Alcoolisme et terrorisme : la réputation des Mauritaniens à l’étranger

afp.com/Jeff PachoudIl y a un peu plus de deux semaines, j’étai invité à un colloque en France, dans la ville de Lyon. A la fin des travaux, un repas fut organisé en l’honneur des participants. A ma table, il y avait un Japonais, un Iranien et trois Français.

Après avoir fait un cours magistral sur le bon vin millésimé servi ce soir, un des Français en proposa aux autres convives. Arrivé à mon niveau, il hésita un moment et me demanda s’il pouvait m’en offrir. Je le remerciai tout en déclinant poliment sa proposition. Il s’est alors excusé en m’expliquant qu’il ne savait pas trop quoi faire parce qu’il avait côtoyé quelques Mauritaniens qui eux ne s’étaient pas privés. Ne sachant comment le prendre, je gardai le silence.

C’est alors qu’un second convive ajouta que la situation était cocasse parce que justement à Lyon, quelques jours avant, un arrêté avait été pris à cause des dérapages et des nuisances multiples liés à la consommation d’alcool. Le plus paradoxal était justement qu’un ressortissant Mauritanien, « habitué des cellules de dégrisement au commissariat » était souvent cité pour les troubles à l’ordre public en état d’ébriété. D’après lui, ce Mauritanien fait parti de ceux qui ont provoqué l’adoption de la mesure restrictive. Le débat s’engagea alors sur la nature de la société mauritanienne, « parce que, vous savez, on est un peu perdus parce qu’en entendant parler de République Islamique, on s’attend à une situation à la saoudienne, avec des flagellations, des mains coupées… »

Je sentais la colère monter en moi et j’étais sur le point d’exploser. Pour qui se prenaient-ils pour juger mon pays ? Vais-je laisser passer cette insulte ? Je n’ai pu m’empêcher de penser à ces contrôles serrés pratiqués sur moi et sur beaucoup de mes compatriotes avec qui j’ai partagé mes expériences, juste à cause du port d’un passeport mauritanien : nos compatriotes qui ne sont pas allés en occident, surtout aux USA, ne le savent pas, mais avoir le passeport mauritanien c’est être suspecté d’appartenir à un réseau terroriste. Voilà que maintenant on cherche à nous coller l’étiquette d’ivrognes. Mais avant même que je puisse dire un mot, mon voisin Iranien pris la parole : « vous savez, je comprends parfaitement que cette situation puisse vous dérouter. En général le public occidental n’a de nos pays qu’une vision qui se réduit à ce que montrent les journaux télévisés. Mais même en Iran, un pays où la religion et l’Etat sont confondus, la vie quotidienne est moins régie que vous ne pensez. Savez-vous qu’il est possible de changer de sexe en Iran et que derrière les murs des maisons beaucoup de soirées privées sont organisées où circulent l’alcool et l’héroïne ? »

Cette intervention m’avait permis de relativiser les choses et de me calmer. Je précisai à mes interlocuteurs que c’est justement pour éviter les méfaits de l’ébriété que l’alcool avait été interdit dans l’Islam. Je rappelai que sur ce plan, le vin était une tradition et une industrie en France et que rien que pour cela, les pouvoirs publics ne vont jamais oser aller jusqu’à son interdiction. Ils se contentent de rappeler que l’abus d’alcool est dangereux et sévissent contre ceux qui prennent le volant en étant ivres parce qu’ils mettent en danger leur vie et celles des citoyens. Pour détendre l’atmosphère, je terminai en ajoutant qu’il fallait de tout pour faire un monde et que la Mauritanie exportait aussi des scientifiques de haut niveau ou des imams qui prêchaient un islam tolérant et juste.

Je ne sais plus comment la discussion a bifurqué vers la crise grecque mais j’en ai remercié le ciel, parce que j’étais très mal à l’aise pour je ne sais quelle raison. Sans faire de morale, j’ai tenu à partager cette expérience avec vous afin de rappeler comment une image peut être ternie parfois pour des détails.

Mohamed Yahya Ould Taqi

Reçu à KASSATAYA le 23 juin 2013 à 20h55

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Dépêche de l'AFP reprise par Le Parisien

La vente d'alcool à emporter interdite à Lyon après 22H00, jusqu'au 30 septembre

La ville de a annoncé mardi qu'elle interdisait la vente d'alcool à emporter après 22H00, et ce jusqu'au 30 septembre 2013 inclus, pour lutter contre les dérives de l'alcoolisation sur l'espace public.
Renouvelant un dispositif déjà mis en place à l'été 2011 puis en 2012, l'arrêté municipal interdisant la vente d'alcool à emporter sur Lyon est entré en application le 13 mai.
Selon la mairie, ce "phénomène récent" d'alcoolisation massive "conduit, les nuits d'été, à des troubles et des atteintes à la sécurité des personnes ne permettant plus d'assurer des ambiances festives et sereines tant pour les noctambules que pour les riverains".

La municipalité a aussi annoncé qu'elle poursuivait avec la direction départementale de la sécurité publique du Rhône (DDSP) et SOS Médecins Lyon, un partenariat pour la prise en charge des ivresses publiques pendant l'été.

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