Cette fois, c’est au fin fond du Hodh Chargui que les trois traditionnels sont servis. Un compagnonnage véritablement hétéroclite.
Il y a de tout : Un ministre de l’Iguidi retraité. Un ancien haut fonctionnaire de l’éducation, lui aussi à la retraite. Un militaire de l’Aftout, hors service depuis, au moins, deux décennies.
Une sage-femme encore en activité. Une employée de mairie à Nouakchott. Un jeune agent de développement communautaire. Un ancien maire APP, débarqué de son poste pour avoir refusé de recevoir l’ancien putschiste Mohamed Ould Abdel Aziz, encore général, qui venait juste de reprendre le pouvoir. Trois têtes « cassées », au moins. Suffisamment de paroles de retraités. Une semaine de houleux débats. De tout. La guerre du Sahara. Le bon vieux temps du Président Sidi, évoqué par l’ancien ministre. L’état des lieux de l’éducation, nostalgiquement brossé par l’ancien professeur. Le tout sur fond d’interminables protestations des quelques autres membres de la délégation qui jonglaient pour s’adapter au goût, saumâtre, d’une eau pas toujours très disponible mais donnant invariablement, au thé et au très aléatoire zrig, un goût vraiment pas ordinaire. Toutes les manifestations de la pauvreté sont là. Choquantes. Provocatrices. Palpables. « Ici », nous explique un vieillard de plus de soixante-dix ans, « le sac de rakel coûte 4 800 UM. Les produits vétérinaires sont tout aussi chers. Les rares pâturages se trouvent à plus de quinze kilomètres. Moi, j’achète les aliments de bétail depuis janvier. J’en ai déjà consommé quatre à cinq tonnes ». Les Mauritaniens d’ici ne semblent guère au courant de ce qui se passe à Nouakchott. Pas au point, tout de même, de croire que c’est encore feu Moktar Ould Daddah qui est aux affaires. Mais presque. Même situation qu’il ya deux décennies. Des écoles sans élève et sans maître. Des marchés hebdomadaires où le troc, le FCFA et l’ouguiya produisent le même effet. Des adwabas complètement démunis. Rien de spécial. Une autre Mauritanie. Rien ne se ressent. Les dizaines de programmes de développement ne semblent pas être passés par là. Impensable. Les services de base les plus élémentaires manquent encore, dans les zones rurales du Hodh Chargui. Les populations sont encore bien plus liées au Mali qu’à la Mauritanie. Bengou. Mabrouk. Mavnadech. Et même Amourj, Adel Bagrou et Timbedra. Projet éducation. Projet élevage 1 et 2. Commissariats. Programmes. Agences. Tout est passable. Nbeiket lahwach. Il paraît que ça ne va pas. Les quelques maisons et conteneurs de la visite présidentielle de 2011 n’ont pas augmenté. Le Hodh Chargui, c’est, pourtant, des milliers de cadres, dont plus de vingt hauts postes de ministres et responsabilités assimilées. « Et dire », nous dit, excédé, un maire d’une commune rurale, « que depuis l’avènement de l’ère démocratique, tous les Premiers ministres sont de nous, à l’exception d’un ou deux ». L’ancien ministre refait surface, pour glorifier les quinze mois de Sidioca. L’autre retraité sort de sa torpeur, pour vanter les changements intervenus depuis l’aube mémorable et bénie du six août. Les autres, complètement dépassés, réfléchissent aux aléas de la prochaine étape.
Visiblement, la Mauritanie semble rester identique à elle-même. Les mêmes soucis. Les mêmes préoccupations. Les mêmes approches. Le conseil des ministres a toujours la même importance ici, au fin du Hodh. Vraiment aux confins du Mali. Complètement coupés du pays : sans radio, sans TV, sans réseau : ni Mauritel, ni Mattel, ni Chinguitel. Donc, aucune information. Rien. Les deux anciens tenaient, néanmoins, à connaître les résultats du dernier communiqué du Conseil des ministres. « Cassure de tête » ou histoire d’habitudes. Désœuvrement, peut être. Ici, là, loin de Nouakchott, des informations complètement désuètes sont encore d’actualité. Pas les accords de Dakar ou cette histoire du marché de l’aéroport. Mais la maladie du Président. L’histoire de Raja, entre autres « actualités » encore chaudes dont parlent, encore, de lointaines contrées complètement oubliées de la Mauritanie. Initiative de Messaoud. Probable prochain dialogue. Agence nationale Tadamoun.
On ne fait la prière que lorsque son heure a sonné.
Sneiba El Kory
Source : Le Calame le 07/05/2013{jcomments on}
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