Nous ne nous polarisons pas sur une date électorale (Ladji Traoré-Interview)

L’invité de Alakhbar Dimanche, Ladji Traoré, secrétaire général de APP, parti membre de la CAP (Convention pour l’Alternance Pacifique), n’écarte pas la possibilité d’un nouveau report de la date des élections législatives et municipales fixée au 23 novembre en Mauritanie.

« Nous ne nous polarisons pas sur une date…Nous, nous ne sommes pas défendeurs d’un agenda, nous sommes défenseurs d’une décision qui va permettre la participation de tous les acteurs politiques…Nous demandons que l’ensemble des acteurs s’assoient autour d’une table et arrêtent les conditions de participation, les conditions de transparence électorale et éventuellement un nouvel agenda. Pourquoi pas ?"

Egalement Ladji Traoré revient largement sur les inondations à Nouakchott.

ALAKHBAR : Il est clair que le remaniement du gouvernement n’a pas tenu en considération l’incitative de Messaoud

Ladji Traoré : Vous savez, nous sommes dans un contexte politique évolutif et complexe. Il y a l’initiative de Messaoud qui a été appréciée, qui est suivie par le président et qui est devenue incontournable dans la mesure où ce qu’elle prône fondamentalement c’est que d’abord qu’il y ait un débat, un dialogue politique entre l’ensemble des acteurs pour convenir de quoi ? Premièrement les conditions de transparence, les conditions de neutralité de l’Etat et les conditions de vote de tous les mauritaniens, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Voilà les choses incontournables.

Bien sûr, il (Messaoud) avait préconisé, pour garantir la neutralité, la participation de tous pendant la période de transition à un gouvernement de consensus, un gouvernement d’union nationale. Jusqu’à présent, cela n’a pas été accepté. Mais je pense que cela n’est pas l’élément fondamental. L’élément fondamental c’est garantir les conditions de transparence des élections par un recensement complet qui n’omettra ni les populations de la ville ni celles de la campagne.

Pour ce qui est du gouvernement, j’ai constaté, comme vous, qu’il y a eu ce remaniement ministériel. D’aucuns disent, et c’est perceptible, que c’est pour libérer un certain nombre de gens qui avaient les mains liées en tant que ministres pour aller se présenter aux élections.

ALAKHBAR : S’agit-il alors d’un échec de l’initiative de Messaoud qui est pour un gouvernement d’union nationale?

Ladji Traoré : Si on résume l’initiative de Messaoud à un seul point c'est-à-dire la formation d’un gouvernement ce serait une erreur grave. Moi j’ai commencé par le commencement; j’ai dit que dans cette initiative de Messaoud il y a beaucoup de choses: il y a d’abord les conditions de transparence électorale, ce qui est fondamental. Il faudrait donc que le fichier d’enrôlement soit audité. Pourquoi depuis mars 2011 on est en train d’enrôler et qu’il y a les nationaux qui n’ont pas eu leur carte d’identité ou qui n’arrivent pas à les retirer ! Les responsables du projet eux-mêmes reconnaissent qu’ils ont 2 millions 700 mille Mauritaniens enrôlés et jusqu’à présent ils n’ont pu éditer qu’un Million 700 Mille cartes d’identité. Où est l’autre million ? Qu’est ce que cela attend pour être édité ? L’ancien fichier électoral est supprimé et le prochain sera basé sur l’enrôlement biométrique. Il faudrait donc faire ce travail de manière très correcte très complète, aussi bien en ce qui concerne les Mauritaniens de l’intérieur que les Mauritaniens de l’extérieur toutes communautés comprises. Vous savez qu’au terme de la loi actuelle, après les dernières négociations, pour les listes nationales, les listes nationales des femmes des partis et les élections présidentielles les Mauritaniens de l’étranger votent alors qu’ils ne sont pas recensés.

ALAKHBAR: Les élections sont en perspective. Votre parti APP sera-t-il représenté au niveau national ?

Ladji Traoré : Bon notre parti c’est très simple comme tout parti politique développé et enraciné. Nous avons l’ambition de nous présenter dans toutes les communes mauritaniennes. Ce n’est pas une mince affaire nous avons l’ambition de nous présenter dans toutes les circonscriptions électorales mauritaniennes au titre de l’Assemblée nationale. Par conséquent, nous nous sommes partants pour nous présenter comme un parti national, un parti développé, un parti influent qui a une assise populaire et qui participe aux élections comme il faut, là il faut et partout il faut. Voilà notre ambition. Maintenant, nous ne polarisons pas sur une date. C’est vrai, on a quitté une première date et le dernier décret fixe les élections à venir à la date du 23 novembre, pour le premier tour, et du 7 décembre, pour le second tour. Est-ce que cette date sera une immuable ? Est-ce que cette date ne sera-t-elle pas remise en cause avec les négociations que le gouvernement a acceptées. Vous savez que la COD a accepté aussi de participer aux élections et que le gouvernement mauritanien a accepté de discuter avec la COD sur la question. Donc c’est une autre phase de débat qui va s’ouvrir avec des conditions avec des exigences peut-être même un nouvel agenda. Nous, nous ne sommes pas défendeurs d’un agenda, nous sommes défenseurs d’une décision qui va permettre la participation de tous les acteurs politiques

ALAKHBAR: Vous partagez donc l’avis de AP qui demande un nouveau report des élections ?

