Le Directeur Général de l’ONAS à KASSATAYA : « les travaux de réalisation d’un système d’assainissement à Nouakchott seront lancés au plus tard fin 2013. »

M. Hamzat Ould Amar Directeur Général de l'Office National de l'AssainissemenM. Hamzat Ould Amar est Directeur Général de l’Office National de l’Assainissement en Mauritanie. Créé en 2009, l’ONAS est régulièrement au centre des spéculations à chaque saison des pluies : pourquoi la capitale de la Mauritanie ne dispose-t-elle pas d’un système de collecte et de traitement des eaux pluviales ? Existe-t-il un système d’assainissement à Nouakchott ? Qui est responsable de cette situation ? Quels sont les projets pour remédier à cette situation ? Entre deux sorties sur le terrain, M. Ould Amar a accepté de répondre aux questions de www.kassataya.com. Réalisé le 22 août 2013, l’entretien reste d’actualité.

KASSATAYA : A peine quelques millimètres de pluies ces dernières semaines et la capitale mauritanienne replonge dans le cycle infernal des inondations et des eaux stagnantes. Les Nouakchottois se demandent comment une capitale peut-elle se retrouver dans un tel état. Que répondez-vous à cette question? Qui est le responsable de cette situation?

Hamzat Ould Amar : Comme vous venez de le dire, Nouakchott est dans une situation qui se rapproche d’une situation d’inondation, même si ce n’est pas tout à fait le cas. Qui en est le responsable ? C’est le comportement des populations qui ont l’habitude de creuser des puits perdus au lieu des fosses septiques; deuxièmement, l’absence d’un réseau d’assainissement collectif qui assure la conduite des rejets de ménage vers un site précis ; troisièmement,  les changements climatiques; quatrièmement, la politique des anciens gouvernements qui ont dirigé le pays depuis plus de quarante ans. Aujourd’hui à Nouakchott, le système d’assainissement collectif ne couvre que le Centreville ; il a été construit dans les années 60, juste après l’indépendance. Il s’agit donc d’un système d’assainissement qui est né avec Nouakchott. Mais la dernière fois qu’il a subi une extension importante et une réhabilitation c’était au milieu des années 70.  Depuis lors, tous les gouvernements mauritaniens qui ont dirigé ce pays n’ont jamais accordé d’importance au système d’assainissement ; et ce, malgré l’importance du système d’assainissement, soit dans le domaine de la santé publique soit dans celui de l’environnement. Il a été l’objet d’une négligence quotidienne [de la part] des différents gouvernements qui ont dirigé ce pays jusqu’en fin 2008, le gouvernement mauritanien….

KASSATAYA : Avant d’aller plus loin, quelles zones, quels quartiers sont couverts par le réseau existant ?

H.O.A – Il couvre le Centreville [actuel, c’est-à-dire plus ou moins l’ensemble de la capitale à l’époque]. Après la sécheresse des années 70, c’était l’exode vers la capitale. Le gouvernement de l’époque avait lancé un projet ambitieux d’extension du réseau d’assainissement qui a été financé par la Banque Africaine de Développement à hauteur de 400 million d’Ouguiyas. Trente-deux kilomètres de réseau avaient été réalisés, notamment au niveau de l’extension Ksar, de SOCOGIM Tevrag-Zeina appelée alors Extension de K-Centreville, et Medina Sidati. Depuis, le réseau d’assainissement n’a connu ni extension ni réhabilitation…

KASSATAYA : Le nouveau réseau réalisé en 1976 a-t-il été raccordé au réseau existant ? Fonctionne-t-il réellement ?

H.O.A – Non, malheureusement. Il n’a jamais été fonctionnel parce qu’il n’a jamais eu l’occasion d’être raccordé au réseau d’assainissement principal. Seulement, en 2010, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, l’Office National d’Assainissement avait pris l’initiative de réhabiliter douze kilomètres de ce réseau avec le poste de  refoulement qu’on appelle le PR6, qui se trouve actuellement à SOCOGIM Tevrag-Zeina, …et qui a été raccordé au réseau principal. Aujourd’hui, nous avons un réseau existant -qui n’est pas du tout opérationnel- d’une longueur de 18 kilomètres et qui se trouve au niveau de l’extension Ksar et Medina Sidati avec ses postes de refoulement.

KASSATAYA : M. le directeur, les habitants de Nouakchott vont se poser la question. Vous dites qu’il y’a un réseau qui couvre le Centreville. Or, on voit qu’il y’a de l’eau qui stagne en plein milieu de la principale artère de la ville, à savoir l’avenue Gamal Abdel Nasser. Comment expliquez-vous cela?

