De l’enrôlement, en passant par le retour des flam, les perspectives des élections prochaines, le Président de la Communauté Urbaine de Nouakchott a abordé, dans notre magazine, des questions d’intérêt national, en apportant des réponses on ne peut plus exhaustives qui pourraient bien lever des zones d’ombres sur des sujets d’actualité.
Monsieur Ahmed Hamza a aussi porté un regard critique qui tranche avec la langue de bois pour livrer son opinion sur les grandes préoccupations mauritaniennes devant lesquelles les acteurs politiques ne sont pas sur la même longueur d’onde. Autant de réponses qui invitent à un débat franc et constructif. Mais, à chaque fois, se dégage, au fil des idées, une volonté de traduire, par les mots et un ton libre, une vision sur ce que doit être le rôle de l’Etat dans la préservation des droits de ses citoyens et ses responsabilités dans la conduite des affaires politiques du pays. Ahmed Hamza qui parle en homme de conviction dispose d’une expérience qu’il veut constamment mettre au service de la construction d’un Etat égalitaire qui doit faire une rupture avec le passé et ses anachronismes pour se tourner vers l’avenir. Cette interview a été réalisée en mai 2013. Nous la publions telle quelle pour sa valeur intemporelle.
Vous êtes un acteur politique de l’Opposition de longue date. Vous parvenez à assumer ce statut tout en vous ouvrant aux autres hommes politiques. Comment vivez-vous, aujourd’hui, dans votre conscience la situation du pays, notamment, sous le magistère du Président AZIZ ? Vous ne trouveriez pas comme certains que c’est un dictateur qui gouverne sans partage ?
Certes, comme vous l’avez dit, j’ai toujours, été un opposant, mais cela ne m’a jamais empêché de tendre la main à tous ceux qui veulent participer à la construction de la Mauritanie, sans exclusion aucune. J’ai opté pour une opposition constructive qui œuvre à l’amélioration constante des conditions de vie de mes concitoyens. Je m’opposais non pas à des personnes, mais à des systèmes.
Aussi, je vous dirai, qu’en tant que démocrate, je me suis toujours opposé à toute dictature militaire et à tout régime issu de putsch militaire ne pouvant déboucher, lui également, que sur un régime totalitaire. Le régime actuel de AZIZ ne fait pas exception à cette règle, car issu d’un putsch militaire, même s’il y a eu des élections par la suite. En effet et en dépit des réalisations non négligeables qu’on lui reconnaît, et malgré le fait que mot dictateur que vous lui attribuez soit un peu trop fort, il faut reconnaitre quand même que la liberté de la presse indépendante est une réalité visible et que les revendications quotidiennes des citoyens dénotent d’un désir de liberté, ce qu’on ne connait pas dans les dictatures. Mais je conçois avec vous que le Président dirige le pays sans partage. Il est le seul maître à bord.
Sur un autre plan, je rappellerai que, bien qu’élu président de la CUN sous la bannière de l’Opposition, je n’ai, soucieux de l’intérêt de mes administrés, cessé de tendre la main au régime actuel ; main qui n’a rien pu recueillir.
Enfin et toujours dans le cadre de la réponse à votre première question, je vous dirai, qu’en tant que démocrate convaincu, je me suis toujours ouvert aux autres acteurs politiques dont je respecte les points de vue même s’ils ne recoupent pas les miennes.
Etes-vous parmi ceux qui pensent que la Mauritanie est un pays ingouvernable, faute d’hommes de conviction ?
Oui, je partage, en partie votre réflexion en affirmant que ce sont bien les grands dirigeants qui font la grandeur d’un pays. Il n’en demeure pas moins que, dans l’absolu, il n’ ya pas un Etat qui ne soit pas gouvernable. Mais cette possibilité reste conditionnée par l’existence de dirigeants qui , tout d’abord , disposent de la légitimité nécessaire , de l’engagement suffisant , du gabarit adéquat , et des compétences indispensables pour relever les nombreux défis qui attendent tout Chef d’Etat , surtout , d’un pays en développement comme le nôtre .
