L’AMDH organise une rencontre avec les migrants

Maître Fatimata Mbaye. Crédit photo : Tahalil Hebdo

 

 

 

Dans le cadre du projet Loujna Tunkaranké, l’Association Mauritanienne des Droits Humains (AMDH) a organisé ce 29 juin à son siège, une rencontre avec les migrants pour échanger sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans l’exercice de leurs métiers ou dans le cadre de leur séjour.

L’AMDH a mis à la disposition de la communauté des migrants, un avocat pour les accompagner et les assister dans leurs difficultés. Me El Ide Mohameden Mbareck, avocat à la cour, a exposé sur la façon d’assister les migrants. D’emblée il a campé le décor afin de faciliter l’échange et de mieux aider à la compréhension de cette collaboration dont l’AMDH demeure l’artisan principal.

Le projet Loujna Tunkaranké vise la défense et la protection des droits des migrants. Il concerne le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, la Côte d’ivoire etc. Cette rencontre entre l’avocat et les migrants a été l’occasion d’échanger sur les difficultés rencontrées et les possibilités offertes en matière d’assistance judiciaires au profit des migrants.
Les migrants qui méconnaissent le régime juridique de la Mauritanie sont, selon l’avocat très souvent confrontés à d’énormes difficultés. Toutefois, Me El Ide s’est dit disponible à accompagner les migrants ou leur offrir des consultations gratuites afin que ces derniers soient éclairés sur leurs devoirs et leurs droits. Il a à cette occasion expliqué en détail les mécanismes juridiques et les procédures de recours possibles pour les migrants. Il a précisé que cette assistance couvre toute la scène de procédure dans son ensemble. C’est-à-dire depuis le déclenchement de la procédure (dépôt de la plainte) jusqu’à son terme. «A l’absence de l’avocat défenseur, le migrant risque d’encourir des peines lourdes » a dit Me El Ide. C’est pourquoi, il a conseillé aux migrants de toujours recourir à l’assistance d’un avocat à partir même de la police. En dépit des difficultés de communication de la langue (arabisation de la justice), les accusés sont parfois exposés car le procureur n’arrive pas suffisamment à avoir le contradictoire nécessaire bien éclairci de l’accusé, a-t-il dit.
Au sujet de la cour criminelle compétente pour juger des crimes, il a indiqué que là aussi il faut connaitre les mécanismes. Pour les recours, Me El Ide a précisé qu’il est possible de le faire dans l’intervalle de 15 jours en matière pénale après le jugement sinon, l’accusé ne pourra plus avoir la possibilité de recourir. Seul en matière civile où le recours peut intervenir dans l’intervalle de 30 jours.
Me El Ide a révélé que la plupart des prisons visitées dans le pays, abritaient des prisonniers en majorité de migrants. En Mauritanie, le fait qu’on soit étranger expose cette personne à une vulnérabilité, a-t-il dit. Ce qui aiderait à l’étranger de surmonter cette difficulté, c’est de demander la lecture et la traduction du PV. Il conseille aux accusés de demander aux services de l’interprète de lire le PV pour mieux comprendre les faits qui leur sont reprochés. En outre, l’autre difficulté, les migrants méconnaissent certains aspects liés à la charia.
Selon Me El Ide, pour les condamnations au-delà de 5 ans, le condamné est obligé de faire recours au service d’un avocat. Le migrant quelque soit son statut, bénéficie du même régime social que le mauritanien et de la protection de l’Etat.
La Mauritanie a un régime spécifique. Les délits, des peines qui vont de 0 à 5 ans d’emprisonnement ferme. Les tribunaux spéciaux près des wilayas (régions) sont des juridictions compétentes. Les cours criminels jugent au-delà de 5 ans et les chambres civiles compétentes pour juger les mariages, les assurances, les conflits pécuniaire, le travail (trois tribunaux Nouakchott, Kiffa et Nouadhibou), les chambres administratifs (entre l’Etat et les populations pour les litiges fonciers).
En outre, Me El Ide a souligné que «la Mauritanie a de bons textes mais l’application fait défaut» alors qu’elle a ratissé beaucoup de conventions. Il a conseillé de toujours saisir les Ong qui pourront s’en saisir du dossier et interpeller les autorités sur une éventuelle violation de droits humains. Toutefois, il a soulevé le cas de manque de coordination et de solidarité des migrants qui les expose à tout. «Malgré les formations faites pour les officiers de la police judiciaire, les magistrats, nous avons toujours des problèmes d’application » a-t-il dit. Pour ce faire, «il faut que l’action des migrants soit collégiale pour faciliter le travail des Ong et des avocats ».
Pour sa part, Daouda Sarr, Coordinateur de l’antenne AMDH de Rosso, il a souligné qu’un projet de loi sur l’entrée et la sortie en Mauritanie qui éclaircit en détail est proposé mais n’a pas encore été voté même si les autorités l’appliquent. L’AMDH a pris les devants en élaborant un guide composé de textes juridiques au profit des migrants. Toutefois, il a été souligné que les migrants doivent s’enquérir des conditions de séjour dès leur arrivée dans le pays d’accueil.
Interpellé sur l’emploi des migrants, Me El Ide Mohameden Mbareck a précisé qu’il faut toujours demander une pièce qui pourrait justifier votre relation avec l’employeur (contrat de travail, permis de travail, carte professionnelle, badge, bulletin de paye etc.). Cela permettra en cas de litige de justifier le lien entre l’employé et l’employeur.
Au sujet des mariages, les migrants (catholiques) ont posé le problème de manque de reconnaissance pour une union entre eux. Il ne leur est pas permis d’avoir un document justifiant leur mariage (certificat) selon une migrante. A ce sujet, Me El Ide a évoqué l’article 11 du code des obligations matrimoniales. Mieux, ce n’est pas la Mairie dans le cas d’espèce (Mauritanie) c’est le Cadi (autorité civile locale reconnue par l’Etat) qui a les compétences de le faire. Ce problème est quasi vécu par certains citoyens mauritaniens a-t-il dit.