Ladji Traoré : Est-ce que vous ne savez pas que AP et la CAP sont dans le même pôle politique aujourd’hui qui demande d’abord l’élargissement de l’élection à l’ensemble des acteurs politiques. Par conséquent, il n’y a pas de surprise à ce que nos amis demandent un nouveau report. mais ce qu’ils ont dit nous paraît réaliste dans la mesure où il va y avoir des négociations, un débat, l’élargissement de la CENI, une structure nationale de supervision des élections, etc. tout ça peut avoir des incidences sur le calendrier.

ALAKHBAR. Ça c’est la positon de la CAP, mais la votre propre est-elle d’accord avec l’AP ?

Ladji Traoré : L’AP et l’APP qui est dans la CAP sont dans le même pôle politique aujourd’hui. Ce que nos amis ont demandé ce n’est pas loin de notre vision, mais nous n’avons pas demandé nous. Nous sommes des facilitateurs des uns et des autres et nous demandons que l’ensemble des acteurs s’assoient autour d’une table et arrêtent les conditions de participation, les conditions de transparence électorale et éventuellement un nouvel agenda. Pourquoi pas ?

Vous êtes plus informés que moi, ou probablement aussi informés que moi. Vous savez que certains principaux responsables de la COD, pour des raisons diverses étaient absents et en train de discuter entre eux, d’abord au niveau de la COD, pour savoir exactement ce qu’ils veulent faire et ce sur quoi ils doivent s’entendre pour aller en négociation. Ça a pris du temps et nous comprenons que ça puisse prendre du temps. Nous n’avons pas d’autres exigences. Ce qui importe aux yeux du président Messaoud c’est que, d’un côte, que la COD accepte aujourd’hui de participer à des négociations et que l’autre côté le gouvernement, le président Mohamed Ould Abdel Aziz accepte et même à entamer des contacts avec eux, parce que le premier ministre a reçu des délégations de la COD, il a reçu plus d’une fois des responsables de la COD, pour voir les modalités des négociations. Les négociations politiques ne sont pas de simples affaires. Donc nous attendons, en tant que partie facilitatrice, l’évolution de la situation. Voilà notre position.

(Rire) Ne me poussez pas trop à sortir à de cette position à la fois de facilitateur.

ALAKHBAR : est-il vrai que Messaoud sera la tête de liste de APP au niveau national, et qui sera votre tête de liste à Nouakchott ?

Ladji Traoré : Nous n’en sommes pas là, ce que nous avons préparé actuellement c’est des missions qui vont aller sur le terrain dans toutes les wilayas du pays, qui vont aller dans toutes les communes et qui vont essayer de dresser le maximum de listes électorales dans les communes. Ils vont aussi discuter avec nos structures de base ; nous avons fait une implantation comme vous le savez, il y a deux mois avant la campagne ; nous avons des sous-sections, des sections et des fédérations dans toutes les wilayas.

ALAKHBAR :Mais des sources avancent que Messaoud est la tête de liste de APP au niveau national

Ladji Traoré : Pourquoi ?

ALAKHBAR : C’est la question que je vous pose

Ladji Traoré : Nous n’avons pas encore arrêté les têtes de listes même si c’est la chose la plus facile à faire. Nous nous parlons d’abord municipale et ensuite les députés au niveau des circonscriptions départementales. Nous allons voir après que nos lises seront arrêtées et notre direction nationale va s’asseoir pour cela. Mais nous nous ne sommes pas encore à ce stade. Et il n’y a aucun problème à ce sujet, que ce soit pour la liste nationale ou des femmes de APP.

ALAKHBAR: Qui seront vos alliés aux prochaines élections ?

Ladji Traoré : Pour les municipales nous partons en tant que APP. Mais pour les autres nous allons voir les modalités de collaboration avec d’autres partis ou partenaires.

ALAKHBAR : APP a l’ambition de vous présenter dans toutes les communes mauritaniennes. vous en avez les moyens financiers ?

Ladji Traoré:Je dois reconnaître que c’est très cher, mais APP a fait beaucoup de sacrifices et a réuni suffisamment de ressources, en tout cas pour le moment, pour envoyer ses missionnaires sur le terrain et pour dresser le maximum de listes électorales avec tout ce que ça coûtera.