Pour étayer cette argumentation revenons-en peu en arrière, à l’histoire de l’Etat moderne en Mauritanie. L’on se rendrait facilement compte de la véracité de nos propos ? En effet , si l’on prenait l’exemple du premier Président mauritanien , feu Moktar OULD DADDAH , l’on découvrirait que celui-ci , avec le peu de moyens humains et de ressources financières et économiques dont disposait le pays à l’époque , a réussi , sur le plan extérieur , à placer la Mauritanie à une position que beaucoup d’autres Etats lui enviaient . Au plan intérieur et en dépit du système du parti unique, les grands fondements du développement socio-économique du pays ont été mis en place.
Aujourd’hui , alors que la Mauritanie dispose de plus de moyens humains et de plus de ressources financières et économiques , d’une expérience en matière de démocratie de plus de 20 ans , le pays piétine et s’enfonce , chaque jour , davantage dans la crise . A cela plusieurs causes dont , en particulier , l’absence de légitimité et d’assise populaire chez les régimes successifs ( militaires) qui se sont succédé en Mauritanie depuis le coup d’Etat de juillet 1978 , exception faite du bref intermède du régime civil démocratique ( même si ce n’était qu’en apparence ) de Sidi OULD CHEIKH ABDALLAHI .Tous ces régimes ont , également souffert de l’absence de maturité politique , de la mauvaise gouvernance ( mauvaise utilisation des ressources économiques et des compétences humaines disponibles).
Il devient indispensable de concevoir un système dans lequel les membres du gouvernement soient scindés en deux groupes de ministères issus, l’un, de vote populaire ayant une légitimité ( députés ou maires) pour pouvoir peser dans la décision gouvernementale, quant au deuxième groupe , il serait composé de techniciens apolitiques, si c’est possible, reconnus au niveau national pour leur compétence et leur dévouement .
Aussi, pour occuper certains départements techniques, est-il inadmissible de nommer des personnes qui n’ont jamais occupé des responsabilités, sans expérience aucune et qui brûlent toutes les étapes pour se retrouver ministre. C’est ainsi qu’on se retrouve face à des situations de blocage dans lesquelles des responsables n’osent pas prendre des initiatives et tout le monde attend des instructions. Et quand l’initiative est tuée, on n’avance nulle part. C’est comme si un caporal aller gérer un Etat major alors que dans l’armée il faut un plan de carrière et une évolution de grade.
En fait, privilégions les nominations qui rassurent et cela à travers les promotions internes comme le cas du trésorier général et son ministre qui sont un pur produit de leur département.
Bien que la Mauritanie ne soit pas encore sortie de l’impasse politique, des élections sont en vue. Trouvez-vous cela logique ?
Oui, il s’agit d’une impasse politique qui n’a que trop duré et qui est, principalement, le fruit du manque de concertation et de dialogue politiques entre Opposition et Pouvoir.
Je rappellerai, dans ce cadre, qu’il revenait au Président AZIZ et à son Régime de prendre les mesures nécessaires pour décanter la situation, au lieu de continuer à gérer la continuité de la crise.
Je reproche aussi à l’Opposition sa position radicale allant jusqu’à réclamer le départ de AZIZ et son manque de réceptivité. Ce qui n’arrange pas les choses.
S’agissant des prochaines élections parlementaires et municipales, laissez-moi vous dire, d’emblée, que le Parlement et les conseils municipaux issus des dernières élections ont dépassé largement leur mandat légal.
Devant ce constat regrettable, je pense sincèrement qu’il faille prendre toutes les précautions nécessaires pour garantir la crédibilité et la transparence des futurs scrutins , même si cela imposait leur report de quelques mois supplémentaires par rapport à la date fixée par la CENI et, pourquoi pas, en profiter pour organiser en même temps et les présidentielles et les législatives. Cela coûtera moins cher pour un pays pauvre. Car il s’agit de délai très rapproché ne pouvant pas faciliter le consensus politique indispensable dans ce domaine. Rien de grave dans un tel report si c’était pour mieux faire et si l’on sait que l’on a déjà patienté près de deux ans pour aller à des élections crédibles, transparentes et susceptibles d’être acceptées par tous les concurrents.
Mais la garantie d’un scrutin crédible et transparent passerait, selon mon point de vue par :
a- Le dépassement par tous les acteurs politiques de leurs actuelles querelles stériles pour s’asseoir autour d’une même table pour entamer un dialogue franc, sincère et inclusif ; il y va de l’intérêt général de tous les mauritaniens ;
b- La mise en place d’un Gouvernement d’union nationale chargé de gérer une période de transition pas trop longue mais suffisante pour bien gérer les prochaines élections qui doivent être crédibles, transparentes et reconnues par toutes les parties impliquées, serait une bonne chose, cependant , cela ne doit pas être une source de blocage pour aller aux élections ;
c- La prise des mesures nécessaires pour faciliter et accélérer l’enrôlement de tous les Mauritaniens de l’intérieur et de l’extérieur pour obtenir un fichier électoral fiable et crédible pour tous ;
d- La mise en place d’une CENI consensuelle.