 

Comment saisir l’AMDH

 

L’AMDH en collaboration avec le Cabinet Conseil de Me El Ide Mohameden Mbareck a mis en place des personnes disponibles pour assister et accompagner les migrants dans le besoin. D’abord, par le canal du conseil de Me El Ide avec l’assistance de l’AMDH. Cette assistance se fera à partir même de la police jusqu’à la fin de la procédure judiciaire si l’affaire est transmise au tribunal. Mieux, avant d’aller au tribunal, il faut saisir le service de l’avocat conseil. Pour la défense et le recours qui pourraient exiger des documents à fournir, tout cela se fera en rapport avec l’avocat. Toutefois, les migrants ont souhaité que l’AMDH fasse mieux en mettant l’accent sur la collaboration étroite et permanente.
C’est le moment choisi par Me Fatimata Mbaye, présidente de l’AMDH pour soutenir qu’il y a des améliorations au niveau de la justice sauf dans les commissariats où l’on assiste toujours à des harcèlements, des intimidations, des extorsions de preuves …). A la question de savoir quelle différence y’a-t-il entre le citoyen et le migrant, Me Mbaye a indiqué que « la seule différence ce sont les documents ». Car « nous sommes tous des citoyens du monde ». Toutefois, il a souligné que le pays d’accueil est dans l’obligation de protéger toutes les personnes qui vivent sur son sol y compris les étrangers. La Mauritanie ayant ratissé la convention internationale de protection des migrants et de leurs familles. Malheureusement, le migrant aussi bien le citoyen n’a pas connaissance de cette loi et de tant d’autres. En tout état de cause, l’AMDH essaie par ses moyens de sensibiliser et de porter à la connaissance des migrants et des citoyens ces lois en dépit des abus de pouvoir et des excès de zèle des autorités notamment policières. Toutefois, souligne-t-elle, l’idéal, est que le migrant doit aussi rester en relation avec son pays. «Nous sommes très conscients des problèmes auxquels vous êtes confrontés. Nous avons une oreille qui écoute, une main qui tend».
Par ailleurs, elle indiqué que la Mauritanie doit savoir qu’elle a des relations spécifiques avec les autres pays. « A notre niveau, nous voulons défendre le principe de la libre circulation des personnes et des biens. Le fait que la police entre dans les domiciles, dans les lieux de travail pour exiger des papiers, est une violation des droits humains. Nous ne pouvons pas vous aider si vous ne venez pas vers nous. Il ne faut pas vous laisser avoir. Le soleil sèche ce qu’il voit» a-t-elle martelé.
Toutefois, les migrants invités se sont réjouis d’être impliqués par l’AMDH dans le cadre de ce projet important et de l’assistance juridique. Ils ont souhaité que cette collaboration se poursuive au mieux en vue d’aider les migrants à faire face à leur situation. Certains ont même demandé une autre rencontre du genre pour créer une dynamique de partenariat dans ce sens. Pour les organisateurs, «nos portes sont ouvertes et nous sommes entièrement disponible. La preuve, nous avons recruté un avocat conseil pour vous assister dans vos difficultés », soutient Daouda Sarr qui a dit qu’une journée sera organisée pour remettre aux migrants le guide des textes juridiques.

Compte rendu Ibou Badiane

Source  :  Tahalil Hebdo le 29/06/2013{jcomments on}

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