, a même anticipé l’intervention militaire française et malienne en janvier dernier au Sahel.
Cependant, il soutient que même si celle-ci (intervention militaire, ndlr) devait avoir lieu et que le projet de construire un Etat islamique tombe à l’eau, AQMI a suffisamment planté de «graines» dans le terreau sahélien qu’elles finiront un jour par donner des arbres.
Autrement dit, malgré l’échec militaire et la mort du commandant d’AQMI à Tombouctou, Abou Zeid, lors d’un raid aérien des forces françaises en février dernier, le projet d’un Etat islamique dans la zone du Sahel n’est pas mort. L’opération Serval n’a donc pas mis fin au terrorisme dans le Sahel.
D’ailleurs, Droukdel compare le projet «djihadiste» à un nouveau-né qu’il convient de traiter avec «douceur» si l’on veut qu’il grandisse dans un monde «truffé d’ennemis puissants et prêts à l’achever». Pour réussir dans son entreprise djihadiste, Droukel plaide pour l’association des principaux acteurs au Sahel, comme le MNLA et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) pour, d’une part, «endosser la responsabilité commune en cas d’échec et, d’autre part, unifier les forces militaires nécessaires pour mener des actions d’envergure à l’international». La réussite d’AQMI, selon ses chefs, passe aussi par la façon de gouverner. Il convient donc d’être attentifs à la population locale, de répondre à ses différents besoins (santé, nourriture, eau, électricité…) et ne pas lui imposer brusquement la charia, en détruisant, par exemple, les mausolées ou en flagellant les coupables de la fornication.
En somme, une véritable stratégie de conquête de pouvoir qui passe d’abord et avant tout par une conquête des esprits, loin des actes barbares qui ont convaincu les groupes islamistes qu’ils les rendaient impopulaires, comme ce fut le cas à Tombouctou et Kidal.
Le document a révélé également l’utilisation par Droukdel et, pour la première fois, des mots «Constitution», «Etat islamique» et «émirat», un vocabulaire jugé nouveau et inconnu jusque-là dans la rhétorique islamique.
En conclusion, si l’opération Serval a permis de chasser les groupes terroristes du nord du Mali, elle n’a pas pour autant mis fin à l’existence de ces groupes. Le document en question prouve que lorsqu’ils sont silencieux et inoffensifs, c’est qu’ils préparent souvent de nouvelles attaques ou qu’ils réorganisent leurs rangs pour se renforcer davantage. Pour l’instant, seule la France avec ses 3000 soldats basés au Mali et quelques troupes militaires de Bamako tentent de fausser les calculs de ces groupes. Mais jusqu’à quand ?
Yacine Farah
Source : El Watan le 08/10/2013{jcomments on}
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