Adnane Yacine et Houeida Taha Moutawali : Deux regards croisés sur la Mauritanie qui font le Buzz chez les Facebookers arabophones mauritaniens

Les Internautes mauritaniens de culture arabophone ont été nombreux à réagir, certes différemment, à deux articles critiques écrits par un Marocain et une Egyptienne à la fin de leur visite en Mauritanie.

Ayant séjourné, à des périodes et à des occasions différentes dans la capitale Nouakchott, ils ont jeté sur cette ville, un regard non condescendant que certains lecteurs arabophones, piqués au vif dans leur orgueil, n’ont pas spécialement apprécié.

Adnane Yacine, poète, nouvelliste, et journaliste animateur d’une émission culturelle (dont il est le concepteur) à la première chaîne de télévision marocaine, était de passage à Nouakchott il n’y a pas longtemps (courant septembre 2013) pour animer un atelier pour les journalistes maghrébins sur les techniques de débat à la télévision.

De retour chez lui, il a couché sous la forme d’un article dans un blog, ses impressions sur son périple mauritanien. Et l’aventure commencera selon lui dès l’aéroport Mohamed VI de Casablanca, où il note la non présence d’un comptoir ou d’une représentation de la compagnie Mauritania Airlines, mais surtout l’absence de toute référence sur le vol qu’il devait prendre, et qui était complètement ignoré par les tableaux géants qui affichaient les départs et les arrivées.

Puis, il raconte son arrivée à l’aéroport de Nouakchott, son accueil au salon d’honneur, et l’âne gambadant qui l’accueillit à la porte de sortie. Il s’est dit par la suite stupéfait tout au long du chemin le menant vers son hôtel, par l’absence de véritables routes, décrivant les goudrons cabossés, les flaques d’eau nauséabondes, l’absence de toute chaussée.

Sa première description de l’homo mauritanicus commencera, selon lui, lors de la première journée de cours. Il dira dans un style simple, amusant et sans équivoque, que sa première impression est que l’homo mauritanicus aime le bavardage à deux, les conversations téléphoniques en plein cours. Il dira même avoir interrompu à deux reprises ses interventions, le temps qu’une demoiselle réponde à ses appels.

Gênée, rapporte-t-il, cette dernière finira par fermer son portable. Il n’omettra pas de mettre en exergue la fierté affichée par ses confrères face aux avancées enregistrées par la Mauritanie dans le domaine de la liberté de presse, même dans un pays où il n’existe aucun institut de journalisme et où certains qui se sont formés dans le tas n’ont même pas le baccalauréat, fera-t-il remarquer.

Adnane Yacine dira s’étonner pour un pays aussi poissonneux que la Mauritanie, que les citoyens se saignent à peser des kilos de viande rouge alors qu’il existe une bonne chaire blanche protéinée. Et de faire la remarque qu’en visitant le Port de Nouakchott, qu’il dit être dans un lamentable état, il a compris pourquoi les populations se détournaient des belles dorades et autres spécimen de poisson.

Pour Adnane Yacine, en dehors de l’hôtel géré par des Marocains, la vie à Nouakchott n’existe simplement pas, autre que sous forme de poussière, de sable, de squats, sans rue, sans trottoirs, sans salle de cinéma, ni de théâtre.

Il se demandera même pourquoi Nouakchott ne ressemblerait pas, non à Rabat, Casablanca, ou Marrakech, mais à Läayoune, l’une des dernières possessions sahraouies du Maroc, en décrivant ses vastes avenues, comme l’Avenue Mekka avec ses animations la nuit, ses espaces asphaltées, ses restaurants chics, sa propreté, son Palais des Congrès qui s’ouvre sur une vaste esplanade…Bref, les signes d’une cité qui méritent selon lui d’être appelée cité, bien que, ajoutera-t-il, Läayoune compte des bidonvilles qui le rendent honteux.