H.O.A – Il faut expliquer ce qu’est un réseau d’assainissement. Il y’a deux types de réseau d’assainissement. Un réseau des eaux usées et un autre pour les eaux pluviales. Ce que nous avons au niveau de la ville de Nouakchott, c’est un réseau des eaux usées. Mais, malgré tout, quand nous avons vu la situation au niveau de l’avenue Gamal Abdel Nasser, les dirigeants de l’Office National de l’Assainissement ont pris la décision d’ouvrir les avaloirs de collectes du réseau eaux usées pour qu’il puisse absorber l’eau pluviale. Ce qui nous a aidé à ouvrir l’axe Gamal Abdel Nasser dans les quelques heures qui ont suivi la pluie.

KASSATAYA : Le réseau de collecte des eaux usées sert aujourd’hui à collecter aussi les eaux pluviales. Donc, il n’y a pas deux réseaux qui coexistent aujourd’hui mais bien un seul qui fait office des deux ?

H.O.A – Malheureusement, il n’y a que le réseau des eaux usées.

KASSATAYA : Aujourd’hui, que faites-vous, que fait votre office, pour dépasser cette situation ? Dans l’urgence, quels sont les moyens que vous avez mis en œuvre?

H.O.A – Nous n’avons qu’un réseau des eaux usées, qui est devenu un outil très important pour aider à régler le problème au niveau du Centreville, au moins… Nous avons aussi un parc de camions-citernes…

KASSATAYA : Combien y en a-t-il ?

H.O.A – Nous avons cinq camions d’une capacité de 25 tonnes chacun, et trois hydro cureuses de 12 tonnes chacune. Ce qui fait huit camions qui sont en train de travailler jour et nuit. Nous avons une équipe qui mérite d’être félicitée …

KASSATAYA : Combien d’hommes avez-vous sur le terrain justement ?

H.O.A – Pour chaque voiture, nous avons quatre ou cinq personnes, dont deux chauffeurs et quatre manœuvres. Ensuite, nous avons pris la décision d’assurer le système de dépotage des eaux pluviales dans les stations pour qu’on puisse économiser du temps au lieu d’aller sortir chaque fois de la ville… Aujourd’hui, nous assurons le système de dépotage au niveau de notre station pour qu’on puisse gagner du temps et accélérer le travail. 

KASSATAYA : Mais, apparemment, les travaux n’avancent pas aussi rapidement que cela. Dans certains quartiers, comme la Cité Plage ou la Sebkha, certains habitants continuent encore à subir les eaux stagnantes  qui deviennent verdâtres et qui peuvent même exposer à des problèmes de santé publique? Comment expliquer la lenteur…?

H.O.A-  Vraiment, je respecte beaucoup votre parole, vous m’excusez, mais je veux dire que je ne suis pas d’accord avec vous…

KASSATAYA : Dites-moi !

Vraiment, la situation s’est améliorée. Dans les premières 24h ou 48h, nous avons défini deux priorités : ouvrir les axes pour assurer le déblocage de la circulation; deuxièmement assurer le système de vidange de l’eau pluviale au niveau des centres d’accueil de la population, dans les hôpitaux, les centres d’état-civil, les centres de recensement à vocation électorale, les mosquées et les marchés. Sur ce point nous avons beaucoup avancé… Nous avons exécuté plus de 80% de notre mission … [entretien réalisé le 22 août 2013]

KASSATAYA : Et vous pensez …que le reste sera fait dans combien de temps?

H.O.A – … Non, non attendez ! Aujourd’hui, on est à 80% d’exécution de ces points prioritaires. … Dans un second temps, nous nous attaquerons aux problèmes dans les quartiers eux-mêmes. D’abord, on va aménager des passages de secours pour les populations avec du sable. En même temps, les citernes vont aspirer l’eau usée. Une campagne d’hygiène va être lancée par le ministère de la santé. Ici, je tiens à profiter de votre antenne pour lancer un appel à la prudence à destination de toute la population de la ville de Nouakchott… Dans certains quartiers, les populations ont commencé à vider leurs fosses dans la rue …en comptant sur le fait que les pouvoirs publics vont aspirer l’eau ; donc ils en profitent pour vider leurs fosses.

KASSATAYA : C’est-à-dire que voyant des camions aspirer l’eau les populations ont voulu en profiter pour vider gratuitement leurs fosses dans la rue occasionnant ainsi un mélange entre les eaux de pluie et les déchets biologiques ?

H.O.A – Justement. Et l’Etat viendra pour aspirer ça… je tiens à le dire. C’est vrai, l’Etat va aspirer cette eau. On va assumer notre responsabilité. Mais, quand-même, vu le temps, et vu le danger pour la santé, il ne faut pas avoir ce genre de comportements.  Ça  va vous créer vous-mêmes des problèmes de santé, ou au niveau de votre environnement et  votre quartier. Donc, on tient à le dire, il faut faire cesser ce genre de comportements. L’Etat viendra. Nous allons continuer cette campagne jusqu’à ce qu’on termine au niveau de tous les quartiers de la ville de Nouakchott.  Aujourd’hui, nous rencontrons des problèmes sérieux au niveau de trois, exactement trois ou quatre  départements; ce qu’on appelle ici le pôle A de l’assainissement. Ce sont des départements qui ont une topographie particulière…

KASSATAYA : De quels départements s’agit-il ?