Ces suggestions rejoignent, en partie, les grandes clauses de l’Initiative du Président Messaoud OULD BOULKHEIR dont je suis membre, en ma qualité de représentant des maires de Mauritanie , sans renier ma position de membre de la COD et de mon parti, le RFD. Une initiative que j’appuie entièrement, en tant que patriote, soucieux de l’avenir de son pays et que doivent soutenir tous ceux qui veulent du bien pour la Mauritanie pour la faire aboutir le plus tôt possible.
Le visage de la CUN a considérablement changé depuis votre arrivée à la tête de cette institution .Cela vous encourage-t-il à briguer un second mandat ?
Malgré un état des lieux déplorable de la CUN à mon arrivée ( fort endettement , personnel pléthorique avec d’importants arriérés de salaire , locaux délabrés , etc.) , cette institution se trouve aujourd’hui dans une situation relativement confortable avec un bilan de gestion positif (dettes épongées , existence d’un personnel de qualité et en quantité suffisante , un solde créditeur au trésor public de plus de 3,5 milliards d’UM ,nombreuses réalisations sociales : construction de routes ; adduction d’eau , éclairage public , tec .) dont je ne peux qu’être fier .
En dépit de ces sources de satisfaction, je suis quelque peu déçu. Car comme on dit chez nous « une seule main ne peut pas applaudir ». La CUN a, certes, pu faire ce qu’elle pouvait faire à son niveau, mais elle ambitionnait plus et pouvait mieux faire et faire plus si elle avait bénéficié de l’appui conséquent des Pouvoirs publics. Beaucoup d’opportunités de nature à servir nos populations nous ont échappé. Plusieurs financements extérieurs obtenus par la CUN n’ont pu aboutir faute simplement de terrains de construction pour l’implantation des projets objet de ces financements .C’est le cas, notamment, de la construction d’un marché moderne, l’aménagement d’espaces verts et d’une esplanade.
Pour ce qui est de l’éventualité pour moi de briguer un second mandat à la tête de la CUN, ma candidature n’est pas évidente dans les conditions actuelles. En effet, le statut actuel de la ville de Nouakchott avec 9 communes autonomes est un réel frein à sa bonne gouvernance. Nouakchott avec une mairie centrale est plus appropriée. Aussi, faut-il renforcer la décentralisation, en élargissant le pouvoir et les prérogatives des élus. Gérer une ville tentaculaire comme Nouakchott, dans ces conditions, n’est pas chose aisée. J’aurai donc préféré un mandat parlementaire.
Néanmoins, l’Opposition doit reste soudée, en rang serré pour remporter un second mandat à la tête de la CUN.
A ces considérations d’ordre général, il faudrait ajouter d’autres considérations, cette fois-ci, d’ordre personnel. Non seulement , je suis un peu fatigué , car il s’agit d’un travail difficile et absorbant qui ne me laisse que très peu de temps pour m’occuper de mes affaires personnelles que j’ai quelque peu négligé faute de temps disponible . Affaires que je voudrais reprendre en main pour mieux m’en occuper. Par ailleurs, sur le plan politique, je ne suis pas le seul à en décider, il y a, notamment, mon parti, le RFD et, éventuellement, la COD.
Cela dépendra aussi de l’évolution future de la situation politique dans le pays.
En tout état de cause, candidat ou non à un autre mandat à la CUN, je ne regrette pas cette riche expérience et les importants sacrifices que je crois avoir consentis dans l’intérêt des populations nouakchottoises en particulier, et mauritaniennes, en général. Je réitère ma disponibilité à servir mon pays et mes concitoyens sous la forme qui conviendrait le mieux.
Vous avez obtenu plusieurs distinctions en Afrique et dans le Monde. A quoi tiennent ces succès ?
Je ne vous surprendrais pas en vous disant que l’obtention de ces décorations est la consécration de la présence mauritanienne partout dans les forums regroupant les principales cités africaines, arabes, musulmanes francophones et des autres continents. Forum au sein desquelles notre pays occupe d’importants postes : de vice-présidence ou de membre du Bureau exécutif.