Mais au moins, des équipements collectifs, un centre propre, animé, tout comme Dakhla, avec ses belles avenues, sa belle corniche, ses hôtels qui donnent sur la mer, ses assemblées populaires nocturnes. Rien de tout cela, dira-t-il à Nouakchott, cette capitale d’un pays frère pour lequel il dit vouer le plus grand amour ainsi qu’à son peuple, soulignant la qualité de son élite intellectuelle et poétique, la gentillesse, l’hospitalité et la simplicité de ses populations. Mais pour lui, la sentence est sans appel, Nouakchott n’est pas une cité, au sens moderne du terme.

L’article de l’Egyptienne, Houeida Taha Moutawali, ingénieur en télécommunication, est plus dur, plus sarcastique, comme le montre le titre qu’elle a donné à son pamphlet sur la Mauritanie et surtout sur Nouakchott et qu’elle a intitulé : «Ma première visite en Mauritanie et la dernière ! »

Elle y raille tout, l’aéroport à l’asphalte crevassé, à l’obscurité terrifiante, sans service bus pour transporter les passages de l’avion à la salle des enregistrements, avec ses insectes qui lui donnèrent l’envie de retourner illico presto à l’appareil qui venait de la déposer.

Des rues non éclairées, des avenues absentes, sablonneuses, poussiéreuses et sales, des goudrons crevassées sans trottoirs ni promenades, une architecture moyenâgeuse qui lui rappellerait des écrits antiques…

Ce qui la poussa à demander les sources de revenu du pays à son mentor, un Mauritanien, docteur en droit qui l’accompagnait, et qui l’aurait averti dès l’aéroport de Casablanca qu’elle devait faire ses adieux à la civilisation, parce qu’elle allait «plonger bientôt dans la bédouinité !»,

Selon elle, ce docteur est l’un des rares hauts diplômés de Mauritanie, un pays qui en compterait peu selon elle, et où l’analphabétisme frapperait plus de 60% de la population, et elle cite l’Unesco. A ses yeux, la plus belle bâtisse à Nouakchott est la mosquée saoudienne bâtie et financée par Riad, décrivant les habitats de Nouakchott, comme un ensemble de mansardes, de huttes, qui ne répondent à aucun plan urbanistique, mais au hasard d’une implantation anarchique.

Ses exagérations vont plus loin, lorsqu’elle parle de bédouinité qui suinte dans tous les compartiments de la vie architecturale de la ville, la poussant même à demander si ce pays a des ressources. Une fois renseignée sur les richesses de la Mauritanie,, elle se dira alors étonnée que pour un pays assis sur un tel tas de richesse, ses trois millions d’habitants puissent connaitre une telle misère.

La seule fierté qu’elle dit avoir relevé lors de son périple mauritanien, c’est la femme mauritanienne et son autorité, mais aussi son statut qui ferait pâmer de jalousie, dira-t-elle, toutes ses sœurs du monde arabe.

Ces deux articles ont provoqué des rivières de protestation. La toile, côté écrits arabophone en Mauritanie, a littéralement explosé. Certains ont réagi avec violence et d’autres ont trouvé normal que Nouakchott puisse inspirer tant de sarcasme à ses visiteurs.

Cette flagellation, que certains ont même qualifié d’autoflagellation car provenant de cousins et de frères, doit au contraire selon eux fouetter l’orgueil des Mauritaniens, surtout son élite et ses décideurs pour qu’enfin ils jettent les bases d’un véritable développement. Il en va de la dignité du peuple mauritanien, car les autres ne nous jugeront que selon la qualité de nos villes et de nos vies.

Alors, le débat est lancé chers Internautes francophiles, à qui je n’ai pourtant rapporté que quelques bribes des deux longs articles écrits pat Yacine Adnane et Houeida Taha Moutawali.

Aidara Cheikh

Source  :  L'Authentique via Cridem le 30/09/2013{jcomments on}

 

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