H.O.A – Sebkha, El Mina, Tevrag – Zeina, et une partie du Ksar.

KASSATAYA : Quel est le problème dans ces départements ? L’eau n’arrive pas à…

H.O.A-  Non. Le problème est un problème de topographie d’abord. Ce sont des zones inondables, des zones qui ont un terrain salé. Le sol n’arrive pas à absorber l’eau. Ce qui fait que l’eau stagne facilement et crée énormément de problèmes notamment au niveau de la circulation. Mais nous avons mis en place des mesures urgentes et applicables dans les prochaines heures, inchallah.

KASSATAYA : Et vous pensez que tout cela sera terminé dans combien de temps? Vous vous donnez combien de jours pour couvrir le reste de Nouakchott?

H.O.A – Nous travaillons pour terminer ça le plus tôt possible. S’il était possible de le faire dans les heures qui arrivent nous le ferions. Nous le souhaitons. Parce que vraiment, comme je viens de vous le dire, ça commence à constituer un sérieux danger pour les populations, à cause de leur comportement dont je viens de vous donner un exemple.

KASSATAYA : Alors maintenant, pour l’avenir, qu’est- ce qui est envisageable? Qu’est-ce qui est envisagé pour que Nouakchott n’ait plus à vivre ce genre de situations ? Existe-t-il des projets? Où en sont-ils? Le hollandais et le chinois par exemple ? La ville de Nouakchott va-t-elle laisser tous ces problèmes enfin derrière elle ?

H.O.A-  La solution, c’est d’avoir un réseau d’assainissement collectif qui va assurer [à la fois]la conduite des rejets des ménages et de l’eau pluviale pour la faire sortir de la ville de Nouakchott.

KASSATAYA : Ça va se faire?

H.O.A-  Nous y travaillons actuellement avec le gouvernement depuis la création même de l’ONAS. D’ailleurs, l’ONAS a été créé pour cet objet, pour régler le problème de l’assainissement sur le territoire national. Depuis sa création, il a consacré tout son temps d’abord  à la ville de Nouakchott pour plusieurs raisons. Si vous le permettez, je vais vous les citer.

KASSATAYA : Mais je vous en prie !

C’est d’abord la capitale et l’image du pays. Deuxièmement, elle abrite plus du tiers de la population, près d’un million d’habitants. Troisièmement, elle joue le rôle d’un carrefour… Si une épidémie frappait la ville de Nouakchott -nous ne le souhaitons pas-, tout le pays serait atteint dans les soixante-douze heures qui suivent. Donc, aujourd’hui, concernant le projet d’assainissement  de la ville de Nouakchott, nous sommes très avancés. L’Etat mauritanien a pu obtenir le financement. Aujourd’hui, nous procédons à une réactualisation parce que le schéma directeur que nous avons a été réalisé en 2010. Depuis, la ville de Nouakchott a connu beaucoup d’évolutions, beaucoup d’extensions. Ce qui nous oblige à réactualiser l’étude… Ce sera fait dans les prochaines semaines et dès que nous aurons franchi cette étape, inchallah, nous allons procéder à l’appel d’offres pour l’exécution.

KASSATAYA : Quand pensez-vous pouvoir commencer ? Quand allez-vous lancer l’appel d’offre ? Est-ce que vous vous fixez une date pour le commencement des travaux ?

H.O.A-  Nous l’espérons d’ici la fin de l’année 2013. Ou au plus tard…

KASSATAYA : Fin de l’année 2013, c’est-à-dire dans trois mois?

H.O.A-  ou au plus tard en 2014 pour le lancement des travaux.

KASSATAYA : Une date pour une livraison finale?

H.O.A-  L’étude évalue à deux ans la durée d’exécution des travaux pour assurer un système d’assainissement [doté d’un réseau d’] eaux usees et [d’un autre pour les eaux] pluviales au niveau du pole A, donc, pour le moment 4 départements. Peut-être qu’il y’aura un cinquième, le département de Arafat.

KASSATAYA : Qui a réalisé les études?

H.O.A-  Il s’agit de différents cabinets… Certaines études ont été réalisées pour la SONELEC [Société Nationale d’Eau et d’Electricité], la SNDE [Société Nationale de Distribution d’Eau] ; ces études ont été actualisées par  l’ONAS pour régler définitivement le problème d’assainissement au niveau de la ville de Nouakchott. Ensuite, nous nous attaquerons au problème au niveau des régions qui ont aussi besoin d’un système d’assainissement.

KASSATAYA : Qui est-ce qui finance ces travaux d’extension du réseau d’assainissement, aussi bien de traitement des eaux usées que des eaux pluviales?

H.O.A – C’est l’Etat mauritanien qui les finances … et qui subventionne selon les besoins de l’ONAS.

Entretien réalisé pour www.kassataya.com le 22 août 2013 à Nouakchott par Abdoulaye DIAGANA, retranscrit par Thiam Khaly.  

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