Ces distinctions sont le fruit de notre dynamisme dans le cadre de la diplomatie des villes et du rôle que nous avons joué pour promouvoir les grands espaces culturels, comme c’est le cas, notamment, de la francophonie.
Aussi ces titres honorifiques décernés par sa Majesté le Roi du Maroc, les Présidents français, sénégalais et du Congo Brazzaville témoignent-ils de l’estime que ces dirigeants portent à mon pays et à son dynamisme sur le plan international, par le biais de ma modeste personne.
Pensez-vous que ces distinctions sont de nature à donner une image de la Mauritanie comme exemple de démocratie en Afrique ?
A priori, rien n’empêche la Mauritanie de devenir un exemple de démocratie en Afrique. Il suffit pour y parvenir que les Mauritaniens, en général, et, plus particulièrement, leur élite politique en aient la conviction et la volonté. Que, tous sans exclusivité aucune, y travaillent, la main dans la main, avec sincérité et engagement. Qu’ils acceptent, enfin, les règles du jeu démocratique.
Est-il vrai que l’Organisation des travailleurs Mauritaniens en France vous avait soumis certaines de leurs doléances pour que vous interveniez en leur faveur auprès des pouvoirs publics mauritaniens. Cela concerne, en particulier, la facilitation de leur enrôlement. Que pouvez-vous répondre à ce syndicat ?
J’ai effectivement reçu des doléances de la part des membres de cette Organisation ; doléances que j’ai aussitôt transmises au Directeur du Cabinet du Président de la République, tout comme j’en ai fait parvenir une copie au ministre de l’Intérieur dont relèvent les services de l’Etat civil. C’est tout ce qui était en mon possible de faire. Et si ce problème dépendait de moi, il aurait était résolu illico-presto, malgré que l’Etat ait enlevé aux élus la qualité d’officier d’Etat Civil, ce que je trouve anormal dans une démocratie.
Bien que les documents biométriques infalsifiables soient une grande évolution, mais il faut le dire parmi les agents dans les bureaux de recensements on trouve beaucoup de chauvinisme et il est évident que certains de ces agents ont un comportement raciste et font obstruction pour certains citoyens.
Toutefois, je trouve anormal que des Mauritaniens se trouvant en France, sans carte de séjour parce qu’ils sont soit étudiants sans bourse, soient des travailleurs émigrés sans papiers ou enfin des malades se soignant dans l’Hexagone, ne puissent pas bénéficier de l’appui de leur gouvernement. Notre Ambassade et notre Consulat en France se devaient de porter assistance à ces citoyens mauritaniens au lieu de chercher à leur compliquer la vie. Cela est d’autant plus vrai qu’il s’agit, pour la plupart, de réfugiés économiques qui malgré, leurs conditions de séjour assez difficiles, aident leurs familles restées au pays.
Nos diplomates ne doivent pas se substituer aux services d’immigration français, l’exigence de carte de séjour est illégal car n’étant pas un document mauritanien et mettra beaucoup de Mauritaniens en situation irrégulière et contribuera à leur éventuelle expulsion. Il est vrai que, par le passé, des étrangers ont eu recours à des documents mauritaniens pour bénéficier de carte de séjour ou de naturalisation. Ces personnes ayant atteint leurs objectifs n’ont plus besoin de s’enrôler. Mais quand d’autres, plus sincères, font le rang, sous la pluie et le froid, devant un centre d’enrôlement, cela veut dire qu’ils sont bien Mauritaniens et qu’ils tiennent à leur mauritanité.
L’Etat mauritanien doit être au service de tous ses citoyens où qu’ils se trouvent et quels qu’ils soient.
Avez-vous rencontré des dirigeants du mouvement des FLAM ? Que pensez-vous de leur redéploiement au pays ?
Non, je n’ai, malheureusement, pas eu l’occasion de rencontrer des responsables de ce mouvement. Concernant le second volet de votre question, je pense que le redéploiement des FLAM au pays est une bonne chose dont il faut se féliciter. En effet, tous ces compatriotes qui ont choisi de retourner au pays doivent y être accueillis à bras ouverts. L’on doit également les aider et essayer de leur faire oublier leur calvaire pendant leur exil. Ce sont nos frères avec qui nous devons, ensemble, s’atteler à construire une Mauritanie unie, démocratique, prospère et fière de sa diversité culturelle.