ALAKHBAR: Etes-vous satisfaits de la réaction du gouvernement face aux inondations ?

Ladji Traoré: Je dois vous dire que j’étais beaucoup plus prêt pour discuter des inondations parce que c’est un drame à Nouakchott et à l’intérieur du pays. Est-ce que vous savez qu’à Mbeika et même dans le Tagant il y a eu des inondations. Face à ce phénomène, il faudrait que l’Etat soit outillé de structures d’intervention de secours d’urgence plus opérationnelle pour venir en aide aux populations sinistrées comme cela existe dans tous les pays du monde.

Je reviens à Nouakchott. Nouakchott c’est un drame, parce que Nouakchott a été d’abord construite un peu n’importe comment. J’ai ici le livre sur l’histoire de la ville Nouakchott. En 1957, quand il fallait installer la capitale de la Mauritanie à Nouakchott, il y a eu des suggestions de l’autorité coloniale à l’époque de ne jamais descendre des dunes. C’est pas pour rien que Nouakchott n’a pas été bâtie sur le site du Ksar, mais sur un autre site beaucoup plus haut placé sur une dune. Et Nouakchott devait continuer à se développer sur les crêtes des dunes vers le Nord et vers l’Est. Malheureusement, dans un élan de spontanéisme on a commencé à déplacer les populations, les installer un peu n’importe où.

Est-ce que vous savez que dans le 20 siècle la route de Nouadhibou qui longe la côte a été inondée 3 à 4 fois ? de même que du côté du Ksar, l’aéroport, Dar Naïm. On n’installe pas une ville sur des zones inondables ! Ceci étant, la situation de Nouakchott est dramatique; la direction de notre parti a visité des quartiers inondés alors on ne sait pas comment s’en sortir d’abord ! Comment dégager toute cette eau, et quelle leçon en tirer ? Dans l’immédiat, il y a un problème d’urgence extrême, un problème de secours aux populations; mais je pense qu’il doit y avoir aussi des solutions à plus long terme: comment continuer à développer la ville de Nouakchott en évitant les risques, parce que toutes ces zones salées: long de la route de Nouadhibou, le sixième arrondissement, le cinquième ou une bonne partie du Ksar sont des zones inondables où la nappe phréatique salée a atteint pratiquement les constructions qui sont devenues extrêmement fragiles. Par conséquent, nous avons un problème d’urgence, mais aussi un problème au fond à plus long terme pour le développement de Nouakchott, la sécurité des populations et des énormes investissements réalisés dans ce contexte de changement climatique mondial.

ALAKHBAR : Est-ce que vous comprenez les pouvoir publics quand ils parlent de coût élevé de l’assainissement de la ville de Nouakchott ?

Ladji Traoé : Je dois dire que sur ce plan-là j’ai une réaction très claire. Est-ce qu’il y a un réseau d’assainissement d’abord à Nouakchott ? Il n’y a jamais eu de réseau d’assainissement à Nouakchott. Et quand on veut y procéder, on ne peut pas revenir sur ce marché important. Les choses doivent être prises au sérieux et au-delà de l’assainissement il y a la sécurisation de Nouakchott par rapport à son site même d’installation. Donc ça demande beaucoup de choses et exclut toute improvisation face aux risques accrus.

ALAKHBAR : que proposez-vous à court terme pour sortir les populations des eaux ?

Ladji Traoré : A court terme, je crois que ces inondations et la complexité de l’assainissement de la ville de Nouakchott doivent nous amener à nous arrêter à réfléchir à nouveau pour prendre la bonne décision à mon avis qui est beaucoup plus conforme à la réalité.

Moi je ne dors pas moi comme beaucoup de responsables aujourd’hui. je suis dans une zone non inondable, mais je passe toute la journée à téléphoner à des militants à des amis et à des parents qui eux sont dans l’eau. Quelle est la solution à court terme ? Je pense que les autorités ne l’ont pas apportée. Il ne s’agit pas, à mon avis, de se voiler la face: l’Etat mauritanien à des moyens, mais l’Etat devrait appeler à des ressources supplémentaires de nos partenaires pour aider dans l’urgence à sortir les populations de Nouakchott de l’eau, et à plus long terme essayer de voir comment réinstaller ces populations. Peut-être qu’elles ne seront pas déménagées systématiquement, mais il faut les réinstaller sûrement. Les gens sont assis dans des cours, dans les écoles etc. Est-ce qu’ils peuvent continuer dans cette situation ? À mon avis, il y a une situation d’extrême gravité pour laquelle il faut réunir les ressources et moyens nécessaires pour secourir ces populations en produits alimentaires en eau en hygiène et prendre les mesures appropriées contre les risques d’épidémie de le paludisme suite à la prolifération des moustiques dans toute la ville.

Source  :  Al Akhbar le 24/09/2013{jcomments on}

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