Par ailleurs quelle est votre appréciation de deux autres organisation comme le mouvement « touche pas à ma nationalité » et l’IRA ?
Il est incontestable que la donne du combat change et aujourd’hui, il y a une nouvelle génération qui se trouve à travers ces deux entités.
Certes, je n’ai, malheureusement, jamais rencontré les dirigeants qui animent le « MTPN », mais je tiens à dire que j’apprécie et respecte leur combat. Je trouve, en effet, qu’ils sont admirables et courageux. Je leur demande de continuer ce combat juste. Quant à l’IRA, je connais très bien son président qui est un frère et je confirme qu’il a réalisé en peu de temps ce qu’on a essayé de faire depuis plusieurs années. Il est manifeste également que sa popularité est en nette croissance. Ce qui prouve que son combat est apprécié car les populations ne vont pas spontanément chez quelqu’un, sauf s’ils approuvent ce qu’il fait. En fait, je pense que ceux deux organisations deviennent incontournables dans le paysage politique actuel.
Certaines personnes trouvent que, lors des forums régionaux ou internationaux, vous êtes trop proches des Sénégalais et des Marocains, à telle enseigne qu’on vous croirez membre des délégations marocaine et sénégalaise ou porte-parole de celles-ci. Aussi, certains de vos collègues pensent-ils que vous en faites plus qu’il ne faut, dans le soutien du Maroc et du Sénégal .Que répondez-vous aux uns et aux autres ?
Permettez-moi de vous dire, d’emblée, que ces jugements ne sont faits que d’amalgame et de manque de lucidité. En effet, ce rapprochement avec les Sénégalais et les Marocains n’est, somme toute, qu’une conséquence logique de l’appui sans faille que ces derniers m’ont apporté, à moi-même, mais surtout à la Mauritanie ; appui qui m’a permis d’accéder aux titres et postes internationaux que vous connaissez.
C’est donc grâce au lobbying que j’ai pu mettre en place avec les représentants de ces deux pays que mon cher pays, la Mauritanie, a pu accéder, à travers ma modeste personnalité, à plusieurs hautes responsabilités dans les instances régionales et internationales concernées par les activités des collectivités décentralisées. Ce qui doit être, pour tous les Mauritaniens, source d’honneur et de fierté.
Sur un autre plan , appartenant à l’ensemble tribal des OULAD BOU SBA qui a ses lointaines racines au Maroc et à une famille qui s’est installée au Sénégal depuis plus d’un siècle et demi et où plusieurs de ses membres ont continué à y vivre ( y compris mes parents directs et moi-même qui y ai passé toute ma jeunesse et ayant une culture sénégalaise ) , en parfaite harmonie jusqu’après l’indépendance de la Mauritanie en 1960 , je ne vois aucune raison qui me pousserait à ne pas aimer ces deux pays qui font partie de moi-même .
Mais cet attachement est réciproque et si j’ai rendu service au Maroc et au Sénégal, je ne leur ai pas fait plus que ce que je leur dois, à titre personnel, mais également au nom de la Mauritanie. Par ailleurs, je ne me suis jamais senti un étranger dans ces pays
A ces considérations que je crois légitimes s’ajoute le grand respect et la très grande admiration que je voue à ces chourava feu le Roi Hassan II pour sa vision politique et son intelligence et à son fils, l’actuel Roi Mohamed VI pour son ouverture démocratique et les grandes réalisations qu’il a faites pour son pays et son peuple.
Mais, en dépit de cet attachement particulier au Maroc et au Sénégal, j’ai toujours eu à l’esprit le souci de servir, d’abord , ma patrie-mère , la Mauritanie, mais également celui de rapprocher les peuples frères de Mauritanie , du Sénégal et du Maroc dans leur intérêt réciproque. Tout comme je considère d’une grande nécessité géopolitique et sécuritaire pour le développement des pays de la sous-région le raffermissement des relations de la Mauritanie avec tous ses voisins.
C’est ma façon de voir les choses et personne ne devrait m’en vouloir. Je me sens un africain tout simplement
En votre qualité de président de l’Association Mauritanienne de la Francophonie-une structure qui n’a rien à voir avec l’Alliance franco-mauritanienne de Nouakchott que vous présidez-quel est votre point de vue par rapport au recul, de plus en plus notoire, dans les écoles et universités mauritaniennes ?
Nonobstant le statut de l’arabe comme langue officielle de la Mauritanie, il n’en demeure pas moins que le français est encore une langue essentielle de travail et de partage des expériences dans le pays. Ainsi, exception faite des départements de la Justice, de l’Education nationale et des affaires Islamiques, toutes les autres administrations, en plus du secteur privé dans sa globalité, l’essentiel des dossiers est traité en français.
Au-delà de cette réalité, le problème des langues me paraît être un faux débat qui doit être dépassé au moment où les langues qui ont tendance à s’imposer sur le plan international, économique, en particulier, sont désormais, le chinois, le portugais (pour le Brésil) et l’hindou.
Ceci étant, il y a lieu de rappeler que nos premières générations postindépendance apprenaient en arabe et en français. Ce bilinguisme ne posait aucun problème. Quant aux réformes éducatives successives dans notre pays elles n’ont eu comme résultat que la baisse continue des niveaux scolaires, en plus des nombreux problèmes que vous connaissez.
Aujourd’hui et au moment où l’on envisage une énième réforme de notre système éducatif, nous croyons à la nécessité pour cette réforme d’accompagner les mutations en cours dans le Monde et cela si l’on voudrait plus de performance pour ce système.
Ainsi, au fondamental, nos enfants devraient-ils apprendre l’arabe et le français et nos langues nationales pour pouvoir se parler et échanger entre eux dans les langues du pays. L’exemple du Maroc où l’on commence à enseigner le berbère dans les écoles est un exemple édifiant dont on pourrait s’inspirer largement.
A partir du secondaire, pourra être introduit, de façon obligatoire et en plus de l’arabe et du français, l’enseignement de l’anglais, langue principale au niveau mondial. Et pour quoi pas une quatrième langue vivante (espagnol, allemand) ?
Cette ère de globalisation des échanges au plan international nous impose, comme elle impose aux autres pays, de parler le plus grand nombre de langues possibles. C’est l’un des grands défis qu’il faut relever. Le reste n’est qu’atermoiements stériles.
Si, un jour, vous étiez amené à diriger la Mauritanie, comment vous vous y prendriez ?
(Rire) J'ai l’impression que vous me cherchez des problèmes, mais laissez moi tranquille, je n’arrive pas déjà à régler les problèmes de Nouakchott.
Bien que votre question soit prématurée, cela ne m’empêche pas d’énumérer ce que je peux considérer, comme à l’image des dix commandements, une feuille de route aux futurs candidats pour bien gérer un pays comme le nôtre.
En effet toute bonne gestion ou bonne gouvernance passe par :
1 – L’égalité et la justice pour tous les citoyens ;
2 – La défense de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du pays ;
3 – La préservation et le renforcement de l’unité et de la cohésion nationale ;
4 – Assurer l’accès des mauritaniens aux services de base que sont, l’éducation, la santé, l’eau potable et l’éclairage à travers une gestion de proximité qui passe bien sûr par une vraie décentralisation en renforçant les pouvoirs locaux;
5 – Garantir l’autosuffisance alimentaire par la revalorisation de nos ressources agro-pastorales et halieutiques ;
6- Donner à la femme mauritanienne la place qui lui sied dans une société démocratique.
7 – Assurer l’intégration de l’économie mauritanienne à l’économie internationale, tout en conciliant préservation des intérêts nationaux et Mondialisation
8 – Restaurer au pays son rôle de charnière et de trait d’union entre les deux mondes africain et arabo-musulman ;
9 – L’ancrage d’une réelle culture démocratique basée sur les principes de la citoyenneté et du respect de l’autre ;
10 – La valorisation de notre patrimoine culturel et de notre diversité culturelle et linguistique ;
11- Assurer la promotion de la jeunesse par les activités culturelles, sportives et de divertissement ;
Cette liste de mesures/engagements qui s’apparenterait à un programme électoral intègre tout ce qui peut contribuer au mieux-être des populations mauritaniennes et pourrait faire de la Mauritanie un pays de référence , où il fait bon de vivre et où tous les citoyens sont égaux en droits et devoirs .
Propos recueillis par CID et OFM
Source : Le Magazine de l’économie/Synergies n°001 septembre-octobre 2013 via Noor Info le 28/08/2013{jcomments on}
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